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Donjon [ Bandes Dessinées : auteurs, séries, et toutes ces sortes de choses... ] retour forum
 | |  |  | lldm : | ton intense, généreuse, activité associative au sein du Comité de Sauvegarde des Calembours Voués à l'Échec. J'ai sculpté un petit toi en mie de pain que j'ai coloré à la gouache, devant lequel je prie tous les jours pour devenir meilleur.
Ce qui marche moyen parce que j'ai l'âme noire comme du caca malade. |
On n'a pas l'âme noire quand on participe à une revue intitulée "Enculer Poney". Sinon les Calembours tu confonds, il s'agit d'un autre auteur suisse.
Mais cessons ces divagations personnelles. |
 | lldm, 05.03.2012 à 21:12 | 343357 |
|  |  | ibnalrabin : | Et j'ai pas l'âme spécialement généreuse il me semble. |
Attend voir... Si, si, je consulte ma liste, et qu'est-ce que je vois?, en bonne troisième position des types qui vous feraient croire en Jésus Christ tellement ils sont bons?, juste derrière François d'Assise et June?, toi, hé oui, avec ta solide tête carrée d'honnête homme, tes grands yeux doux et ton intense, généreuse, activité associative au sein du Comité de Sauvegarde des Calembours Voués à l'Échec. J'ai sculpté un petit toi en mie de pain que j'ai coloré à la gouache, devant lequel je prie tous les jours pour devenir meilleur.
Ce qui marche moyen parce que j'ai l'âme noire comme du caca malade. |
 | |  |  | lldm : | je répond à Matthieu sur l'absence de rapport entre ce qui le touche, l'émeut, des faiblesses mêmes d'un livre, et l'importance, la puissance de renversement dont il est question autour de lui. |
Ah mais ça je n'en disais rien, la question de renversement et de moment "historique". Mon avis est que les Carottes est un grand livre, comme je peux trouver que certaines œuvres d'art brut sont pertinentes et belles (les deux n'ont pas grand chose à voir à part parfois le côté maladroit, justement, et je ne dis pas que l'art brut est forcément maladroit, enfin bref). Certains ici écrivent que ce livre est un manifeste/exemple paroxysmique/jalon historique mais qu'en soi il n'est pas terrible. Pour moi il est excellent, le reste je ne sais pas.
En passant, une partie de ce qui m'attire dans ce livre (le "faire malgré tout", pour dire simple) est aussi présent dans Psychanalyse et le Dormeur, et participe de mon appréciation, alors que je suis certain que ton intérêt pour ces bouquins est tout différent. Mais bon.
Et j'ai pas l'âme spécialement généreuse il me semble. |
 | lldm, 05.03.2012 à 20:07 | 343355 |
|  |  | Matrok : | Là franchement, ça devient n'importe quoi... "De Cape et de Crocs", premier volume en 1995, il y a déjà 17 ans ! Qu'est-ce que ça vient faire dans la discussion ? |
je ne suis pas synchrone, c'est tout (mais qui en a quelque chose à foutre? Un exemple de 1930 aurait pu me satisfaire également): je n'avais aucune raison de rencontrer ce truc un jour mais, parce qu'une anecdote biographique sans intérêt l'a mis dans mon champ de vision cette année à Angoulême, c'est le premier exemple de truc mal foutu, laborieux, et pas attachant pour deux sous qui me vienne à l'esprit, c'est tout. Celui-là ou dix mille autres, ça n'a aucune espèce d'importance, je répond à Matthieu sur l'absence de rapport entre ce qui le touche, l'émeut, des faiblesses mêmes d'un livre, et l'importance, la puissance de renversement dont il est question autour de lui. |
 | Matrok, 05.03.2012 à 17:20 | 343352 |
|  |  | Là franchement, ça devient n'importe quoi... "De Cape et de Crocs", premier volume en 1995, il y a déjà 17 ans ! Qu'est-ce que ça vient faire dans la discussion ? |
 | lldm, 05.03.2012 à 16:32 | 343350 |
|  |  | ibnalrabin : | Eh bien moi je continue à ne pas être d'accord sur le jugement général sur les Carottes: pour moi c'est le meilleur Lapinot, et un des meilleurs livres de Trondheim, grâce à ses faiblesses mêmes (comme je tentais de l'expliquer dans un post précédent) |
ce sentimentalisme « n'explique » rien ; il nous éclaire sur ton âme généreuse (générosité dont je ne doute pas une seconde) mais ne relève en rien ce livre. Je vois des centaines d'albums tâtonnants, maladroits, bancals, dont ne sautent aux yeux que les défauts et la sueur qui en fait le lit, et qui sont pourtant d'insignifiants parallélépipèdes de papier coloré (le dernier que j'aie eu devant le nez semble avoir été dessiné avec un crayon planté dans le cul, ça s'appelle "de cape et de crocs", c'est hideux, rigide, terriblement besogneux, et je peux te dire que ça appelle tout sauf la compassion. Et en rien ça ne fait de cette horreur un grand livre). |
 | Pierre, 05.03.2012 à 16:32 | 343349 |
|  |  | Ne pourrait-on pas dire que les Carottes de Patagonie est à l'origine d'une forme de révolution sans être lui-même un livre révolutionnaire ?
Quant au premier livre mainstream de Trondheim, ce n'est pas Blacktown mais Slaloms, et c'est l'Association qui l'a publié.
Je me souviens à cet égard d'une plaquette éditée par la Fnac vers 1994 et qui se voulait un panorama de la création contemporaine. On y disait que le défi relevé par Trondheim dans Slaloms était d'avoir réalisé pour la première fois un livre de 48 pages. Ce ne sera pas le dernier... |
 | |  |  | Eh bien moi je continue à ne pas être d'accord sur le jugement général sur les Carottes: pour moi c'est le meilleur Lapinot, et un des meilleurs livres de Trondheim, grâce à ses faiblesses mêmes (comme je tentais de l'expliquer dans un post précédent). Ceci dit je pense que Trondheim lui-même n'a pas une opinion très élevée de ce bouquin, il me semble avoir lu qu'il disait ne l'avoir jamais relu. Moi oui, et je continue à trouver plein de choses fascinantes dedans. Je suis beaucoup moins sensible à ce qu'il a fait plus tard dans le mainstream par contre. |
 | Mael, 05.03.2012 à 15:33 | 343344 |
|  |  | Ha excuse moi, je n'avais pas vu, mauvaise lecture de ma part. Tel est pris qui croyait prendre alors.
Bon gardons ce que je voulais dire pour expliciter l'idée de livre emblématique alors, pas le meilleur livre, ni le plus alter, ni le plus tout ça, mais incontestablement un livre qui a fait date à l'Asso et dans la trajectoire de Trondheim, qui a une importance historique réelle. Après sur l'intérêt profond bon, je l'ai lu une fois les carottes de Patagonie, je préfère amplement les version proprettes et pas alternative mais vachement bien de Lapinot chez Dargaud. |
 | |  |  | Mael : | Tout ces titres sont en tous cas plus représentatifs de l'asso que le Journal de Neaud (publié chez Ego comme X) ou Eliminations de Willem (publié chez les Requins marteaux). |
Merci pour ces précisions mais Appollo évoquait un emblème pour "l'Asso et consorts". Ma liste ne se concentrait donc pas que sur l'Asso. Elle cherchait hâtivement quelques livres qui me paraissent représentatifs des possibles de la bande dessinée indépendante (et pas uniquement en tant que "moment éditorial"). J'en ai laissé plein de cotés, certains par oubli parce que ma mémoire patine, d'autres très volontairement. |
 | Mael, 05.03.2012 à 15:09 | 343342 |
|  |  | Bicephale : | Imaginer une liste foutraque qui conjuguerait le Comix 2000 (la belle somme imparfaite, le monstre qui claudique joyeusement), le Journal de Neaud, Éliminations de Willem, Conte Démoniaque d’Aristophane, 676 Apparitions de Killoffer, et d’autres encore, pleins d’autres (des 3 numéros de l’Eprouvette à certains livres signés Trondheim |
Assez d'accord avec cette liste en y rajoutant Pascin, Persépolis, certains n° de lapin, Printemps/Automne, Le cheval blème, Ciboire de Criss et en gardant les carotte. Pas forcément que ce soit tjs les meilleurs livres, mais ils sont emblématiques de la structure, pour l'avoir représenté aux yeux du public. Si on parle de livre emblématique de l'asso, aucune raison de ne pas prendre le Lapinot qui - comme Perspéolis ou Pyongyang (je kl'avaios oublié) - ont effectivement marqué son histoire. Au même titre je pense que des livres marquants de fondateurs, le Comix 2000, l'Eprouvette ou Plate bande, le livre somme d'Aristophane. On devrait y rajouter du Baudoin aussi, auteur marquant de Futuro qui les a suivi, etc.
Tout ces titres sont en tous cas plus représentatifs de l'asso que le Journal de Neaud (publié chez Ego comme X) ou Eliminations de Willem (publié chez les Requins marteaux).
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 | Xavier, 05.03.2012 à 15:07 | 343341 |
|  |  | Bicephale : | Mais ces "bousculades de schémas éditoriaux" sont une constante de l’édition mainstream, ici comme ailleurs, phénomènes réguliers qui ne sauraient suffire à fonder l’intérêt d’une œuvre. |
Mouais, je te trouve un peu rapide à classer ça dans les trucs habituels. Il y a une proposition de la part de Trondheim, volontaire et affirmée -- et venant d'un auteur, qui met cela en oeuvre dans son travail, cela en fait quelque chose de très différent de l'approche d'un éditeur à la recherche d'un format qui serait plus attractif/efficace/rentable du point de vue commercial.
Bicephale : | on peut interroger le mouvement qui aura vu certains auteurs de la sphère indépendante se plier de bonne grâce au schéma industriel le plus traditionnel (séries multiples, rythme de parution soutenu, bd de genre, etc.). |
Il me semble justement que cela a été une proposition de la part des auteurs, et non pas l'inverse. Trondheim et Sfar sont arrivés avec ce "monstre" éditorial, et Delcourt a dit oui. Pas l'inverse.
Il y a des choses intéressantes dans Donjon, comme la question du temps, ou la question de l'ellipse (majeure, car incarnée par les volumes manquants) dans le récit et la construction des personnages. Mais, comme c'est toujours le cas dans des oeuvres référentielles (et ici, en référence à un genre), elles ont la limite de leur référence...
Bicephale : | Face aux méthodes de régénération de la bande dessinée mainstream (méthodes en tant que l’on trouve nombre d’exemples comparables en d’autres pays, et d’autres champs de la production culturelle), il importe surtout de préciser combien ces évolutions ne remettent non seulement jamais en cause les schémas qu’elles bousculent (lorsque l’industrie aurait plutôt tendance à proclamer le contraire : "la nouvelle bande dessinée" nous aura-t-on dit...) mais de plus les revigorent : ainsi, entre Astérix et Lapinot, quoi de plus, au final, qu’une simple actualisation, et la promesse conjointe d’en reprendre pour vingt, trente, quarante ans ? |
Je ne suis pas d'accord. Non pas sur les idées, au fond, mais sur cet amalgame rapide que tu fais de l'ensemble des discours -- auteurs, éditeurs, critiques -- pour donner un truc forcément indigent et que l'on peut stigmatiser à peu de frais. La "nouvelle bande dessinée", c'est Dayez, et finalement peu de gens l'ont repris -- à la différence de la construction mythologique autour de l'Asso, au détriment de toutes les autres initiatives alternatives de l'époque, et même de celles qui l'ont précédée.
