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| Ces Jours qui disparaissent |
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  rohagus
| Si l'idée d'un récit mettant en scène un homme qui se réveille sans savoir ce qu'il a fait de sa journée précédente, comme si quelqu'un d'autre avait vécu dans son corps à sa place, n'est pas foncièrement originale, elle a été poussée jusqu'au bout de la réflexion dans cette bande dessinée belle et assez forte en émotions.
En effet, le héros y est confronté à un phénomène fantastique étonnant : quelqu'un prend possession de son corps un jour sur deux. Et ce quelqu'un est prêt au dialogue avec lui, par l'interposition de vidéos enregistrées sur ordinateur, car il ne sait pas plus que le héros pourquoi ce phénomène a lieu, et surtout il n'a lui-même aucun souvenir d'une vie antérieure : il ne sait pas s'il est une sorte de parasite ou quoi. Le héros est un acrobate, artiste dans l'âme et vivant avec des amis qui lui ressemblent. L'autre, celui qui vit dans son corps la moitié du temps, est bien plus matérialiste et rigoureux. Leurs ambitions sont presque à l'opposée l'un de l'autre. Comment vivre ainsi avec un autre qui vit une vie allant à l'inverse de la sienne un jour sur deux et ce sans que rien ne promette que ça s'arrête un jour ? Quelle vie professionnelle, de famille ou amoureuse peut-on avoir dans ces conditions ? Et que se passerait-il si les choses empiraient avec le temps ?
L'histoire est bien menée, intéressante et soutenue par un dessin très agréable. Les planches sont belles et épurées. Le trait est clair, dynamique et maîtrisé, avec parfois de petites touches qui rappellent les influences du manga, notamment dans le visage de l'ami magicien du héros. Le travail sur les couleurs est également très réussi et donne une ambiance visuelle bien personnelle à l'album.
Si le scénario rappelle un peu le concept du film animé Your Name, il s'en détache à partir de la moitié de l'album. Et ce qui ressemblait à une routine étrange mais monotone commence à tourner au drame psychologique. L'intrigue amène alors à la réflexion sur des concepts tels que le temps qui passe, l'identité, la notion d'amitié et d'amour, et surtout sur la valeur de la vie et de sa perte quand on ne peut pas la vivre en même temps que ceux qu'on aime.
Sur la fin de l'album arrive une révélation qui fait assez mal quand on s'est finalement attaché au héros. Elle a su me toucher : j'appréhendais avec lui la perte de ces jours et finalement de sa vie quasiment entière. Et quand on ne voit sa vie que par ses yeux à lui, apprendre ce qu'il apprend à ce moment là fait de la peine.
Plus le temps de son récit passait et plus j'ai été ému par cette bande dessinée qui finit par mêler beauté et tristesse, jusqu'à une conclusion qui rappellera un peu celle d'un certain film de Terry Gilliam, avec à peine moins d'amertume et de fatalisme. |
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