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Donjon [ Bandes Dessinées : auteurs, séries, et toutes ces sortes de choses... ] retour forum
| Pierre, 05.03.2012 à 16:32 | 343349 |
| | | Ne pourrait-on pas dire que les Carottes de Patagonie est à l'origine d'une forme de révolution sans être lui-même un livre révolutionnaire ?
Quant au premier livre mainstream de Trondheim, ce n'est pas Blacktown mais Slaloms, et c'est l'Association qui l'a publié.
Je me souviens à cet égard d'une plaquette éditée par la Fnac vers 1994 et qui se voulait un panorama de la création contemporaine. On y disait que le défi relevé par Trondheim dans Slaloms était d'avoir réalisé pour la première fois un livre de 48 pages. Ce ne sera pas le dernier... |
| | | | Eh bien moi je continue à ne pas être d'accord sur le jugement général sur les Carottes: pour moi c'est le meilleur Lapinot, et un des meilleurs livres de Trondheim, grâce à ses faiblesses mêmes (comme je tentais de l'expliquer dans un post précédent). Ceci dit je pense que Trondheim lui-même n'a pas une opinion très élevée de ce bouquin, il me semble avoir lu qu'il disait ne l'avoir jamais relu. Moi oui, et je continue à trouver plein de choses fascinantes dedans. Je suis beaucoup moins sensible à ce qu'il a fait plus tard dans le mainstream par contre. |
| Mael, 05.03.2012 à 15:33 | 343344 |
| | | Ha excuse moi, je n'avais pas vu, mauvaise lecture de ma part. Tel est pris qui croyait prendre alors.
Bon gardons ce que je voulais dire pour expliciter l'idée de livre emblématique alors, pas le meilleur livre, ni le plus alter, ni le plus tout ça, mais incontestablement un livre qui a fait date à l'Asso et dans la trajectoire de Trondheim, qui a une importance historique réelle. Après sur l'intérêt profond bon, je l'ai lu une fois les carottes de Patagonie, je préfère amplement les version proprettes et pas alternative mais vachement bien de Lapinot chez Dargaud. |
| | | | Mael : | Tout ces titres sont en tous cas plus représentatifs de l'asso que le Journal de Neaud (publié chez Ego comme X) ou Eliminations de Willem (publié chez les Requins marteaux). |
Merci pour ces précisions mais Appollo évoquait un emblème pour "l'Asso et consorts". Ma liste ne se concentrait donc pas que sur l'Asso. Elle cherchait hâtivement quelques livres qui me paraissent représentatifs des possibles de la bande dessinée indépendante (et pas uniquement en tant que "moment éditorial"). J'en ai laissé plein de cotés, certains par oubli parce que ma mémoire patine, d'autres très volontairement. |
| Mael, 05.03.2012 à 15:09 | 343342 |
| | | Bicephale : | Imaginer une liste foutraque qui conjuguerait le Comix 2000 (la belle somme imparfaite, le monstre qui claudique joyeusement), le Journal de Neaud, Éliminations de Willem, Conte Démoniaque d’Aristophane, 676 Apparitions de Killoffer, et d’autres encore, pleins d’autres (des 3 numéros de l’Eprouvette à certains livres signés Trondheim |
Assez d'accord avec cette liste en y rajoutant Pascin, Persépolis, certains n° de lapin, Printemps/Automne, Le cheval blème, Ciboire de Criss et en gardant les carotte. Pas forcément que ce soit tjs les meilleurs livres, mais ils sont emblématiques de la structure, pour l'avoir représenté aux yeux du public. Si on parle de livre emblématique de l'asso, aucune raison de ne pas prendre le Lapinot qui - comme Perspéolis ou Pyongyang (je kl'avaios oublié) - ont effectivement marqué son histoire. Au même titre je pense que des livres marquants de fondateurs, le Comix 2000, l'Eprouvette ou Plate bande, le livre somme d'Aristophane. On devrait y rajouter du Baudoin aussi, auteur marquant de Futuro qui les a suivi, etc.
Tout ces titres sont en tous cas plus représentatifs de l'asso que le Journal de Neaud (publié chez Ego comme X) ou Eliminations de Willem (publié chez les Requins marteaux).