Le problème ici, ce n'est peut-être d'ailleurs pas tant la production (de Trondheim en particulier ou des autres), que l'absence de discours véritablement critique. Le discours actuel se focalise sur les têtes de gondole, sur les grosses ventes, sur les titres qui sont visibles. La phrase de Jean-Louis prononcée durant une Université d'Eté reste toujours aussi pertinente, à l'égard des journalistes qui "n'éclairent que la lumière".
Bicephale : | oui, d’accord, peut-être, on y aura cru sur le moment, mais aujourd’hui, les Carottes, c’est quoi ? Et Blacktown ? Vingt ans plus tard ? Comment ces œuvres existent-elles aujourd’hui ? Quelles lectures produisent-elles ? Ou bien n'étaient-elles que des œuvres de circonstance ? |
A l'échelle de l'oeuvre de Trondheim, les Carottes restent un moment important. C'est peut-être aussi un moment important pour l'Asso, du fait de la taille du livre -- je ne sais pas trop, il faudrait regarder du point de vue historique ce que cela peut représenter dans leur catalogue. En ce qui me concerne, je ne suis pas convaincu que cela ait véritablement marqué l'histoire de la bande dessinée, pas en soi. Pour prolonger ce que disait Appollo, c'est peut-être un livre emblématique, juste pour ce qu'il représentait à l'époque dans la trajectoire en devenir de l'Asso. Pas tant en tant qu'oeuvre programmatique, mais en tant que concrétisation d'un projet. |
 | |  |  | Ce que je trouve étrange, c'est que dans mon Leclerc, il y a à vendre du Cinquième Couche, du Six pied sous terre, de l'Association (dont Livret de Phamille) mais pas un seul Donjon.
Ca ne contredit pas ce que tu dis. J'imagine que la série Donjon prendrait trop de place dans le rayon Delcourt et qu'il faudrait réassortir la série. Alors que pour le rayon alternatif, le réassortiment doit être facultatif... |
 | |  |  | Xavier : | C'est présent dans les Lapinot et ses à-côtés (les aventures sans Lapinot), et très fortement dans les Donjon: l'idée ici est de voir comment bousculer les schémas éditoriaux en vigueur. |
Mais ces "bousculades de schémas éditoriaux" sont une constante de l’édition mainstream, ici comme ailleurs, phénomènes réguliers qui ne sauraient suffire à fonder l’intérêt d’une œuvre. Qu’il y ait jeu ou proposition chez Trondheim et d’autres confrontés à des impératifs économiques, structurels, sans doute. Mais pour quels résultats ? De Blacktown à Quai d’Orsay en passant par le Chat du Rabbin, que lit-on ? Quelles œuvres au final ? Quels livres ? Blacktown, aujourd’hui, là, tout de suite, si on le lit, qu’est-ce que ça donne ? Un grand album, une œuvre d’envergure, riche, débordante ? Ou une petite bd sympathique qui assouplit d’un cran quelques règles édictées par le marché (et en institue, puisque l’assouplissement s’est avéré fructueux, une nouvelle conformation) ?
Quant à la "bousculade" Donjon (et ne pas oublier la déclaration de Matrok à l’origine de tous ces échanges : "La revendication d"'underground" et d'opposition au "mainstream" a longtemps été très importante dans le travail de Lewis Trondheim comme dans celui de Joann Sfar"), on peut interroger le mouvement qui aura vu certains auteurs de la sphère indépendante se plier de bonne grâce au schéma industriel le plus traditionnel (séries multiples, rythme de parution soutenu, bd de genre, etc.). Quelle "revendication" dans tout ça, quelle "opposition" ? Entre l’industrie mainstream et l’auteur débarqué de chez les indépendants, qui aura le plus torsadé l’autre (comme, un peu plus tard, lors du ralliement de certains auteurs au pseudo-Futuropolis, on aura bien le droit de se demander qui a gagné quoi) ? Qui s’est imposé ? Les travaux de Menu, Blanquet, Killoffer dans Donjon, est-ce ce qu’il faut conserver d’eux, est-ce ce qu’on doit relire aujourd’hui ? Faut-il se réjouir que, dans nombre de librairies, les seuls livres présents de ces auteurs soient ceux-là ? (même si, histoire d’être précis, et parce que rien n’est tout d’un bloc, le Donjon dessiné par Killoffer me paraît mériter une place à part)
SydN : | Et puis sandman n'est pas une serie humoristique... Ca me semble encore plus cullotté de faire ça dans une série "humour" |
On pourra toujours s’amuser à proclamer qu’une chose est nouvelle en tant qu’elle s’est produite ailleurs, mille fois, déjà, mais pas ici, pas en "bande dessinée humoristique franco-belge" et donc, CQFD, que la greffe opérée est, si ce n’est géniale, du moins "culottée" (comme disait ma grand-mère confrontée à une pub Benetton de la grande époque...).
Je me souviens alors de Walt Simonson qui, travaillant pour Marvel durant les années 80, avait transformé le super-héros Thor en grenouille, durant deux numéros de la série. C’était "culotté", ça aussi. Un super-héros Marvel transformé en grenouille... Irrévérencieux au possible... Y avait même des lecteurs qui criaient au blasphème... Mais bon, hein, transformer Thor en grenouille, ça pourra toujours surprendre un enfant de huit ans, voire même être considéré comme un chamboulement non-négligeable d’invariants supposés, mais au final ça ne casse pas trois pattes à un canard...
Face aux méthodes de régénération de la bande dessinée mainstream (méthodes en tant que l’on trouve nombre d’exemples comparables en d’autres pays, et d’autres champs de la production culturelle), il importe surtout de préciser combien ces évolutions ne remettent non seulement jamais en cause les schémas qu’elles bousculent (lorsque l’industrie aurait plutôt tendance à proclamer le contraire : "la nouvelle bande dessinée" nous aura-t-on dit...) mais de plus les revigorent : ainsi, entre Astérix et Lapinot, quoi de plus, au final, qu’une simple actualisation, et la promesse conjointe d’en reprendre pour vingt, trente, quarante ans ? Actualisation qui ne paraît sans doute jamais aussi déterminante, aussi capitale, que lorsqu’on se trouve en être le contemporain : les témoignages auront abondé, souvent conjugués à l’imparfait, pour nous dire qu’à l’époque, Les Carottes, tout de même, c’était pas rien, y fallait voir ça, y fallait y être... oui, d’accord, peut-être, on y aura cru sur le moment, mais aujourd’hui, les Carottes, c’est quoi ? Et Blacktown ? Vingt ans plus tard ? Comment ces œuvres existent-elles aujourd’hui ? Quelles lectures produisent-elles ? Ou bien n'étaient-elles que des œuvres de circonstance ?
On peut bien sûr se réjouir de tel réagencement de vitrine, applaudir à telle mise à jour du joujou mainstream (j’ai mes petites marottes de confort moi aussi : par exemple, certains anciens albums d’Andreas ou, plus récent, les collaborations de Grant Morrison et Frank Quitely...), mais en ayant au moins la précaution de les reconnaître pour ce qu’ils sont. Et l’on peut aussi, en parallèle, ne pas oublier d’aspirer à d’autres élans : ruptures, déviances, échappées, autant de bousculades autrement plus essentielles, qui nous surprennent et nous renversent et nous inventent plutôt que nous conforter gentiment dans nos chaussons.
Appollo : | l'Asso et consorts, dont Les Carottes sont, à mon avis, le bouquin emblématique. |
Désolé, vraiment, mais je trouve cette affirmation proprement terrifiante : après vingt ans d’édition indépendante, aboutir à un tel emblème ? On pouvait, véritablement, au vu des efforts déployés et des territoires arpentés, espérer autre chose, non ? Imaginer une liste foutraque qui conjuguerait le Comix 2000 (la belle somme imparfaite, le monstre qui claudique joyeusement), le Journal de Neaud, Éliminations de Willem, Conte Démoniaque d’Aristophane, 676 Apparitions de Killoffer, et d’autres encore, pleins d’autres (des 3 numéros de l’Eprouvette à certains livres signés Trondheim) en une liste ouverte d’œuvres étonnantes, dangereuses, agressives, tourneboulantes, parues durant cette période. Mais pourquoi chercher le bel emblème unificateur ? Et surtout, pourquoi celui-ci ?
Serait-ce une manière de ne prêter à la bande dessinée indépendante d’autre visée essentielle que celle de bousculer, sans les briser, de manière ludique, espiègle, les tristes schémas éditoriaux sclérosés de l’industrie mainstream franco-belge ? De ne lui prêter d’autre désir que de rentrer au "bercail" pour faire joujou ?
Tiens, quitte à choisir un titre emblématique paru chez l’Asso, je prendrais alors le Ducon de Bertoyas, le livre qui fait joujou en cassant tout, qui nous dit aussi combien le jeu est sérieux, vital, l’œuvre qui travaille à être l’irréductible qui ne fera jamais loi. |
 | SydN, 05.03.2012 à 12:43 | 343337 |
|  |  | Docteur C : | Ah, bon, j'admets ne pas lire Spirou régulièrement |
Moi non plus à vrai dire...
Docteur C : | Incomparable? On parle quand même de la même personne, signant du même nom, d'un même sujet qui invente par sa pratique, donc dire que les changements dans ses travaux d'une décennie à l'autre sont incomparables, je ne comprends pas trop. |
Il s'est inventé dans sa pratique avec Lapinot et les carottes de Patagonie, avec ses quelques travaux à tendance OuBaPiennes, et à intégré ses "inventions" au seins de ses travaux plus classiques pour les Dargaud et autres... Son auto-invention à été fulgurante, tout comme sa sclérose qui s'est mise en place rapidement. Sclérose dont il à été -tardivement- lui-même le témoin avec Desoeuvré. On aurait pu penser que cette prise de conscience aurait pu être un électrochoc et qu'il aller tenter de se renouveler totalement. Il a fait le choix inverse...
D'où à mon avis cette impossibilité de comparer un Trondheim qui avançait en réalisant des travaux aux intérêts distincts (les uns mainstream, les autres plus expérimentaux), et un Trondheim qui à désormais clairement fait son choix de mainstream assumé.
Docteur C : | Lire que Trondheim a changé la bande dessinée "mainstream" dans les années 90, et qu'après lui elle ne sera plus jamais la même, alors qu'il participe à sa conservation dans les années 2010, c'est bizarre. |
Je ne voix pas ce qu'il y a de bizarre. Aujourd'hui il participe à la conservation de ce qu'il a (lui et d'autres) fait évolué dans les années 90...
Docteur C : | Enfin on parle d'une œuvre qui se fait, là, d'un corpus, composé de tous ses travaux, si l'on procède à l'analyse du travail d'un auteur, je veux bien qu'on écarte tout un pan de sa bibliographie pour en faire une synthèse élogieuse, mais il y a au moins une nonchalance, une légèreté dans ce procédé, non? |
là je suis assez d'accord :)
Je pense qu'en tant "qu'ancien fan" (je parle pour moi), il m'est plus difficile d'avoir un regard aussi objectif que vous, dont ses travaux ne vous on pas tellement marqués.
Docteur C : | On verra où va Trondheim. Je ne condamne ni l'homme ni l'œuvre dans son entièreté, oui il se passe quelque chose dans son travail des années 90 (et son formidable ALIEEN que nous n'avons pas cité), mais j'ai détesté le Quoi!, son travail contemporain m'indiffère, ça joue dans la vision que je peux avoir de son œuvre, ça me paraît assez cohérent. |
Oui, merci de citer ALIEEN ! injustement oublié :) |
 | |  |  | SydN : |
A ma connaissance il en a même 3 :
Les deux que tu cites + Zizi chauve souris, avec Guillaume Bianco au dessin...
