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Phénix - L'oiseau de feu Dessin et scénario : Tezuka Osamu Phénix - L'oiseau de feu, terminé |
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Sujet sur Tezuka [forum]  ingweil
| Peut-on utiliser l’Histoire du Japon pour en faire une histoire universelle ? Voilà ce à quoi s’attache Tezuka dans cette saga protéiforme. En multipliant les points de vue et les époques, il réussit à fournir au lecteur de nombreux points de convergence et une vision de ce que pourrait être le bilan définitif du Japon (passé, présent et avenir) et de ses habitants, tous tendus vers une seule quête : la recherche de Phénix, l’oiseau légendaire qui rend immortel.
La saga Phénix se rapproche fortement de celle de Bouddha : les deux œuvres, assez volumineuses et denses, sont toutes deux basées sur le destin de l’homme et sa peur de la mort. Mais là où Bouddha propose la recherche de la sérénité pour tous, là où le prince Siddhârta cherche à sauver le monde entier (même ceux qui le trahissent) et à amener tout un chacun à l’éveil et à la découverte de la place de chacun dans le monde, Phénix s’attache à montrer l’incapacité de l’homme à échapper à la quête du pouvoir. Car si c’est d’immortalité que rêvent les protagonistes de Phénix, c’est bien de pouvoir dont il est question dans cette œuvre, pouvoir dont on veut s’assurer l’éternité en buvant le sang de cet animal merveilleux.
Cette quête du pouvoir est nécessairement tragique. On reconnaît là la critique du régime nippon ou américain mis en place à la fin de la 2nde guerre mondiale, moins centrale que dans les œuvres plus courtes de Tezuka (Kirihito ou Ayako par exemple), mais tout aussi vecteur de l’histoire. Le Japon, par son histoire (comme bien des pays –tous ?–), est une source inépuisable de guerres de colonisation contre des peuplades moins structurées, de spoliations, de régimes dictatoriaux et de chefs fous. Quelles que soient les bonnes dispositions de départ (et souvent mieux elles sont, pire est la chute –l’enfer est pavé de bonnes intentions–), la quête de l’immortalité mène l’humain à sa chute. Chute souvent terrible que le Phénix, ce Dieu sans merci, n’absout presque jamais.
Tezuka entend ici donner à réfléchir sur la méchanceté profonde de l’homme. Contrairement à Bouddha qui pardonne et mène tout le monde sur le chemin de l’éveil, le Phénix ne permet pas que des monstres puissent un jour se libérer de sa malédiction. Aucun soulagement n’est à attendre d’une quelconque rédemption, seule la mort libère les êtres mauvais tout en maudissant leur descendance. Les protagonistes de Phénix sont souvent conscients du mal qui peut leur advenir ; mais leur soif de pouvoir dépasse tous les avertissements qu’ils peuvent recevoir. Mais Tezuka ne cherche pas nécessairement à montrer un univers uniquement pessimiste ; l’amour est le seul sentiment glorifiant, même s’il ne mène malheureusement pas nécessairement au bonheur, il est le moyen pour les héros de mourir dignement.
Tezuka insiste beaucoup sur cette dignité humaine. Il semble que pour lui, une vie ne vaut la peine d’être vécue que si on en est digne ; bien des personnages, secondaires ou principaux, font le choix de mourir par idéal, le visage confiant et serein. Cette vision de la mort est très différente de celle proposée dans Bouddha, seuls quelques ermites y choisissent de mourir de cette manière. C’est certainement lié à la temporalisation de Phénix : dans une œuvre d’une telle durée dans le temps, chaque personnage va trouver son écho dans le passé ou le futur. La réincarnation n’y est pas évoquée, parce que plus que les êtres eux-mêmes, ce sont leurs idées, leurs traits de caractère qui perdureront, de la même manière qu’on peut se réclamer de l’héritage philosophique de tel ou tel penseur. Le message final apparaît alors comme étant de semer aujourd’hui les fleurs de demain. C’est ce qui ressort surtout de la dernière histoire menée en parallèle sur deux époques, le passé moyenâgeux du Japon et son futur, mais cette idée est bien présente tout au long de toutes les histoires de Phénix, qui profite de l’immortalité de son personnage récurrent pour proposer une réflexion sur le temps et les erreurs que l’être humain ne manque jamais de reproduire.
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