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| Xavier, 05.03.2012 à 15:07 | 343341 |
| | | Bicephale : | Mais ces "bousculades de schémas éditoriaux" sont une constante de l’édition mainstream, ici comme ailleurs, phénomènes réguliers qui ne sauraient suffire à fonder l’intérêt d’une œuvre. |
Mouais, je te trouve un peu rapide à classer ça dans les trucs habituels. Il y a une proposition de la part de Trondheim, volontaire et affirmée -- et venant d'un auteur, qui met cela en oeuvre dans son travail, cela en fait quelque chose de très différent de l'approche d'un éditeur à la recherche d'un format qui serait plus attractif/efficace/rentable du point de vue commercial.
Bicephale : | on peut interroger le mouvement qui aura vu certains auteurs de la sphère indépendante se plier de bonne grâce au schéma industriel le plus traditionnel (séries multiples, rythme de parution soutenu, bd de genre, etc.). |
Il me semble justement que cela a été une proposition de la part des auteurs, et non pas l'inverse. Trondheim et Sfar sont arrivés avec ce "monstre" éditorial, et Delcourt a dit oui. Pas l'inverse.
Il y a des choses intéressantes dans Donjon, comme la question du temps, ou la question de l'ellipse (majeure, car incarnée par les volumes manquants) dans le récit et la construction des personnages. Mais, comme c'est toujours le cas dans des oeuvres référentielles (et ici, en référence à un genre), elles ont la limite de leur référence...
Bicephale : | Face aux méthodes de régénération de la bande dessinée mainstream (méthodes en tant que l’on trouve nombre d’exemples comparables en d’autres pays, et d’autres champs de la production culturelle), il importe surtout de préciser combien ces évolutions ne remettent non seulement jamais en cause les schémas qu’elles bousculent (lorsque l’industrie aurait plutôt tendance à proclamer le contraire : "la nouvelle bande dessinée" nous aura-t-on dit...) mais de plus les revigorent : ainsi, entre Astérix et Lapinot, quoi de plus, au final, qu’une simple actualisation, et la promesse conjointe d’en reprendre pour vingt, trente, quarante ans ? |
Je ne suis pas d'accord. Non pas sur les idées, au fond, mais sur cet amalgame rapide que tu fais de l'ensemble des discours -- auteurs, éditeurs, critiques -- pour donner un truc forcément indigent et que l'on peut stigmatiser à peu de frais. La "nouvelle bande dessinée", c'est Dayez, et finalement peu de gens l'ont repris -- à la différence de la construction mythologique autour de l'Asso, au détriment de toutes les autres initiatives alternatives de l'époque, et même de celles qui l'ont précédée.
Le problème ici, ce n'est peut-être d'ailleurs pas tant la production (de Trondheim en particulier ou des autres), que l'absence de discours véritablement critique. Le discours actuel se focalise sur les têtes de gondole, sur les grosses ventes, sur les titres qui sont visibles. La phrase de Jean-Louis prononcée durant une Université d'Eté reste toujours aussi pertinente, à l'égard des journalistes qui "n'éclairent que la lumière".
Bicephale : | oui, d’accord, peut-être, on y aura cru sur le moment, mais aujourd’hui, les Carottes, c’est quoi ? Et Blacktown ? Vingt ans plus tard ? Comment ces œuvres existent-elles aujourd’hui ? Quelles lectures produisent-elles ? Ou bien n'étaient-elles que des œuvres de circonstance ? |
A l'échelle de l'oeuvre de Trondheim, les Carottes restent un moment important. C'est peut-être aussi un moment important pour l'Asso, du fait de la taille du livre -- je ne sais pas trop, il faudrait regarder du point de vue historique ce que cela peut représenter dans leur catalogue. En ce qui me concerne, je ne suis pas convaincu que cela ait véritablement marqué l'histoire de la bande dessinée, pas en soi. Pour prolonger ce que disait Appollo, c'est peut-être un livre emblématique, juste pour ce qu'il représentait à l'époque dans la trajectoire en devenir de l'Asso. Pas tant en tant qu'oeuvre programmatique, mais en tant que concrétisation d'un projet. |
| | | | Ce que je trouve étrange, c'est que dans mon Leclerc, il y a à vendre du Cinquième Couche, du Six pied sous terre, de l'Association (dont Livret de Phamille) mais pas un seul Donjon.