1 fois tous les deux numéros le semble t il... |
Ah, bon, j'admets ne pas lire Spirou régulièrement, mais bon j'ai lu le premier tome de Ralph Azham, lu quelques strips de l'atelier Mastodonte, ça me revient, et bon...
SydN : |
Après, bon, son travail se tourne de plus en plus vers le mainstream tres grand public de toute façon j'ai l'impression (son one shot spirou, et ses travaux dans le magazine...). Mais, là tu te concentre sur le trondheim d'aujourd'hui (avec lequel j'ai un peu de mal), alors qu'Apollo parlait de celui des annés 90 (dont j'ai apprécié la quasi totalité des travaux...). Ça me parait incomparable... |
Incomparable? On parle quand même de la même personne, signant du même nom, d'un même sujet qui invente par sa pratique, donc dire que les changements dans ses travaux d'une décennie à l'autre sont incomparables, je ne comprends pas trop.
Lire que Trondheim a changé la bande dessinée "mainstream" dans les années 90, et qu'après lui elle ne sera plus jamais la même, alors qu'il participe à sa conservation dans les années 2010, c'est bizarre.
Enfin on parle d'une œuvre qui se fait, là, d'un corpus, composé de tous ses travaux, si l'on procède à l'analyse du travail d'un auteur, je veux bien qu'on écarte tout un pan de sa bibliographie pour en faire une synthèse élogieuse, mais il y a au moins une nonchalance, une légèreté dans ce procédé, non?
SydN : |
La couronne de Laurier serait pour ce qu'il aurait apporté il y a quelques années, et non pas a mon sens pour ses activités actuelles....
Et puis même aujourd'hui, il a encore, parfois, des tentatives de renouvellement (omnivisibilis). Echec cuisant selon moi, mais tentative tout de même... |
On verra où va Trondheim. Je ne condamne ni l'homme ni l'œuvre dans son entièreté, oui il se passe quelque chose dans son travail des années 90 (et son formidable ALIEEN que nous n'avons pas cité), mais j'ai détesté le Quoi!, son travail contemporain m'indiffère, ça joue dans la vision que je peux avoir de son œuvre, ça me paraît assez cohérent. |
 | SydN, 05.03.2012 à 8:13 | 343334 |
|  |  | Docteur C : | Trondheim dans Spirou a deux séries régulières. |
A ma connaissance il en a même 3 :
Les deux que tu cites + Zizi chauve souris, avec Guillaume Bianco au dessin...
1 fois tous les deux numéros le semble t il...
Après, bon, son travail se tourne de plus en plus vers le mainstream tres grand public de toute façon j'ai l'impression (son one shot spirou, et ses travaux dans le magazine...). Mais, là tu te concentre sur le trondheim d'aujourd'hui (avec lequel j'ai un peu de mal), alors qu'Apollo parlait de celui des annés 90 (dont j'ai apprécié la quasi totalité des travaux...). Ça me parait incomparable...
La couronne de Laurier serait pour ce qu'il aurait apporté il y a quelques années, et non pas a mon sens pour ses activités actuelles....
Et puis même aujourd'hui, il a encore, parfois, des tentatives de renouvellement (omnivisibilis). Echec cuisant selon moi, mais tentative tout de même... |
 | NDZ, 04.03.2012 à 21:49 | 343328 |
|  |  | "(...) Le monde des hommes n'était qu'un sac immense, dans lequel se débattait une masse informe de patates aveugles et rêveuses de l'humanité." |
 | |  |  | Appollo : |
J'admets volontiers qu'on n'aime pas telle ou telle partie ou l'entièreté du travail de Trondheim, mais il me semble qu'on peut lui reconnaître d'avoir cristallisé, au milieu des années 90, les aspirations au changement de la bande dessinée franco-belge. On n'a plus envisagé l'édition mainstream de la même manière après son arrivée.
|
Ce sont des énoncés un peu étranges, parce que Trondheim (et Sfar ou Blain), publient toujours des albums, et Trondheim dans Spirou a deux séries régulières, là maintenant, deux séries d'ailleurs l'une comme l'autre assez calibrées (Ralph Azham feuilleton, l'atelier je-sais-plus-quoi dans la lignée des strips d'atelier pas loin du gang Mazda ou autres). On est dans une orientation limite conservateur, non? Du coup qu'est-ce qui a changé durablement? Il y a une nouvelle collection chez Delcourt et Gallimard a une collection Bayou, qui publient des livres qui ressemblent à ce que faisaient Trondheim, Sfar ou Blain dans les années 90 (sauf quelques exceptions, bien sûr, heureusement).
J'ai un exemple qui me vient en tête curieusement, c'est Jacques Tardi, qui lui a quand même aussi, à un moment, fait quelque chose dans la bande dessinée des années 70-80. C'était du franco-belge, chez Casterman. Pensons à Ici-même pour A suivre, en même temps qu'Adèle Blanc-sec etc. On ne peut pas dire qu'il a beaucoup bougé ces dernières années. Mais on peut dire qu'il n'a rien lâché de ce qui faisait la spécificité de son travail, même s'il est adapté par Besson (Trondheim l'est lui aussi avec la voix de Dany Boon pour Allez raconte!).
Ces considérations pour dire que d'accord je reconnais (et je l'ai déjà fait plus bas) certains apports de Trondheim à la bande dessinée, auteur important, pour plusieurs travaux, mais je suis plus dubitatif sur l'intérêt et l'usage de la couronne de laurier, là tout de suite. |
 | SydN, 04.03.2012 à 14:13 | 343322 |
|  |  | Mr_Switch : | (Ton exemple de Sandman est recevable, Bicéphale. Néanmoins, il me semble que si Sandman est bien mort, il n'a pas fallu longtemps avant que le costume soit repris. Le Sandman original est mort mais le costume est toujours là. Mais peut-être me fourvoyé-je ?) |
Et puis sandman n'est pas une serie humoristique... Ca me semble encore plus cullotté de faire ça dans une série "humour" plutot que dans serie "sérieuse" |
 | |  |  | (Ton exemple de Sandman est recevable, Bicéphale. Néanmoins, il me semble que si Sandman est bien mort, il n'a pas fallu longtemps avant que le costume soit repris. Le Sandman original est mort mais le costume est toujours là. Mais peut-être me fourvoyé-je ?) |
 | Isaac, 04.03.2012 à 11:20 | 343320 |
|  |  | Bicephale : | Appollo : | Peut-on tuer un personnage principal d'une série qui marche ? |
Sandman chez DC Comics en 1996... |
Ou Lapinot... |
 | |  |  | Bicéphale : aucun de tes exemples ne concerne, étrangement, la bande dessinée franco-belge. On peut donc reconnaître à Trondheim d'avoir innové au moins dans ce cadre là, qui n'a évidemment rien à voir avec le mode de fonctionnement de l'industrie du comics (sinon, tu aurais pu aussi bien citer le fonctionnement éditorial du manga).
Rien ne s'invente sans doute, ex nihilo, et tous les jeux narratifs, sur le récit, ont déjà été expérimenté (je citais Diderot, on pourrait faire une liste qui n'en finirait pas, Sterne, Queneau, Perec, etc), mais la singularité de Trondheim, c'est bien d'avoir multiplié ces possibilités, toujours dans un esprit ludique, et dans un cadre économique, de genre même, celui du mainstream franco-belge.
Quand Moebius fait Arzach ou Major Fatal, il fait aussi une proposition inédite, non pas parce que personne avant lui ne s'est posé la question du récit "en forme de flamme d'allumette soufrée" (quoique j'imagine que l'expression est absolument inédite, elle), mais parce qu'il fait ces propositions dans un cadre particulier qui est le système de la bande dessinée franco-belge de la fin des années 70.
J'admets volontiers qu'on n'aime pas telle ou telle partie ou l'entièreté du travail de Trondheim, mais il me semble qu'on peut lui reconnaître d'avoir cristallisé, au milieu des années 90, les aspirations au changement de la bande dessinée franco-belge. On n'a plus envisagé l'édition mainstream de la même manière après son arrivée.
Il n'est évidemment pas le seul auteur, le seul acteur, des changements qui se sont opérés (le succès de Persépolis a dû faire réfléchir plus d'un éditeur), mais il en est l'un des principaux instigateurs. |
 | |  |  | Appollo : | Peut-on tuer un personnage principal d'une série qui marche ? |
Sandman chez DC Comics en 1996...
Appollo : | Peut-on faire une série qui explose le nombre vraisemblable d'albums possibles ? |
En 1979, Dave Sim décide que sa série Cerebus, amorcée deux ans plus tôt, comptera 300 numéros...
Appollo : | Peut-on créer une série qui fonctionne non sur un personnage mais sur un lieu ? |
Si je suis ta définition (est-ce de Donjon dont tu parles là ??), je pense aussitôt aux travaux de Martin Vaughn-James dans les années 70...
Bref, les réponses à toutes ces questions, on les a depuis longtemps, multiples, variées. Et (est-il besoin de le préciser ?) on ne saurait reprocher à Lewis Trondheim de se les poser à son tour, de les remettre en jeu et d’y répondre à sa façon. Ce qui peut chagriner tout de même, c'est lorsqu’on vient à en faire la spécificité d’un auteur, les signes d’une singularité essentielle, voire d’une innovation... Il me paraît bien plus intéressant, et juste, de reconnaître la permanence de ces questions, et de comparer l’intérêt, l’originalité des réponses apportées par les uns et par les autres (ainsi La Cage/Donjon, manière de relativiser l’audace que tu supposes...).
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 | Xavier, 04.03.2012 à 9:59 | 343317 |
|  |  | Appollo : | Si on admet que les Carottes sont un jeu sur le système du récit d'aventure en bande dessinée, |
Oui, mais justement, non. Dans les Carottes, il n'y a pas de jeu sur un système existant, mais sa construction. On commence au niveau 0 ("oh, une carotte, c'est le plus beau jour de ma vie"), et on termine avec une intrigue complexe et haletante. Cela se double d'un apprentissage du dessin (même si ce très bon texte de David Turgeon peut permettre de douter de la pleine validité de cette proposition -- tout au plus aurait-on, une fois de plus, la mise en place d'un système) qui part aussi du niveau 0 (pas de perspective, trait gras) à une certaine virtuosité.
Par contre, ce système narratif ne se développe pas en réaction ou en décalage par rapport à quelque chose d'existant (peut-être en hommage à Barks, ou à d'autres lectures, mais il n'y a pas d'opposition directe et affichée), il se développe pour lui-même.
Ce qui n'est pas le cas pour le système éditorial, puisque comme le soulignent les exemples que tu donnes (et qui étaient ceux que j'avais en tête en évoquant ce sujet), la position est celle d'une remise en question du format existant.
La dimension ludique est, en effet très présente. Mais à mon sens, les Carottes et la série des Lapinot relèvent d'approches radicalement différentes (pour revenir au sujet initial). |
 | |  |  | Xavier :
"Certes, il y utilise le système établi avec les Carottes, mais c'est finalement un épiphénomène dans le projet -- une facilité, presque."
Pas sûr. Si on admet que les Carottes sont un jeu sur le système du récit d'aventure en bande dessinée, alors le travail sur Donjon et Lapinot-la-série est bien dans la même ligne de conduite, sauf qu'il élargit le jeu au système éditorial.
Peut-on tuer un personnage principal d'une série qui marche ? Oui, on peut. Peut-on faire une série qui explose le nombre vraisemblable d'albums possibles ? Oui, on peut. Peut-on créer une série qui fonctionne non sur un personnage mais sur un lieu ? Oui, on peut. etc.