Ca ne contredit pas ce que tu dis. J'imagine que la série Donjon prendrait trop de place dans le rayon Delcourt et qu'il faudrait réassortir la série. Alors que pour le rayon alternatif, le réassortiment doit être facultatif... |
| | | | Xavier : | C'est présent dans les Lapinot et ses à-côtés (les aventures sans Lapinot), et très fortement dans les Donjon: l'idée ici est de voir comment bousculer les schémas éditoriaux en vigueur. |
Mais ces "bousculades de schémas éditoriaux" sont une constante de l’édition mainstream, ici comme ailleurs, phénomènes réguliers qui ne sauraient suffire à fonder l’intérêt d’une œuvre. Qu’il y ait jeu ou proposition chez Trondheim et d’autres confrontés à des impératifs économiques, structurels, sans doute. Mais pour quels résultats ? De Blacktown à Quai d’Orsay en passant par le Chat du Rabbin, que lit-on ? Quelles œuvres au final ? Quels livres ? Blacktown, aujourd’hui, là, tout de suite, si on le lit, qu’est-ce que ça donne ? Un grand album, une œuvre d’envergure, riche, débordante ? Ou une petite bd sympathique qui assouplit d’un cran quelques règles édictées par le marché (et en institue, puisque l’assouplissement s’est avéré fructueux, une nouvelle conformation) ?
Quant à la "bousculade" Donjon (et ne pas oublier la déclaration de Matrok à l’origine de tous ces échanges : "La revendication d"'underground" et d'opposition au "mainstream" a longtemps été très importante dans le travail de Lewis Trondheim comme dans celui de Joann Sfar"), on peut interroger le mouvement qui aura vu certains auteurs de la sphère indépendante se plier de bonne grâce au schéma industriel le plus traditionnel (séries multiples, rythme de parution soutenu, bd de genre, etc.). Quelle "revendication" dans tout ça, quelle "opposition" ? Entre l’industrie mainstream et l’auteur débarqué de chez les indépendants, qui aura le plus torsadé l’autre (comme, un peu plus tard, lors du ralliement de certains auteurs au pseudo-Futuropolis, on aura bien le droit de se demander qui a gagné quoi) ? Qui s’est imposé ? Les travaux de Menu, Blanquet, Killoffer dans Donjon, est-ce ce qu’il faut conserver d’eux, est-ce ce qu’on doit relire aujourd’hui ? Faut-il se réjouir que, dans nombre de librairies, les seuls livres présents de ces auteurs soient ceux-là ? (même si, histoire d’être précis, et parce que rien n’est tout d’un bloc, le Donjon dessiné par Killoffer me paraît mériter une place à part)
SydN : | Et puis sandman n'est pas une serie humoristique... Ca me semble encore plus cullotté de faire ça dans une série "humour" |
On pourra toujours s’amuser à proclamer qu’une chose est nouvelle en tant qu’elle s’est produite ailleurs, mille fois, déjà, mais pas ici, pas en "bande dessinée humoristique franco-belge" et donc, CQFD, que la greffe opérée est, si ce n’est géniale, du moins "culottée" (comme disait ma grand-mère confrontée à une pub Benetton de la grande époque...).
Je me souviens alors de Walt Simonson qui, travaillant pour Marvel durant les années 80, avait transformé le super-héros Thor en grenouille, durant deux numéros de la série. C’était "culotté", ça aussi. Un super-héros Marvel transformé en grenouille... Irrévérencieux au possible... Y avait même des lecteurs qui criaient au blasphème... Mais bon, hein, transformer Thor en grenouille, ça pourra toujours surprendre un enfant de huit ans, voire même être considéré comme un chamboulement non-négligeable d’invariants supposés, mais au final ça ne casse pas trois pattes à un canard...
Face aux méthodes de régénération de la bande dessinée mainstream (méthodes en tant que l’on trouve nombre d’exemples comparables en d’autres pays, et d’autres champs de la production culturelle), il importe surtout de préciser combien ces évolutions ne remettent non seulement jamais en cause les schémas qu’elles bousculent (lorsque l’industrie aurait plutôt tendance à proclamer le contraire : "la nouvelle bande dessinée" nous aura-t-on dit...) mais de plus les revigorent : ainsi, entre Astérix et Lapinot, quoi de plus, au final, qu’une simple actualisation, et la promesse conjointe d’en reprendre pour vingt, trente, quarante ans ? Actualisation qui ne paraît sans doute jamais aussi déterminante, aussi capitale, que lorsqu’on se trouve en être le contemporain : les témoignages auront abondé, souvent conjugués à l’imparfait, pour nous dire qu’à l’époque, Les Carottes, tout de même, c’était pas rien, y fallait voir ça, y fallait y être... oui, d’accord, peut-être, on y aura cru sur le moment, mais aujourd’hui, les Carottes, c’est quoi ? Et Blacktown ? Vingt ans plus tard ? Comment ces œuvres existent-elles aujourd’hui ? Quelles lectures produisent-elles ? Ou bien n'étaient-elles que des œuvres de circonstance ?