J'ai dit plus bas que Trondheim n'était ni théoricien ni punk, mais il est mieux que ça d'une certaine façon, parce qu'il est fondamentalement joueur. Trondheim se dit toujours "Chiche que je le fais".
A titre personnel, c'est cette dimension ludique qui me réjouit chez lui, et le culot qui va avec. Diderot devait bien s'amuser quand il détournait les genres romanesques en écrivant "Jacques le fataliste". Trondheim s'amuse de la même façon, j'ai l'impression, lorsqu'il détourne les genres de la bande dessinée classique. |
 | Xavier, 03.03.2012 à 21:20 | 343315 |
|  |  | (j'arrive à la bourre, mais en ayant lu tous ces passionnants échanges, avec la plupart des neurones en berne, donc de l'indulgence s'il vous plait)
Bicephale : | Appollo : | Ok, mais je n'ai pas parlé de Blacktown. La série Lapinot est dans la norme éditoriale, pas les Carottes. |
Mais alors où est passée la proposition trondheimienne que tu disais alternative puis majoritaire si, à partir du moment où elle accède au mainstream, elle se volatilise ? |
Il me semble justement que la proposition trondheimienne n'est pas la même entre ces deux projets, et que le personnage de Lapinot qui en suggèrerait une continuité est en fait un leurre.
Les Carottes sont l'occasion de la mise en place d'un système narratif -- un système qui n'est pas limité au seul dessin, mais qui touche également à la narration, la construction des intrigues, des personnages, etc. D'ailleurs, le récit s'arrête au moment où tout cela joue à plein, et laisse à la 500e page le lecteur frustré de ne pas avoir la suite. Sauf qu'ici, produire un récit n'était finalement qu'une conséquence inévitable, mais non essentielle.
Par la suite, Trondheim a déplacé, il me semble, sa "proposition" sur un autre niveau, à savoir le système éditorial. C'est présent dans les Lapinot et ses à-côtés (les aventures sans Lapinot), et très fortement dans les Donjon: l'idée ici est de voir comment bousculer les schémas éditoriaux en vigueur. On s'amuse alors avec l'idée de la série, en en questionnant les invariants supposés: unité de genre, pérennité du personnage principal, séquentialité, etc. Certes, il y utilise le système établi avec les Carottes, mais c'est finalement un épiphénomène dans le projet -- une facilité, presque. |
 | |  |  | Pour info, Trondheim et Menu étaient tous deux présents dans Spirou dès 1993. |
 | |  |  | "Mais alors où est passée la proposition trondheimienne que tu disais alternative puis majoritaire si, à partir du moment où elle accède au mainstream, elle se volatilise ?"
Chez Trondheim, elle se retrouve dans plein de bouquins d'après cette époque (on a cité "Bleu", par exemple, on peut citer les carnets autobios, les Mister O, les "Papa raconte" etc). Dans l'édition, c'est la systématisation de formats autres (cf "Plates Bandes" à ce sujet), les niches "Nouvelle bd" qui ont donné plein de merdes, mais aussi plein de bons trucs, la possibilité d'une bd plus littéraire, l'ouverture de l'édition mainstream à d'autres horizons (notamment géographiques), l'ouverture à cette nouvelle bd française de l'édition étrangère, etc.
Il y a bien eu "révolution" en ce sens que l'édition de bd s'est pensée autrement après l'irruption de l'Asso et consorts, dont Les Carottes sont, à mon avis, le bouquin emblématique.
Pour Blacktown en particulier, je n'en ai pas un souvenir très précis, je ne peux pas rien dire (oui, c'est un créolisme)
Depuis l'avénement de Metal Hurlant, il n'y avait pas eu de changements aussi importants dans le mainstream.
"Je n'ai, pour ma part, jamais vu autant de propositions intéressantes et de choses passionnantes en bande dessinée."
Et je te crois sur parole, et je m'en réjouis, parce que je vois pas tout ça, et que ce sera un foutu plaisir à découvrir, quand j'habiterai moins loin. |
 | SydN, 03.03.2012 à 18:37 | 343312 |
|  |  | Bicephale : | Je n'ai jamais dit que je trouvais la bd d'aujourd'hui moins excitante. Je parlais bien de la bd mainstream découlant du mouvement des années 90. Je n'ai, pour ma part, jamais vu autant de propositions intéressantes et de choses passionnantes en bande dessinée. |
ah oui, précision quand je parle de ramollissement créatif, je parle aussi de la Bande dessinée mainstream, dont celle qui découle de cette "nouvelle BD" des années 90... |
 | SydN, 03.03.2012 à 18:33 | 343311 |
|  |  | Je suis assez d'accord avec Bicéphale, mais la question que je me pose c'est:
"mais est-ce que la bande dessinée doit être révolutionnée ?"
Car a priori il me semble impossible qu'elle le soit un jour. Evoluer à petit pas, oui, mais changer littéralement d'aspect en un rien de temps? Je ne crois pas.
Ce que je dis n'enlève en rien l'intérêt des productions alternatives, tout ça fait partit d'une chaine alimentaire où chacun se nourrit de l'autre, pour évoluer... mais révolutionner?
En ce sens, l'underground ne peux pas être source de révolution, mais -au mieux- d'évolution. Tout comme Trondheim, Sfar et consort on permit aux choses d'avancer. Un peu. (dois-je rapeller Pascin, ou encore Bleu?).
(je trouve aussi qu'on est dans une situation pas terrible terrible -de ramollissmement créatif- mais quand même incomparablement meilleure que celle de la fin des années 80...)
D'où cette probable confusion/interprétation de Lapinot et les carottes=underground dans le contexte du début des années 90... |
 | |  |  | Appollo : | Ok, je retire "peu à peu", et je mets "assez rapidement" à la place. |
Oui, mais ce détail n'est pas anodin. L'histoire en est changée, la manière de voir ses acteurs et leurs mouvements aussi.
Appollo : | Ok, mais je n'ai pas parlé de Blacktown. La série Lapinot est dans la norme éditoriale, pas les Carottes. |
Mais alors où est passée la proposition trondheimienne que tu disais alternative puis majoritaire si, à partir du moment où elle accède au mainstream, elle se volatilise ?
Appollo : | Je suis tout à fait d'accord avec ça. Les auteurs de la Nouvelle BD sont revenus aux sources la bande dessinée franco-belge. |
Je continue à m'étonner (et je ne parle pas nécessairement par rapport à toi, hein, mais bien en général) que ce néo-classicisme soit si souvent considéré comme profondément révolutionnaire...
Appollo : | Que je trouve, moi aussi, que la bd d'aujourd'hui est moins excitante, me fait surtout penser que je deviens un vieux con. |
Je n'ai jamais dit que je trouvais la bd d'aujourd'hui moins excitante. Je parlais bien de la bd mainstream découlant du mouvement des années 90. Je n'ai, pour ma part, jamais vu autant de propositions intéressantes et de choses passionnantes en bande dessinée. |
 | |  |  | Bicéphale :
"Deux ans et trois mois séparent donc Les Carottes chez l’Asso-Lézard Noir de Blacktown chez Dargaud. Tu en conviendras, c’est peu"
Ok, je retire "peu à peu", et je mets "assez rapidement" à la place.
"Blacktown est un travail mainstream"
Ok, mais je n'ai pas parlé de Blacktown. La série Lapinot est dans la norme éditoriale, pas les Carottes.
Nouvelle BD : "Ce que je vois, c'est une forme classique qui évolue."
Je suis tout à fait d'accord avec ça. Les auteurs de la Nouvelle BD sont revenus aux sources la bande dessinée franco-belge. Pas une génération avant, mais deux générations avant. Ils l'ont mâtinée d'un propos parfois littéraire, parfois post-moderne, mais ils se sont bien déclarés les héritiers de cette génération passée.
Enfin, c'est une constante de l'histoire des arts ou de la littérature que de s'en remettre une époque plus ancienne, non ? (Hugo rappelant Shakespeare, Breton cherchant Diderot et vomissant le réalisme, Cocteau réveillant Sophocle, etc etc).
"j’ai tout de même un peu de mal à m’enthousiasmer aussi fort que toi"
J'ai l'air de m'enthousiasmer si fort que ça ?
Peut-être. En tout cas, l'arrivée de Trondheim, Blain, Sfar, Menu, Blutch etc a été effectivement un grand moment de plaisir de lecteur pour moi.
Que je trouve, moi aussi, que la bd d'aujourd'hui est moins excitante, me fait surtout penser que je deviens un vieux con. |
 | |  |  | Appollo : | Tous ceux qui ont suivi le travail de Trondheim dans les années 90, et sa réception, peuvent en être témoins.
Trondheim a été le symbole d'une alternative à la bande dessinée classique franco-belge, dans cette décennie. Les tenants de ce classicisme ont crié au scandale, ont hurlé à l'imposture quand le travail de Trondheim a commencé peu à peu à devenir visible. "Les Carottes de Patagonie", c'était du foutage de gueule punk, en quelque sorte.
Un jour, Guy Vidal a publié Lapinot dans sa nouvelle collection "Poisson Pilote", et Trondheim a eu du succès, ses détracteurs n'ont sans doute pas plus aimé, mais ils ont arrêté de dire que c'était du foutage de gueule, que n'importe qui pouvait dessiner pareil. Et la proposition trondheimienne, d'alternative, est passée à majoritaire (ou presque) dans le paysage de la bd europénne.
Soit de l'underground au mainstream. |
Il faudrait reprendre point par point les propositions que tu avances...
Ainsi, sur le témoignage concordant, joli consensus historique, de tous ceux qui ont suivi le travail de Trondheim depuis le début des années 90. J'en fais justement partie, et je ne te rejoins pas sur tout. Il serait bon de ne pas chercher à forcer l'entente cordiale là où elle n’existe visiblement pas.
Ainsi, concernant le point que le travail de Trondheim serait devenu "peu à peu visible", il me semble qu’il faut relativiser les difficultés ou la lenteur supposées de l’entreprise (quand bien même, oui, à l’époque, je sais, j’y étais, moi aussi, le trait trondheimien ne remportait pas tous les suffrages chez les amoureux de Juillard et Bourgeon qui piaillaient à l’esbroufe... mais bon... doit-on vraiment se fonder sur les réactions des amoureux de Bourgeon et consorts pour définir ce qui est novateur ?). Historique rapide : Psychanalyse paraît en 1990, Les Carottes (première proposition narrative conséquente de Trondheim) est imprimé en décembre 1992, le premier Lapinot chez Poisson Pilote en mars 1995. Deux ans et trois mois séparent donc Les Carottes chez l’Asso-Lézard Noir de Blacktown chez Dargaud. Tu en conviendras, c’est peu, c’est très peu quand certaines œuvres peuvent mettre des décennies (si ce n’est des siècles en d’autres champs artistiques) à devenir lisibles. Deux ans, je n’appelle pas ça devenir "peu à peu visible", j’appelle ça une reconnaissance-éclair.
De cette histoire de proposition alternative devenue majoritaire, le problème est qu’il n’y a pas grand-chose d’alternatif dans Blacktown, rien de minoritaire en ce livre : Blacktown est un travail mainstream, récit classique mâtiné de quelques singularismes trondheimiens (narratifs, graphiques) qui ne sauraient suffire à en faire une œuvre révolutionnaire, loin s’en faut, ou profondément hétérogène au champ dans lequel elle s'inscrit. Autrement dit, le passage supposé ne s’est pas opéré.
La "Nouvelle Bande Dessinée" consiste, à mes yeux, en un moment significatif de l’évolution de la bande dessinée commerciale, mouvement alimenté par une nouvelle génération (Sfar, Trondheim, Blain, etc.) qui, quoi que certains en disent ou en pensent, n’est pas essentiellement différente de celle qui la précède. Ainsi Joann Sfar aura été, dès le début, un auteur mainstream (narration classique, création d’"univers", personnages récurrents, etc.) qu’on dira égaré chez les indés, à un moment où l’édition mainstream était sans doute frileuse (mais encore une fois, d’une frilosité toute relative : deux ans pour Trondheim, et deux ans aussi pour Sfar entre ses premières publications chez l’Asso-Cornelius et ses premiers bouquins chez Delcourt). Plutôt que de prêter inlassablement à ces auteurs une capacité d’innovation sans borne, il me semble plus juste d’en pointer le classicisme, de dire à quel point leurs travaux prolongent (avec plus ou moins de réussite selon les cas) celui de leurs ainés (Macherot, Barks, Kurtzman, Giraud, Goscinny, etc., la liste est longue). Quant à la révolution tonitruante là-dedans ? Le raz-de-marée underground, expérimental et inventif, accédant à la reconnaissance publique ? Désolé, je vois pas. Ce que je vois, c'est une forme classique qui évolue.
Appollo : | Ce n'est pas Trondheim qui a changé, finalement, c'est la bande-dessinée mainstream - grâce à lui. |
Figure du commandeur révolutionnaire, absolu historique simplificateur... tu me permettras de faire preuve d'un peu plus de retenue, et de continuer à interroger la fable du petit gars qui, venu de l’underground le plus novateur, révolutionne, à lui tout seul et de l’intérieur, tout un pan de l’industrie culturelle. Qui plus est, en voyant le champ éditorial aujourd’hui, ce qu'offre globalement cette bande dessinée mainstream profondément révolutionnée de fond en comble, j’ai tout de même un peu de mal à m’enthousiasmer aussi fort que toi...
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 | SydN, 03.03.2012 à 17:40 | 343307 |
|  |  | Docteur C : | Non mais ces typologies... tiennent le temps d'un battement de cil : underground, mainstream. Je m'accroche à "expérimental" mais l'étiquette peut tout aussi bien s'effondrer. |
Tout à fait d'accord avec ça...
Et ce qui est un comble, c'est que c'est le centre du débat:
Les carottes ça été underground pour certain, et pas du tout pour d'autres...
Tu viens de discréditer tout l'intérêt de notre fabuleux débat unilatéral... |
 | |  |  | Oui j'écris trop vite sans me relire. "Prendre la matière et la soulever" écrivait précisément Guyotat, entre autres coquilles.
Merci pour ces précisions, Appollo. |
 | |  |  | Docteur C
"tu as quelque part fait le choix de cette affinité élective, avec Trondheim, et moins Menu, et finalement la déclinaison de cette réussite économique qu'on peut bien placer sous l'apanage de Lapinot et les carottes de Patagonie."
Je n'ai pas écrit de trucs pour Menu, mais je m'entends très bien avec lui, et je l'ai publié dans un magnifique collectif désormais introuvable "Nous sommes Motörhead" (la classe, hein).
Il me semble que les Carottes n'ont pas été un succès commercial, mais que Lapinot "rentré dans le rang", c'est à dire en album tradi, oui. Quand j'ai fait mon bouquin avec Trondheim, c'était entre autres dans ma tête pour retrouver quelque chose de l'esprit des Carottes, en l’occurrence le format, la longueur et les possibilités narratives que cela offrait. C'est un livre qui a pas mal marché, mais ça c'était une surprise (comme toujours, j'imagine).
"Or aujourd'hui quel discours portez-vous, en alternative à Menu, quelle pensée, quelle position défendez-vous? Publier plus de livres légers pour gagner plus de sous? Et sinon quelle autre?"
J'adhère au discours de Menu. C'est celui de tous ceux que l'on peut entendre (en même temps, il n'y en a pas tant que ça) auquel je souscris le plus volontiers.
Pour la pensée, la position, je ne sais pas quoi répondre en quelques mots. Il doit rester quelques vieux textes mal écrits sur Du9 qui répondent partiellement à cette question, et évidemment, ce n'est pas pour gagner plus de sous - accessoirement, je ne vis pas de la bd.
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 | |  |  | Appollo : | Docteur C
"Ensuite oui, la parole de LLdM peut-être écrasante - et la mienne terrorisante aussi, paraît-il"
A titre personnel, je ne suis ni écrasé, ni terrorisé, mais je vais faire un effort si ça peut aider à mon intégration.
Je ne comprends pas trop la logique du "je suis plus trash/underground que toi". J'ai l'impression d'une discussion sur le punk-rock qui n'en finit pas. Il y a juste qu'à un moment Trondheim appartenait à la bande dessinée alternative, puis il a fondé une forme de mainstream.
La question de savoir qui a voulu quoi (Menu, Trondheim ?), qui était le plus punk, est un peu secondaire (d'autant que j'en connais la réponse).
Je crois que je n'ai jamais lu de trucs de Lldm (je promets de regarder quand je passerai en France), mais j'aime bien l'idée de citer Flaubert (grand écrivain super undergound).
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Non mais ces typologies... tiennent le temps d'un battement de cil : underground, mainstream. Je m'accroche à "expérimental" mais l'étiquette peut tout aussi bien s'effondrer. Mainstream ne qualifierait que les formes consensuels et qui ont réussi.
Si je ne m'abuse tu as écris un scénario pour un livre de Lewis Trondheim dans la collection Shampooing chez Delcourt. Donc même si ce n'est qu'un signe, je veux bien être détrompé, tu as quelque part fait le choix de cette affinité élective, avec Trondheim, et moins Menu, et finalement la déclinaison de cette réussite économique qu'on peut bien placer sous l'apanage de Lapinot et les carottes de Patagonie.
Pas moi. Je ne connais sans doute pas Menu, à peine croisé à quelques soirées, jamais parlé, mais je considère que sa position a permis quelque chose en bande dessinée. Permis à Trondheim, entre cent autres. Alors que Trondheim, lui, permet beaucoup moins : il permet la déclinaisons des formes qu'il a lui-même inventé, et pas beaucoup plus que ça.
Sinon oui je collabore avec LLdM et les Bicéphale, donc ma position est claire ici. Je collabore avec eux parce qu'ils portent des pensées et des activités qui m'apparaissent inventives et valables. Nous nous accompagnons, sans nous ressembler toujours.
Or aujourd'hui quel discours portez-vous, en alternative à Menu, quelle pensée, quelle position défendez-vous? Publier plus de livres légers pour gagner plus de sous? Et sinon quelle autre?
Gagner plus de sous en faisant les mêmes déclinaisons d'autres livres légers labellisés "nouvelle BD", voilà bien un objectif qui m'apparaît accessoire. Défendre les travaux des auteurs qui comptent, qui invente quelque chose dans la bande dessinée aujourd'hui oui, mais au-delà...
Je me fous d'être punk. Ce que je veux faire comme auteur, je peux l'expliciter en deux mots, selon le projet de Guyotat pour l'écriture de son Tombeau pour 500 000 soldats : il s'agissait pour lui de "soulever la matière" par son activité d'écriture. Je ne me donne pas d'autre objectif. |
 | |  |  | Une précision, quand je parlais d'ambition, je pensais au côté démiurge d'un créateur de monde, d'un univers ample, ce genre d'ambition-là. |
 | |  |  | Je rajoute juste une petite chose à la discussion, car je n'ai pas le temps d'en dire beaucoup.
Il n'y a pas longtemps on s'est retrouvés avec LldM dans un débat lors de PFC#3, et à un certain moment il a parlé du fait qu'un dessin seul raconte déjà quelque chose: il raconte les conditions qui ont fait que ce dessin puisse exister et se faire (excuse-moi LldM si je te paraphrase mal, j'espère que je te fais pas dire le contraire de ce que tu voulais, et que ma mémoire me joue pas de tours). Eh ben c'est justement pour ça que je trouve que Lapinot et les carottes de Patagonie est un grand livre: il contient dans sa forme, sa naïveté et ses maladresses mêmes une histoire qui me parle beaucoup, celle d'un auteur qui "tente quelque chose malgré ses limitations" (je mets des guillemets car je n'ai pas trouvé de meilleure manière de le dire mais celle-ci est un peu naze). Mais c'est quelque chose de personnel, la faiblesse assumée et ambitieuse me touche, un peu comme le chanteur Jean-Luc le Ténia, dans un genre qui n'a rien à voir.
Ensuite underground ou pas, manifeste ou pas, je ne sais pas. Mais je ne suis pas d'accord avec la plupart d'entre vous, pour moi ce Lapinot est un livre extraordinaire. Je trouve d'ailleurs intéressant que LldM, qui d'une manière à formulé une des raisons qui me font l'aimer, y soit complètement hostile (même si le connaissant je ne suis pas surpris).
Voilà, pas le temps d'en dire plus. |
 | |  |  | Docteur C
"Ensuite oui, la parole de LLdM peut-être écrasante - et la mienne terrorisante aussi, paraît-il"
A titre personnel, je ne suis ni écrasé, ni terrorisé, mais je vais faire un effort si ça peut aider à mon intégration.
Je ne comprends pas trop la logique du "je suis plus trash/underground que toi". J'ai l'impression d'une discussion sur le punk-rock qui n'en finit pas. Il y a juste qu'à un moment Trondheim appartenait à la bande dessinée alternative, puis il a fondé une forme de mainstream.
La question de savoir qui a voulu quoi (Menu, Trondheim ?), qui était le plus punk, est un peu secondaire (d'autant que j'en connais la réponse).
Je crois que je n'ai jamais lu de trucs de Lldm (je promets de regarder quand je passerai en France), mais j'aime bien l'idée de citer Flaubert (grand écrivain super undergound).
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 | SydN, 03.03.2012 à 15:21 | 343295 |
|  |  | lldm : | oui, c'est bien Enculer, et pas Enculé.
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Oui, pardon, la différence est importante (dit sans ironie)
lldm : | s'il y a une vraie insoumission - invisible à qui s'arrête à ce titre, bien entendu - c'est précisément dans l'écart qui se joue à tous les niveaux, dans cette revue, entre les signes de reconnaissances en usage et tout le travail qui, ici, joue à ruiner les évidences. C'est une chose sans confusion que de publier, par exemple, une monographie de ma couille à 17 ans dans une revue qui s'appelle Enculer, ça en est une toute autre que de publier un essai sur la peinture de Konrad Witz à 45 dans une revue qui s'appelle Enculer. Dans un même ordre d'idée, je sais d'expérience qu'un set de Grindcore a beaucoup moins de chances d'attirer des furies dans un bar de bikers qu'une lecture de poème accompagnée d'une bande magnétique de violon. C'est pourtant la deuxième de ces activités que j'ai pu considérer, parmi les miennes, comme la plus punk. |
arrête, tu vas me donner envie de la lire... |
 | SydN, 03.03.2012 à 15:18 | 343294 |
|  |  | D'abord: pardon pour mes nombreuses fautes, je ne me relis pas. Je devrais.
Docteur C : | Enculer, sept numéros, mais c'est une revue, œuvre collective, je ne crois pas que ce soit LLdM qui en ait choisi seul le titre.
Si tu fais l'expérience de la lecture des textes que contient cette revue (Bablon, Savang, pour citer ceux qui m'ont le plus marqué), tu verras combien ce titre peut être trompeur, la provocation n'est pas là où tu la situes, le marqueur est bien plus trouble que tu le penses. |
Certainement. Je n'ai pas un avis arrêté sur la question, n'ayant pas lu la revue.