On peut bien sûr se réjouir de tel réagencement de vitrine, applaudir à telle mise à jour du joujou mainstream (j’ai mes petites marottes de confort moi aussi : par exemple, certains anciens albums d’Andreas ou, plus récent, les collaborations de Grant Morrison et Frank Quitely...), mais en ayant au moins la précaution de les reconnaître pour ce qu’ils sont. Et l’on peut aussi, en parallèle, ne pas oublier d’aspirer à d’autres élans : ruptures, déviances, échappées, autant de bousculades autrement plus essentielles, qui nous surprennent et nous renversent et nous inventent plutôt que nous conforter gentiment dans nos chaussons.
Appollo : | l'Asso et consorts, dont Les Carottes sont, à mon avis, le bouquin emblématique. |
Désolé, vraiment, mais je trouve cette affirmation proprement terrifiante : après vingt ans d’édition indépendante, aboutir à un tel emblème ? On pouvait, véritablement, au vu des efforts déployés et des territoires arpentés, espérer autre chose, non ? Imaginer une liste foutraque qui conjuguerait le Comix 2000 (la belle somme imparfaite, le monstre qui claudique joyeusement), le Journal de Neaud, Éliminations de Willem, Conte Démoniaque d’Aristophane, 676 Apparitions de Killoffer, et d’autres encore, pleins d’autres (des 3 numéros de l’Eprouvette à certains livres signés Trondheim) en une liste ouverte d’œuvres étonnantes, dangereuses, agressives, tourneboulantes, parues durant cette période. Mais pourquoi chercher le bel emblème unificateur ? Et surtout, pourquoi celui-ci ?
Serait-ce une manière de ne prêter à la bande dessinée indépendante d’autre visée essentielle que celle de bousculer, sans les briser, de manière ludique, espiègle, les tristes schémas éditoriaux sclérosés de l’industrie mainstream franco-belge ? De ne lui prêter d’autre désir que de rentrer au "bercail" pour faire joujou ?
Tiens, quitte à choisir un titre emblématique paru chez l’Asso, je prendrais alors le Ducon de Bertoyas, le livre qui fait joujou en cassant tout, qui nous dit aussi combien le jeu est sérieux, vital, l’œuvre qui travaille à être l’irréductible qui ne fera jamais loi. |
| SydN, 05.03.2012 à 12:43 | 343337 |
| | | Docteur C : | Ah, bon, j'admets ne pas lire Spirou régulièrement |
Moi non plus à vrai dire...
Docteur C : | Incomparable? On parle quand même de la même personne, signant du même nom, d'un même sujet qui invente par sa pratique, donc dire que les changements dans ses travaux d'une décennie à l'autre sont incomparables, je ne comprends pas trop. |
Il s'est inventé dans sa pratique avec Lapinot et les carottes de Patagonie, avec ses quelques travaux à tendance OuBaPiennes, et à intégré ses "inventions" au seins de ses travaux plus classiques pour les Dargaud et autres... Son auto-invention à été fulgurante, tout comme sa sclérose qui s'est mise en place rapidement. Sclérose dont il à été -tardivement- lui-même le témoin avec Desoeuvré. On aurait pu penser que cette prise de conscience aurait pu être un électrochoc et qu'il aller tenter de se renouveler totalement. Il a fait le choix inverse...
D'où à mon avis cette impossibilité de comparer un Trondheim qui avançait en réalisant des travaux aux intérêts distincts (les uns mainstream, les autres plus expérimentaux), et un Trondheim qui à désormais clairement fait son choix de mainstream assumé.
Docteur C : | Lire que Trondheim a changé la bande dessinée "mainstream" dans les années 90, et qu'après lui elle ne sera plus jamais la même, alors qu'il participe à sa conservation dans les années 2010, c'est bizarre. |
Je ne voix pas ce qu'il y a de bizarre. Aujourd'hui il participe à la conservation de ce qu'il a (lui et d'autres) fait évolué dans les années 90...
Docteur C : | Enfin on parle d'une œuvre qui se fait, là, d'un corpus, composé de tous ses travaux, si l'on procède à l'analyse du travail d'un auteur, je veux bien qu'on écarte tout un pan de sa bibliographie pour en faire une synthèse élogieuse, mais il y a au moins une nonchalance, une légèreté dans ce procédé, non? |
là je suis assez d'accord :)
Je pense qu'en tant "qu'ancien fan" (je parle pour moi), il m'est plus difficile d'avoir un regard aussi objectif que vous, dont ses travaux ne vous on pas tellement marqués.
Docteur C : | On verra où va Trondheim. Je ne condamne ni l'homme ni l'œuvre dans son entièreté, oui il se passe quelque chose dans son travail des années 90 (et son formidable ALIEEN que nous n'avons pas cité), mais j'ai détesté le Quoi!, son travail contemporain m'indiffère, ça joue dans la vision que je peux avoir de son œuvre, ça me paraît assez cohérent. |
Oui, merci de citer ALIEEN ! injustement oublié :) |
| | | | SydN : |
A ma connaissance il en a même 3 :
Les deux que tu cites + Zizi chauve souris, avec Guillaume Bianco au dessin...
1 fois tous les deux numéros le semble t il... |
Ah, bon, j'admets ne pas lire Spirou régulièrement, mais bon j'ai lu le premier tome de Ralph Azham, lu quelques strips de l'atelier Mastodonte, ça me revient, et bon...
SydN : |
Après, bon, son travail se tourne de plus en plus vers le mainstream tres grand public de toute façon j'ai l'impression (son one shot spirou, et ses travaux dans le magazine...). Mais, là tu te concentre sur le trondheim d'aujourd'hui (avec lequel j'ai un peu de mal), alors qu'Apollo parlait de celui des annés 90 (dont j'ai apprécié la quasi totalité des travaux...). Ça me parait incomparable... |
Incomparable? On parle quand même de la même personne, signant du même nom, d'un même sujet qui invente par sa pratique, donc dire que les changements dans ses travaux d'une décennie à l'autre sont incomparables, je ne comprends pas trop.
Lire que Trondheim a changé la bande dessinée "mainstream" dans les années 90, et qu'après lui elle ne sera plus jamais la même, alors qu'il participe à sa conservation dans les années 2010, c'est bizarre.
Enfin on parle d'une œuvre qui se fait, là, d'un corpus, composé de tous ses travaux, si l'on procède à l'analyse du travail d'un auteur, je veux bien qu'on écarte tout un pan de sa bibliographie pour en faire une synthèse élogieuse, mais il y a au moins une nonchalance, une légèreté dans ce procédé, non?
SydN : |
La couronne de Laurier serait pour ce qu'il aurait apporté il y a quelques années, et non pas a mon sens pour ses activités actuelles....
Et puis même aujourd'hui, il a encore, parfois, des tentatives de renouvellement (omnivisibilis). Echec cuisant selon moi, mais tentative tout de même... |
On verra où va Trondheim. Je ne condamne ni l'homme ni l'œuvre dans son entièreté, oui il se passe quelque chose dans son travail des années 90 (et son formidable ALIEEN que nous n'avons pas cité), mais j'ai détesté le Quoi!, son travail contemporain m'indiffère, ça joue dans la vision que je peux avoir de son œuvre, ça me paraît assez cohérent. |
| SydN, 05.03.2012 à 8:13 | 343334 |
| | | Docteur C : | Trondheim dans Spirou a deux séries régulières. |
A ma connaissance il en a même 3 :
Les deux que tu cites + Zizi chauve souris, avec Guillaume Bianco au dessin...
1 fois tous les deux numéros le semble t il...
Après, bon, son travail se tourne de plus en plus vers le mainstream tres grand public de toute façon j'ai l'impression (son one shot spirou, et ses travaux dans le magazine...). Mais, là tu te concentre sur le trondheim d'aujourd'hui (avec lequel j'ai un peu de mal), alors qu'Apollo parlait de celui des annés 90 (dont j'ai apprécié la quasi totalité des travaux...). Ça me parait incomparable...
La couronne de Laurier serait pour ce qu'il aurait apporté il y a quelques années, et non pas a mon sens pour ses activités actuelles....