Mais un titre, c'est le premier contact (avec l'aspect de la couverture) d'un livre ou d'une revue avec le lecteur. Ce n'est pas un choix anodin, même s'il ne reflète pas vraiment le contenu. Regarde, quand je faisais du fanzine, on avait fait le choix de titrer notre zine Incipit, ce qui est loin du champ lexical de la BD, et sa couv était une photo qui était très très loin d'une quelconque forme de bande dessinée. On cherchait à s'émanciper des fanzines de BD faite par une bande de copain alcoolique ou des fanzines de manga, d'héroic fantasy ou autres trucs fadasses si courant dans les festivals. Pourtant, à l'intérieur, on avait de la BD classique, que je venterais de souvent inventive, mais somme toute classique. Je pense que si on avait continué, on aurait accompli un travail plus ambitieux formellement, mais bon l'histoire en a decié autrement. Tout ça pour dire que si l'intérieur ne reflétait pas forcément de facon flagrante la même démarche que celle de la couverture, psychologiquement, on en était arrivé à avoir envie de se détacher des consensus. Seulement, artistiquement nous n'étions pas prêts. La couv, reflétais une revendication pas totalement affirmée.
Je ne dit pas que c'est pareil pour Enculé, j'en sais rien. Mais le titre et la couv ne sont généralement pas anodin !
Docteur C : | Ensuite oui, la parole de LLdM peut-être écrasante - et la mienne terrorisante aussi, paraît-il -, mais peux-tu saisir que pour tenir une position qui n'est pas évidente, qui suppose un effort constant de la pensée, une forme de résistance quand même, aux truismes, aux facilités, on ne peut pas dissoudre les efforts de cette pensée dans un verre d'eau tiède à la seule fin de la rendre adéquate au débat. Maintenant je serais plus dans une forme de réserve que dans l'affrontement systématique, autant investir ma maigre énergie ailleurs, voilà pour une courte réponse. |
Je comprend ce que tu veux dire, mais jusqu'à présent, je t'ai souvent vu en désaccord, et pourtant débattre avec autrui. Jusqu'a présent je ne connais personne ici qui ai pu discuter avec lldm en situation de désaccord: le débat est impossible. C'est bien qu'il y a un soucis... |
 | lldm, 03.03.2012 à 15:04 | 343293 |
|  |  |
oui, c'est bien Enculer, et pas Enculé.
Ce n'est pas une apostrophe, c'est un programme.
D'autre part, la lire permet également de comprendre ce qu'est une pierre de handicap pour commencer à jouer, et guérit de pas mal de confusion ; il est intéressant de noter que par ce choix, nous avons choisi de briser une forme d'entente autour d'une camaraderie poète assez épuisante ; pour comprendre ce dont on parle, par ce titre - qui n'est pas rien - il faut également tenir compte de certaines écritures et des étendards sous lesquels elles se placent - "Boxon", "Bordel" etc - , précisément pour "annoncer la couleur" (ce que Enculer ne fait pas, bien au contraire). Il y a des veaux qui viennent buter contre le titre sans jamais comprendre qu'il ne serait pas très difficile d'enjamber. La vraie difficulté vient APRÈS.
Mais comme disait Flaubert à propos de l'amour, « on voit tout en bleu quand on porte des lunettes bleues ».
On voit tout en marron quand on porte des lunettes marron.
Docteur C : | sept numéros, mais c'est une revue, œuvre collective, je ne crois pas que ce soit LLdM qui en ait choisi seul le titre.
Si tu fais l'expérience de la lecture des textes que contient cette revue (Bablon, Savang, pour citer ceux qui m'ont le plus marqué), tu verras combien ce titre peut être trompeur, la provocation n'est pas là où tu la situes, le marqueur est bien plus trouble que tu le penses. |
s'il y a une vraie insoumission - invisible à qui s'arrête à ce titre, bien entendu - c'est précisément dans l'écart qui se joue à tous les niveaux, dans cette revue, entre les signes de reconnaissances en usage et tout le travail qui, ici, joue à ruiner les évidences. C'est une chose sans confusion que de publier, par exemple, une monographie de ma couille à 17 ans dans une revue qui s'appelle Enculer, ça en est une toute autre que de publier un essai sur la peinture de Konrad Witz à 45 dans une revue qui s'appelle Enculer. Dans un même ordre d'idée, je sais d'expérience qu'un set de Grindcore a beaucoup moins de chances d'attirer des furies dans un bar de bikers qu'une lecture de poème accompagnée d'une bande magnétique de violon. C'est pourtant la deuxième de ces activités que j'ai pu considérer, parmi les miennes, comme la plus punk.
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 | SydN, 03.03.2012 à 15:02 | 343292 |
|  |  | lldm : | SydN : | Mais non, l'underground avant tout c'est un mouvement d'insoumission. |
Rien de moins insoumis que ces "Carottes".
Je ne pouvais que m'attendre à ce genre de conneries, je ne me fendrai certainement pas d'un détail pour répondre à ces litanies dont on se demande pourquoi elles s'obstinent, domestiques à ce point, à avoir l'insubordination pour objet... il n'y a aucune cohérence à ce bavardage, je n'y lis que le désir de cacher sa misère de crâne creux sous un chapeau d'aventurier. Feindre de s'intéresser à la nature underground d'un travail pour s'émerveiller ensuite de sa consubstantielle puissance d'académisation, c'est juste de la supercherie intellectuelle ; tu aimes les romans de gare? Bien, libre à toi ; mais ne les fais pas passer pour du Guyotat pour te grandir comme lecteur.
Pourquoi mon intervention sur ce livre dont je me fous comme à peu près tout ce qui se publie en bande dessinée depuis trente ans? Parce qu'il me semblait juste assez nécessaire, pour une fois, de montrer que nous ne sommes pas tous les contemporains de la même chose. Et d'ailleurs, les considérations de Sydn sur mon travail démontrent que nous ne sommes toujours pas, lui et moi, des contemporains.
|
Merci de me donner raison.
Sinon, c'est intéressant que tu veuilles exprimer le fait que l'on peut vivre les mêmes choses différemment.
Comme je l'ai précisé juste en dessous, je ne parlais pas de ton travail en soi mes de tes interventions.
"Rien de moins insoumis que ces carottes"?
Pourtant le liste est longue: Quasiment tout le reste à l'époque. Encore une phrase absolument fausse, qui n'est là juste pour écraser les autres.
Je conçoit que tu considères mon discours comme une supercherie intellectuelle qui tend à faire croire que de l'académisme peut surgir de l'underground. Vu là où tu situe ton discours artistique, c'est on ne peut plus compréhensible (la différence c'est que moi je peux aimer des travaux comme les tiens, comme ceux de pierre duba ou encore une série d'aventure mainstream comme le marquis d'anaon ou dragon ball, ce sont des démarches diverses, parfois opposés, mais qui révèlent des plaisirs de lectures complètement différents, et qui me parlent tous, de façon différentes. Mais j'ai l'impression que c'est inconcevable pour toi.).
Je préciserai donc, pour en revenir a nos petites bêtes vêtues de laine, que mon discours n'est pas que de l'académisme peut surgir de l'undergroung, mais plutot que de l'underground peut surgir de l'académisme quand celui-ci est hyper sclérosant. Il faut dire qu'à l'époque la bande dessinée était agonisante, autant son marché que sa créativité. Je suis d'accord pour dire que Les carottes est un album qui reste réactionnaire par pas mal de ses aspects, néanmoins, de par quelques autres, il à su être novateur. En ce sens, Trondheim à fait émerger du classisisme (bd d'aventure, stéréotypes, rebondissements, personnages animaliers) une forme contraire à ce qui était en vigueur à l'époque en France (par le format, le noir et blanc, le dessin approximatif, la narration, les ellipses, le jeu sur les rebondissements qui tenaient parfois plus du concept que de la véritable envie de créer une surprise).
Précision: je ne suis pas contemporain de cette période. A cette époque, je ne connaissais que gaston, gotlib, dragon ball et vaguement moebius.
Autre précision: Je le répète, je concois tout à fait que certains est perçu dans ces carottes un académisme navrant, tout comme je conçois que d'autres l'ai accueillit comme la bible.
Les deux sont justifiables à mes yeux. |
 | |  |  | SydN : |
Que je soit clair. Je n'ai rien contre ses bouquins, c'est un artiste respectable et intelligent, et surtout qui à une vision. De plus, et c'est on ne peut plus louable, il ne fait pas dans le compromis, son oeuvre -surtout depuis quelques années, j'ai quelques réserves concernant ses début chez 6 pieds- avance absolument librement.
Néanmoins, ses réactions, ici ou ailleurs sont constamment dans la provocation, et surtout l'écrasement de l'avis des autres par le sien propre. Difficile d'être dans la discussion, puisqu'il ne peut y avoir débat dans ces conditions.
Et puis bon, quelqu'un qui créée une revue intitulé Enculé, c'est quand même révélateur d'un certain état d'esprit... Mais note que ça me fait plus rire qu'autre chose tant que ça reste à ce niveau...
|
Enculer, sept numéros, mais c'est une revue, œuvre collective, je ne crois pas que ce soit LLdM qui en ait choisi seul le titre.
Si tu fais l'expérience de la lecture des textes que contient cette revue (Bablon, Savang, pour citer ceux qui m'ont le plus marqué), tu verras combien ce titre peut être trompeur, la provocation n'est pas là où tu la situes, le marqueur est bien plus trouble que tu le penses.
Ensuite oui, la parole de LLdM peut-être écrasante - et la mienne terrorisante aussi, paraît-il -, mais peux-tu saisir que pour tenir une position qui n'est pas évidente, qui suppose un effort constant de la pensée, une forme de résistance quand même, aux truismes, aux facilités, on ne peut pas dissoudre les efforts de cette pensée dans un verre d'eau tiède à la seule fin de la rendre adéquate au débat. Maintenant je serais plus dans une forme de réserve que dans l'affrontement systématique, autant investir ma maigre énergie ailleurs, voilà pour une courte réponse. |
 | SydN, 03.03.2012 à 14:29 | 343290 |
|  |  | Docteur C : | SydN : |
Oui, voilà.
Et puis résumer l'underground à la seule révolte par la provoc, c'est réducteur, mais c'est bien là l'image que lldm voudrait qu'elle ai. Mais comme ça n'est pas le cas, il tente de nous faire croire que si.
Mais non, l'underground avant tout c'est un mouvement d'insoumission. On peut l'être sans être trash. En fait, on peut l'être intelligemment, parce que être trash, jusqu'à preuve du contraire ça à toujours fait bouger les choses sur le court terme. Et à quoi ça sert de jouer l'insoumit sans chercher à faire changer les choses? C'est juste une bête question d'égo: "moi je vaut mieux que ça". Ce à quoi ont pourrait répondre: "Oui, mais les autres ne sont pas toi, et de toi, ils s'en foutent..."
|
Tu ferais bien de lire les livres de bande dessinée de LLdM avant que d'écrire de pareilles bêtises. Réduire ainsi sa position, dont chacun de ses livres marquent un peu plus l'intelligence, la finesse (et l'insoumission) est tout simplement risible. |
Que je soit clair. Je n'ai rien contre ses bouquins, c'est un artiste respectable et intelligent, et surtout qui à une vision. De plus, et c'est on ne peut plus louable, il ne fait pas dans le compromis, son oeuvre -surtout depuis quelques années, j'ai quelques réserves concernant ses début chez 6 pieds- avance absolument librement.
Néanmoins, ses réactions, ici ou ailleurs sont constamment dans la provocation, et surtout l'écrasement de l'avis des autres par le sien propre. Difficile d'être dans la discussion, puisqu'il ne peut y avoir débat dans ces conditions.
Et puis bon, quelqu'un qui créée une revue intitulé Enculé, c'est quand même révélateur d'un certain état d'esprit... Mais note que ça me fait plus rire qu'autre chose tant que ça reste à ce niveau...