Et puis même aujourd'hui, il a encore, parfois, des tentatives de renouvellement (omnivisibilis). Echec cuisant selon moi, mais tentative tout de même... |
| NDZ, 04.03.2012 à 21:49 | 343328 |
| | | "(...) Le monde des hommes n'était qu'un sac immense, dans lequel se débattait une masse informe de patates aveugles et rêveuses de l'humanité." |
| | | | Appollo : |
J'admets volontiers qu'on n'aime pas telle ou telle partie ou l'entièreté du travail de Trondheim, mais il me semble qu'on peut lui reconnaître d'avoir cristallisé, au milieu des années 90, les aspirations au changement de la bande dessinée franco-belge. On n'a plus envisagé l'édition mainstream de la même manière après son arrivée.
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Ce sont des énoncés un peu étranges, parce que Trondheim (et Sfar ou Blain), publient toujours des albums, et Trondheim dans Spirou a deux séries régulières, là maintenant, deux séries d'ailleurs l'une comme l'autre assez calibrées (Ralph Azham feuilleton, l'atelier je-sais-plus-quoi dans la lignée des strips d'atelier pas loin du gang Mazda ou autres). On est dans une orientation limite conservateur, non? Du coup qu'est-ce qui a changé durablement? Il y a une nouvelle collection chez Delcourt et Gallimard a une collection Bayou, qui publient des livres qui ressemblent à ce que faisaient Trondheim, Sfar ou Blain dans les années 90 (sauf quelques exceptions, bien sûr, heureusement).
J'ai un exemple qui me vient en tête curieusement, c'est Jacques Tardi, qui lui a quand même aussi, à un moment, fait quelque chose dans la bande dessinée des années 70-80. C'était du franco-belge, chez Casterman. Pensons à Ici-même pour A suivre, en même temps qu'Adèle Blanc-sec etc. On ne peut pas dire qu'il a beaucoup bougé ces dernières années. Mais on peut dire qu'il n'a rien lâché de ce qui faisait la spécificité de son travail, même s'il est adapté par Besson (Trondheim l'est lui aussi avec la voix de Dany Boon pour Allez raconte!).
Ces considérations pour dire que d'accord je reconnais (et je l'ai déjà fait plus bas) certains apports de Trondheim à la bande dessinée, auteur important, pour plusieurs travaux, mais je suis plus dubitatif sur l'intérêt et l'usage de la couronne de laurier, là tout de suite. |
| SydN, 04.03.2012 à 14:13 | 343322 |
| | | Mr_Switch : | (Ton exemple de Sandman est recevable, Bicéphale. Néanmoins, il me semble que si Sandman est bien mort, il n'a pas fallu longtemps avant que le costume soit repris. Le Sandman original est mort mais le costume est toujours là. Mais peut-être me fourvoyé-je ?) |
Et puis sandman n'est pas une serie humoristique... Ca me semble encore plus cullotté de faire ça dans une série "humour" plutot que dans serie "sérieuse" |
| | | | (Ton exemple de Sandman est recevable, Bicéphale. Néanmoins, il me semble que si Sandman est bien mort, il n'a pas fallu longtemps avant que le costume soit repris. Le Sandman original est mort mais le costume est toujours là. Mais peut-être me fourvoyé-je ?) |
| Isaac, 04.03.2012 à 11:20 | 343320 |
| | | Bicephale : | Appollo : | Peut-on tuer un personnage principal d'une série qui marche ? |
Sandman chez DC Comics en 1996... |
Ou Lapinot... |
| | | | Bicéphale : aucun de tes exemples ne concerne, étrangement, la bande dessinée franco-belge. On peut donc reconnaître à Trondheim d'avoir innové au moins dans ce cadre là, qui n'a évidemment rien à voir avec le mode de fonctionnement de l'industrie du comics (sinon, tu aurais pu aussi bien citer le fonctionnement éditorial du manga).
Rien ne s'invente sans doute, ex nihilo, et tous les jeux narratifs, sur le récit, ont déjà été expérimenté (je citais Diderot, on pourrait faire une liste qui n'en finirait pas, Sterne, Queneau, Perec, etc), mais la singularité de Trondheim, c'est bien d'avoir multiplié ces possibilités, toujours dans un esprit ludique, et dans un cadre économique, de genre même, celui du mainstream franco-belge.
Quand Moebius fait Arzach ou Major Fatal, il fait aussi une proposition inédite, non pas parce que personne avant lui ne s'est posé la question du récit "en forme de flamme d'allumette soufrée" (quoique j'imagine que l'expression est absolument inédite, elle), mais parce qu'il fait ces propositions dans un cadre particulier qui est le système de la bande dessinée franco-belge de la fin des années 70.
J'admets volontiers qu'on n'aime pas telle ou telle partie ou l'entièreté du travail de Trondheim, mais il me semble qu'on peut lui reconnaître d'avoir cristallisé, au milieu des années 90, les aspirations au changement de la bande dessinée franco-belge. On n'a plus envisagé l'édition mainstream de la même manière après son arrivée.
Il n'est évidemment pas le seul auteur, le seul acteur, des changements qui se sont opérés (le succès de Persépolis a dû faire réfléchir plus d'un éditeur), mais il en est l'un des principaux instigateurs. |
| | | | Appollo : | Peut-on tuer un personnage principal d'une série qui marche ? |
Sandman chez DC Comics en 1996...
Appollo : | Peut-on faire une série qui explose le nombre vraisemblable d'albums possibles ? |
En 1979, Dave Sim décide que sa série Cerebus, amorcée deux ans plus tôt, comptera 300 numéros...
Appollo : | Peut-on créer une série qui fonctionne non sur un personnage mais sur un lieu ? |
Si je suis ta définition (est-ce de Donjon dont tu parles là ??), je pense aussitôt aux travaux de Martin Vaughn-James dans les années 70...
Bref, les réponses à toutes ces questions, on les a depuis longtemps, multiples, variées. Et (est-il besoin de le préciser ?) on ne saurait reprocher à Lewis Trondheim de se les poser à son tour, de les remettre en jeu et d’y répondre à sa façon. Ce qui peut chagriner tout de même, c'est lorsqu’on vient à en faire la spécificité d’un auteur, les signes d’une singularité essentielle, voire d’une innovation... Il me paraît bien plus intéressant, et juste, de reconnaître la permanence de ces questions, et de comparer l’intérêt, l’originalité des réponses apportées par les uns et par les autres (ainsi La Cage/Donjon, manière de relativiser l’audace que tu supposes...).
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| Xavier, 04.03.2012 à 9:59 | 343317 |
| | | Appollo : | Si on admet que les Carottes sont un jeu sur le système du récit d'aventure en bande dessinée, |
Oui, mais justement, non. Dans les Carottes, il n'y a pas de jeu sur un système existant, mais sa construction. On commence au niveau 0 ("oh, une carotte, c'est le plus beau jour de ma vie"), et on termine avec une intrigue complexe et haletante. Cela se double d'un apprentissage du dessin (même si ce très bon texte de David Turgeon peut permettre de douter de la pleine validité de cette proposition -- tout au plus aurait-on, une fois de plus, la mise en place d'un système) qui part aussi du niveau 0 (pas de perspective, trait gras) à une certaine virtuosité.
Par contre, ce système narratif ne se développe pas en réaction ou en décalage par rapport à quelque chose d'existant (peut-être en hommage à Barks, ou à d'autres lectures, mais il n'y a pas d'opposition directe et affichée), il se développe pour lui-même.
Ce qui n'est pas le cas pour le système éditorial, puisque comme le soulignent les exemples que tu donnes (et qui étaient ceux que j'avais en tête en évoquant ce sujet), la position est celle d'une remise en question du format existant.
La dimension ludique est, en effet très présente. Mais à mon sens, les Carottes et la série des Lapinot relèvent d'approches radicalement différentes (pour revenir au sujet initial). |
| | | | Xavier :
"Certes, il y utilise le système établi avec les Carottes, mais c'est finalement un épiphénomène dans le projet -- une facilité, presque."
Pas sûr. Si on admet que les Carottes sont un jeu sur le système du récit d'aventure en bande dessinée, alors le travail sur Donjon et Lapinot-la-série est bien dans la même ligne de conduite, sauf qu'il élargit le jeu au système éditorial.
Peut-on tuer un personnage principal d'une série qui marche ? Oui, on peut. Peut-on faire une série qui explose le nombre vraisemblable d'albums possibles ? Oui, on peut. Peut-on créer une série qui fonctionne non sur un personnage mais sur un lieu ? Oui, on peut. etc.
J'ai dit plus bas que Trondheim n'était ni théoricien ni punk, mais il est mieux que ça d'une certaine façon, parce qu'il est fondamentalement joueur. Trondheim se dit toujours "Chiche que je le fais".