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 | lldm, 03.03.2012 à 14:25 | 343289 |
|  |  | SydN : | Mais non, l'underground avant tout c'est un mouvement d'insoumission. |
Rien de moins insoumis que ces "Carottes".
Je ne pouvais que m'attendre à ce genre de conneries, je ne me fendrai certainement pas d'un détail pour répondre à ces litanies dont on se demande pourquoi elles s'obstinent, domestiques à ce point, à avoir l'insubordination pour objet... il n'y a aucune cohérence à ce bavardage, je n'y lis que le désir de cacher sa misère de crâne creux sous un chapeau d'aventurier. Feindre de s'intéresser à la nature underground d'un travail pour s'émerveiller ensuite de sa consubstantielle puissance d'académisation, c'est juste de la supercherie intellectuelle ; tu aimes les romans de gare? Bien, libre à toi ; mais ne les fais pas passer pour du Guyotat pour te grandir comme lecteur.
Pourquoi mon intervention sur ce livre dont je me fous comme à peu près tout ce qui se publie en bande dessinée depuis trente ans? Parce qu'il me semblait juste assez nécessaire, pour une fois, de montrer que nous ne sommes pas tous les contemporains de la même chose. Et d'ailleurs, les considérations de Sydn sur mon travail démontrent que nous ne sommes toujours pas, lui et moi, des contemporains.
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 | SydN, 03.03.2012 à 14:11 | 343288 |
|  |  | Smiley_Bone : | Euh oui enfin l'éditeur du Seuil c'est Bernière, vous savez le mec qui laisse passer l'autocollant indécollable des inrocks sur lignes de fuite de Kikuo Johnson. Donc au niveau du travail éditorial c'est aussi mainstream que Futuropolis, ou Drugstore. |
Héhé j'étais sûr que quelqu'un allait dire ça.
Oui évidemment, le Seuil n'est pas non plus un éditeur alternatif. C'est juste un éditeur de littérature qui c'est dit la BD c'est porteur: allons-y.
De là à dire que Le seuil BD, Futuro et Drugstore c'est pareil, je heu... Putain, drugstore quand même...
Et puis Futuro même s'ils font quand même de jolis bouquins bien maquetté et imprimés), c'est plutôt du domaine de l'uniformisation.
Le seuil édite chaque fois des auteurs très différents, sur des travaux très différents, avec des bouquins de différents formats et maquettés différemment selon les projets... Pas ou peu d'uniformisation, on est quand même bien loin de Dupuis, Dargaud, Delcourt, Soleil ou Glénat. Car rappelons-le: le mainstream c'est le courant principal, celui qui uniformise. |
 | lldm, 03.03.2012 à 14:11 | 343287 |
|  |  | Appollo : | tout sauf underground, on est bien d'accord) ne parasite ton regard a posteriori sur ce bouquin en particulier, et sur son travail de l'époque en général.
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ma position, mes déclarations, datent de l'époque (elles se sont adoucies par rapport à ce que je pouvais en dire à ce moment-là); un habitué de Bulledair, qui m'a montré le truc à sa sortie, pourrait en témoigner. Pour évacuer toute ambiguïté sur une position personnelle devant le travail de Trondheim de cette époque, je rajoute que j'aimais beaucoup Le psychanalyste (ou Psychanalyse, je ne me souviens pas du titre exact). |
 | |  |  | SydN : |
Oui, voilà.
Et puis résumer l'underground à la seule révolte par la provoc, c'est réducteur, mais c'est bien là l'image que lldm voudrait qu'elle ai. Mais comme ça n'est pas le cas, il tente de nous faire croire que si.
Mais non, l'underground avant tout c'est un mouvement d'insoumission. On peut l'être sans être trash. En fait, on peut l'être intelligemment, parce que être trash, jusqu'à preuve du contraire ça à toujours fait bouger les choses sur le court terme. Et à quoi ça sert de jouer l'insoumit sans chercher à faire changer les choses? C'est juste une bête question d'égo: "moi je vaut mieux que ça". Ce à quoi ont pourrait répondre: "Oui, mais les autres ne sont pas toi, et de toi, ils s'en foutent..."
|
Tu ferais bien de lire les livres de bande dessinée de LLdM avant que d'écrire de pareilles bêtises. Réduire ainsi sa position, dont chacun de ses livres marquent un peu plus l'intelligence, la finesse (et l'insoumission) est tout simplement risible. |
 | |  |  | SydN : | Docteur C : | Oui, mais la décision d'éditer ce livre appartient à Menu, dans mon souvenir, c'est son initiative, surtout. Trondheim a fait les Carottes pour "apprendre à dessiner", l'éditer, il s'en foutait, il proposait déjà des planches à Dargaud à l'époque (ce qui a donné Mildiou etc.). |
Oui, mais non
:)
Trondheim avait le nez dedans depuis des mois et des mois, et il avait démarré cette bande dessinée dans une démarche non éditoriale, ce qui fait qu'au final il n'a jamais pensé à le publier. Mais il n'a jamais été contre, ni contre les multiples rééditions. Il n'avait juste pas le recul nécessaire pour voir ce qu'il y avait d'important dans le fait d'éditer cette bande dessinée. Menu à su lui ouvrir les yeux, et l'importance que revêt ce bouquin aux yeux de beaucoup de nombreuses années après sa sortie montre qu'il ne s'était pas trompé.
Après seul eux pourraient nous dire comment ça c'est réellement passé.
Docteur C : | il proposait déjà des planches à Dargaud à l'époque (ce qui a donné Mildiou etc.). |
Oui, sauf que Mildiou, c'est le Seuil. Un autre éditeur de BD mainstream, c'est bien connu.(Dave Cooper, Oji Suzuki, Masse, Joe Matt, Killofer et Capron, tous des vendus) |
Ah oui merde j'ai pas vérifié, c'est le Seuil, j'ai confondu avec la collection pour le Tengu Carré etc.
Enfin ça ne change pas le fait que Trondheim envoyait ses récits (refusés) à Dargaud, c'est aussi le cas pour Slaloms je crois. S'il a fait les Carottes c'est parce qu'il considérait qu'il ne dessinait pas assez bien pour aller chez Dargaud.
Ensuite seulement, quand il a vu que l'Association existait comme maison d'édition, il s'est mis à l'investir plus franchement, et cela je ne lui enlève pas, cet investissement, et les livres que tu cites : Bleu, la Nouvelle pornographie, etc. Je ne pense pas que Trondheim soit un mauvais auteur, ou sans importance, hein. Il a fait de très bons livres, et c'est un excellent dessinateur, je parle juste d'une oscillation, ou d'une position. Les fanzines de Trondheim faisait très fanzinat, justement. Psychanalyse ou Moins d'un quart de seconde pour vivre sont de bons livres, en effet (Le Lézard, l'Association). Ou Le dormeur. Ce sont les amorces de ce mouvement dans le paysage éditorial, auquel Trondheim a tout a fait collaboré.
SydN : |
Docteur C : | Le seul punk de la bande, le seul à vouloir un geste qui brise la norme, à vouloir un dérèglement des codes de l'édition, c'est Menu, on y revient, et je ne pense pas que la rétrospection joue beaucoup dans la vérité de cet énoncé. |
C'est sur que fermer les yeux sur la rétrospective ça facilite l'oublit des fanzines que Trondheim faisait à ses tout début (ACCI H3319), de psychanalyse, de Bleu, de La nouvelle pornographie. Des oeuvres qui non non non (héhé référence!) ne brisent absolument pas la norme... Même sans Menu, Trondheim aurait publié ces bouquins, j'en suis convaincu. J'admire le travail de Menu, mais faut arrêter de tenter de nous faire croire qu'il est le messie, le seul le vrai...
pfff |
Ca n'a rien de messianique. On parle juste d'une position par rapport au monde de l'édition. Et de dire que cette position a créé quelque chose, une dynamique, mais je ne dis pas que la qualité des œuvres produites par les uns ou par les autres s'en trouve pour autant diminuée ou annihilée. J'écris juste que celui qui tenait la position "punk" c'était Menu, les autres ne tenant pas cette position comme lui. Quand même je rejoins LLdM pour considérer que les Carottes n'est pas un très bon livre, triste manifeste, s'il en est un.
|
 | SydN, 03.03.2012 à 13:58 | 343284 |
|  |  | Appollo : | Oui, évidemment, Les Carottes ne sont pas trash.
Il y a tout un tas de bd, par exemple dans la dernière bande de Metal, qui ont été plus punks dans l'esprit (c'est à dire équipées de l'attirail punk qui va bien).
Mais je n'entendais pas par underground un "genre", ou un "style", juste un état de fait : on parlait de bd alternative au moment des Carottes, puis on a parlé de Nouvelle BD après. Ca me semblait correspondre au passage de l'underground au mainstream.
Par ailleurs, je te trouve un poil injuste avec ce bouquin : les lectures enfantines, c'est l'esprit de régression, quelque chose de typiquement underground (surtout dans son détournement des Carottes) ne pas vieillir, c'est underground (I hope I die before I get old, hein), le dessin des Carottes est bien "illisible", c'est "mal dessiné", c'est exactement ce qu'on en a dit, quant à l'offense et le déréglement, ce n'est pas une question de morale chez Trondheim (qui n'est pas Sid Vicious) mais une question de norme éditoriale : peut-on faire un bouquin de 500 pages, en noir et blanc, mal dessiné, sans début ni fin, comme un pur geste gratuit ? C'est beaucoup plus perturbant pour la Bande Dessinée établie de l'époque qu'un énième graphzine punk, parce que c'est une attaque directe contre elle.
Je pense que ce que fait Trondheim aujourd'hui* (qui est tout sauf underground, on est bien d'accord) ne parasite ton regard a posteriori sur ce bouquin en particulier, et sur son travail de l'époque en général.
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Oui, voilà.
Et puis résumer l'underground à la seule révolte par la provoc, c'est réducteur, mais c'est bien là l'image que lldm voudrait qu'elle ai. Mais comme ça n'est pas le cas, il tente de nous faire croire que si.
Mais non, l'underground avant tout c'est un mouvement d'insoumission. On peut l'être sans être trash. En fait, on peut l'être intelligemment, parce que être trash, jusqu'à preuve du contraire ça à toujours fait bouger les choses sur le court terme. Et à quoi ça sert de jouer l'insoumit sans chercher à faire changer les choses? C'est juste une bête question d'égo: "moi je vaut mieux que ça". Ce à quoi ont pourrait répondre: "Oui, mais les autres ne sont pas toi, et de toi, ils s'en foutent..."
Lapinot et les carottes de Patagonie n'est certe pas un grand bouquin de par ses qualité intrinsèque, mais il reste un grand bouquin remit dans son contexte: celui d'une époque de déliquescence éditoriale et d'un auteur qui se cherche. Comme l'a dit Big Ben, il y a quelque chose d'impressionnant dans l'émergence d'un auteur au travers de son travail. Mais aussi d'un point de vue formel, il y a bien une résistance face au monopole de la culture BD uniforme de l'époque. Dans le format, oui, mais aussi -et justement- de par cette façon de ce ré-approprier les codes de la bande dessinée d'aventure (le genre le plus mainstream de l'époque), dans ses personnages stéréotypés et ses nombreux rebondissements. Ce n'est pas de la résistance dans la confrontation, qui risque de braquer, mais plutôt une résistance qui démontre qu'on peut faire mieux avec le même matériel de base. C'est ce que lldm appelle "mollesse" je crois. Moi j'appelle plutôt ça "malin". |
 | pirik2, 03.03.2012 à 13:50 | 343283 |
|  |  | Appollo : | peut-on faire un bouquin de 500 pages, en noir et blanc, mal dessiné, sans début ni fin, comme un pur geste gratuit ?
|
Topffer un siècle et demi plus tôt?