A titre personnel, c'est cette dimension ludique qui me réjouit chez lui, et le culot qui va avec. Diderot devait bien s'amuser quand il détournait les genres romanesques en écrivant "Jacques le fataliste". Trondheim s'amuse de la même façon, j'ai l'impression, lorsqu'il détourne les genres de la bande dessinée classique. |
| Xavier, 03.03.2012 à 21:20 | 343315 |
| | | (j'arrive à la bourre, mais en ayant lu tous ces passionnants échanges, avec la plupart des neurones en berne, donc de l'indulgence s'il vous plait)
Bicephale : | Appollo : | Ok, mais je n'ai pas parlé de Blacktown. La série Lapinot est dans la norme éditoriale, pas les Carottes. |
Mais alors où est passée la proposition trondheimienne que tu disais alternative puis majoritaire si, à partir du moment où elle accède au mainstream, elle se volatilise ? |
Il me semble justement que la proposition trondheimienne n'est pas la même entre ces deux projets, et que le personnage de Lapinot qui en suggèrerait une continuité est en fait un leurre.
Les Carottes sont l'occasion de la mise en place d'un système narratif -- un système qui n'est pas limité au seul dessin, mais qui touche également à la narration, la construction des intrigues, des personnages, etc. D'ailleurs, le récit s'arrête au moment où tout cela joue à plein, et laisse à la 500e page le lecteur frustré de ne pas avoir la suite. Sauf qu'ici, produire un récit n'était finalement qu'une conséquence inévitable, mais non essentielle.
Par la suite, Trondheim a déplacé, il me semble, sa "proposition" sur un autre niveau, à savoir le système éditorial. C'est présent dans les Lapinot et ses à-côtés (les aventures sans Lapinot), et très fortement dans les Donjon: l'idée ici est de voir comment bousculer les schémas éditoriaux en vigueur. On s'amuse alors avec l'idée de la série, en en questionnant les invariants supposés: unité de genre, pérennité du personnage principal, séquentialité, etc. Certes, il y utilise le système établi avec les Carottes, mais c'est finalement un épiphénomène dans le projet -- une facilité, presque. |
| | | | Pour info, Trondheim et Menu étaient tous deux présents dans Spirou dès 1993. |
| | | | "Mais alors où est passée la proposition trondheimienne que tu disais alternative puis majoritaire si, à partir du moment où elle accède au mainstream, elle se volatilise ?"
Chez Trondheim, elle se retrouve dans plein de bouquins d'après cette époque (on a cité "Bleu", par exemple, on peut citer les carnets autobios, les Mister O, les "Papa raconte" etc). Dans l'édition, c'est la systématisation de formats autres (cf "Plates Bandes" à ce sujet), les niches "Nouvelle bd" qui ont donné plein de merdes, mais aussi plein de bons trucs, la possibilité d'une bd plus littéraire, l'ouverture de l'édition mainstream à d'autres horizons (notamment géographiques), l'ouverture à cette nouvelle bd française de l'édition étrangère, etc.
Il y a bien eu "révolution" en ce sens que l'édition de bd s'est pensée autrement après l'irruption de l'Asso et consorts, dont Les Carottes sont, à mon avis, le bouquin emblématique.
Pour Blacktown en particulier, je n'en ai pas un souvenir très précis, je ne peux pas rien dire (oui, c'est un créolisme)
Depuis l'avénement de Metal Hurlant, il n'y avait pas eu de changements aussi importants dans le mainstream.
"Je n'ai, pour ma part, jamais vu autant de propositions intéressantes et de choses passionnantes en bande dessinée."
Et je te crois sur parole, et je m'en réjouis, parce que je vois pas tout ça, et que ce sera un foutu plaisir à découvrir, quand j'habiterai moins loin. |
| SydN, 03.03.2012 à 18:37 | 343312 |
| | | Bicephale : | Je n'ai jamais dit que je trouvais la bd d'aujourd'hui moins excitante. Je parlais bien de la bd mainstream découlant du mouvement des années 90. Je n'ai, pour ma part, jamais vu autant de propositions intéressantes et de choses passionnantes en bande dessinée. |
ah oui, précision quand je parle de ramollissement créatif, je parle aussi de la Bande dessinée mainstream, dont celle qui découle de cette "nouvelle BD" des années 90... |
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