C'est quand même drôle, quelque chose qui ressemble à de la bande dessinée pour adulte, en noir et blanc, servie par des narrations et graphismes singuliers; c'est ce qui se publiait dans les journaux de la fin de 19e et du début du siècle. Bon, ça peut ne pas plaire aux amateurs de gros phylactères qui tachent et je n'ai pas envie de débattre des origines de la Bande Dessinée. (y a t-il sujet moins intéressant?!)
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 | |  |  | Euh oui enfin l'éditeur du Seuil c'est Bernière, vous savez le mec qui laisse passer l'autocollant indécollable des inrocks sur lignes de fuite de Kikuo Johnson. Donc au niveau du travail éditorial c'est aussi mainstream que Futuropolis, ou Drugstore. |
 | SydN, 03.03.2012 à 13:31 | 343281 |
|  |  | Docteur C : | Oui, mais la décision d'éditer ce livre appartient à Menu, dans mon souvenir, c'est son initiative, surtout. Trondheim a fait les Carottes pour "apprendre à dessiner", l'éditer, il s'en foutait, il proposait déjà des planches à Dargaud à l'époque (ce qui a donné Mildiou etc.). |
Oui, mais non
:)
Trondheim avait le nez dedans depuis des mois et des mois, et il avait démarré cette bande dessinée dans une démarche non éditoriale, ce qui fait qu'au final il n'a jamais pensé à le publier. Mais il n'a jamais été contre, ni contre les multiples rééditions. Il n'avait juste pas le recul nécessaire pour voir ce qu'il y avait d'important dans le fait d'éditer cette bande dessinée. Menu à su lui ouvrir les yeux, et l'importance que revêt ce bouquin aux yeux de beaucoup de nombreuses années après sa sortie montre qu'il ne s'était pas trompé.
Après seul eux pourraient nous dire comment ça c'est réellement passé.
Docteur C : | il proposait déjà des planches à Dargaud à l'époque (ce qui a donné Mildiou etc.). |
Oui, sauf que Mildiou, c'est le Seuil. Un autre éditeur de BD mainstream, c'est bien connu.(Dave Cooper, Oji Suzuki, Masse, Joe Matt, Killofer et Capron, tous des vendus)
Docteur C : | Le seul punk de la bande, le seul à vouloir un geste qui brise la norme, à vouloir un dérèglement des codes de l'édition, c'est Menu, on y revient, et je ne pense pas que la rétrospection joue beaucoup dans la vérité de cet énoncé. |
C'est sur que fermer les yeux sur la rétrospective ça facilite l'oublit des fanzines que Trondheim faisait à ses tout début (ACCI H3319), de psychanalyse, de Bleu, de La nouvelle pornographie. Des oeuvres qui non non non (héhé référence!) ne brisent absolument pas la norme... Même sans Menu, Trondheim aurait publié ces bouquins, j'en suis convaincu. J'admire le travail de Menu, mais faut arrêter de tenter de nous faire croire qu'il est le messie, le seul le vrai...
pfff |
 | |  |  | Je ne sais pas si Menu était le seul, mais oui, d'accord avec toi, c'est Menu le punk (dans tous les sens du terme).
J'en profite pour ajouter que j'aime également le travail des deux, d'avant comme de maintenant.
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 | |  |  | Appollo : | Oui, évidemment, Les Carottes ne sont pas trash.
Il y a tout un tas de bd, par exemple dans la dernière bande de Metal, qui ont été plus punks dans l'esprit (c'est à dire équipées de l'attirail punk qui va bien).
Mais je n'entendais pas par underground un "genre", ou un "style", juste un état de fait : on parlait de bd alternative au moment des Carottes, puis on a parlé de Nouvelle BD après. Ca me semblait correspondre au passage de l'underground au mainstream.
Par ailleurs, je te trouve un poil injuste avec ce bouquin : les lectures enfantines, c'est l'esprit de régression, quelque chose de typiquement underground (surtout dans son détournement des Carottes) ne pas vieillir, c'est underground (I hope I die before I get old, hein), le dessin des Carottes est bien "illisible", c'est "mal dessiné", c'est exactement ce qu'on en a dit, quant à l'offense et le déréglement, ce n'est pas une question de morale chez Trondheim (qui n'est pas Sid Vicious) mais une question de norme éditoriale : peut-on faire un bouquin de 500 pages, en noir et blanc, mal dessiné, sans début ni fin, comme un pur geste gratuit ? C'est beaucoup plus perturbant pour la Bande Dessinée établie de l'époque qu'un énième graphzine punk, parce que c'est une attaque directe contre elle.
Je pense que ce que fait Trondheim aujourd'hui* (qui est tout sauf underground, on est bien d'accord) ne parasite ton regard a posteriori sur ce bouquin en particulier, et sur son travail de l'époque en général.
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Oui, mais la décision d'éditer ce livre appartient à Menu, dans mon souvenir, c'est son initiative, surtout. Trondheim a fait les Carottes pour "apprendre à dessiner", l'éditer, il s'en foutait, il proposait déjà des planches à Dargaud à l'époque (ce qui a donné Mildiou etc.). Le seul punk de la bande, le seul à vouloir un geste qui brise la norme, à vouloir un dérèglement des codes de l'édition, c'est Menu, on y revient, et je ne pense pas que la rétrospection joue beaucoup dans la vérité de cet énoncé. |
 | |  |  | La dernière phrase de mon précédent commentaire vaut ce qu'elle vaut du point de vue syntaxique. |
 | |  |  | Oui, évidemment, Les Carottes ne sont pas trash.
Il y a tout un tas de bd, par exemple dans la dernière bande de Metal, qui ont été plus punks dans l'esprit (c'est à dire équipées de l'attirail punk qui va bien).
Mais je n'entendais pas par underground un "genre", ou un "style", juste un état de fait : on parlait de bd alternative au moment des Carottes, puis on a parlé de Nouvelle BD après. Ca me semblait correspondre au passage de l'underground au mainstream.
Par ailleurs, je te trouve un poil injuste avec ce bouquin : les lectures enfantines, c'est l'esprit de régression, quelque chose de typiquement underground (surtout dans son détournement des Carottes) ne pas vieillir, c'est underground (I hope I die before I get old, hein), le dessin des Carottes est bien "illisible", c'est "mal dessiné", c'est exactement ce qu'on en a dit, quant à l'offense et le déréglement, ce n'est pas une question de morale chez Trondheim (qui n'est pas Sid Vicious) mais une question de norme éditoriale : peut-on faire un bouquin de 500 pages, en noir et blanc, mal dessiné, sans début ni fin, comme un pur geste gratuit ? C'est beaucoup plus perturbant pour la Bande Dessinée établie de l'époque qu'un énième graphzine punk, parce que c'est une attaque directe contre elle.
Je pense que ce que fait Trondheim aujourd'hui* (qui est tout sauf underground, on est bien d'accord) ne parasite ton regard a posteriori sur ce bouquin en particulier, et sur son travail de l'époque en général.
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 | lldm, 03.03.2012 à 11:59 | 343272 |
|  |  | Appollo : | De mon point de vue, "Les Carottes de Patagonie" est un manifeste de la Nouvelle BD. |
concilier la tiédeur à la mollesse, ne pas vouloir céder sur ses lectures enfantines et vouloir raconter des histoires à ses confrères incapables de vieillir, accommoder la marge à la lisibilité (du point de vue de son historicité, il est de la nature de l'underground d'être "illisible"), garder une distance continue avec l'offense, le dérèglement, voilà effectivement ce qui compose une ligne assez nouvelle pour être perçue comme un manifeste : mais ça ne fait pas un underground, ça. Ça fait rigoureusement le contraire.
Que ce livre là soit à sa manière une nouveauté, oui ; mais il ne l'est qu'à la manière d'un hybride. Un centaure n'est ni une invention d'homme, ni une invention de cheval. Le centrisme fait livre, voilà ce qu'est ce triste manifeste de la nouvelle BD, comme tu dis. Et je crois effectivement qu'il l'est.
"Les Carottes de Patagonie" est le symptôme d'un moment sans underground visible, oui, c'est vrai, une zone de suspension assez étrange, dans laquelle semblent s'être abolies un instant les expériences précédentes, mais ça n'en fait en aucun cas un underground par défaut.
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 | |  |  | Je n'ai fait aucun commentaire sur la qualité des Carottes, je me contentais de rappeler que oui, Trondheim c'était bien l'underground de l'époque.
Mais effectivement, je considère les Carottes de Patagonie comme un moment de rupture dans la bande dessinée en France : par le format, par la forme tout court (ce qui parait relativement commun aujourd'hui était à peu près inédit à l'époque), par le jeu narratif (et j'insiste à la fois sur la notion ludique et la notion narrative), par le positionnement face au dessin etc.
De mon point de vue, "Les Carottes de Patagonie" est un manifeste de la Nouvelle BD.
Par ailleurs, je ne crois Trondheim ni punk ni théoricien, alors même que Les Carottes le sont. |
 | lldm, 03.03.2012 à 11:00 | 343268 |
|  |  | Appollo : | dessinée classique franco-belge, dans cette décennie. Les tenants de ce classicisme ont crié au scandale, ont hurlé à l'imposture quand le travail de Trondheim a commencé peu à peu à devenir visible. "Les Carottes de Patagonie", c'était du foutage de gueule punk, en quelque sorte. |
Cette démonstration historique ne fonctionne qu'à la condition de se tenir uniquement de ce côté-là de la lecture ; mais pour un lecteur de bandes dessinées — pour faire court — underground, à cette époque, "Les Carottes de Patagonie" c'était juste un livre léger, plastiquement nunuche, complaisant, un pensum digne de caler un fauteuil. Il n'avait pour lui que d'être plus long, plus opiniâtre, que toutes les paresses juvéniles du même tabac. Il m'est tombé des mains très rapidement malgré l'enthousiasme qu'un copain avait pu mettre à le présenter.
Et pas pour ce qu'il aurait pu secouer des conventions, mais précisément pour tout ce qui l'y tenait englué.
|
 | |  |  | Ce n'est pas Trondheim qui a changé, finalement, c'est la bande-dessinée mainstream - grâce à lui. |
 | BigBen, 02.03.2012 à 22:55 | 343263 |
|  |  | Mais bon, ça exclut d'emblée Donjon, qui est quand m^me une sorte de recette issue de la marmite indé et appliquée à un courant mainstream, non pour le dynamiter, mais pour le détourner. Il me semble qu'avec Donjon, on a un autre Trondheim, tout aussi talentueux, mais qui devient une sorte de passeur, transformant les recherches des indépendants en recettes goûtues adressées au grand public. |
 | BigBen, 02.03.2012 à 22:41 | 343262 |
|  |  | On peut considérer que le Lewis Trondheim alternatif et révolutionnaire se limite à la période 1990-94. C'est Psychanalyse, Lapinot et les carottes de Patagonie, Approximate, Le dormeur... c'est là où il s'invente sous les yeux du lecteur médusé, et ce fut très impressionnant. Finalement, c'est assez long, en tout cas c'est deux fois plus long que la bonne période punk 76-77. |
 | |  |  | "L'idée que la série Donjon, ou nombre d'autres travaux de ces auteurs, sont des œuvres de nature "underground" ayant accédé a posteriori à un statut "mainstream", me paraît dénuée de sens."
Et pourtant, c'est précisément ce qui s'est passé, en particulier pour Trondheim.
Tous ceux qui ont suivi le travail de Trondheim dans les années 90, et sa réception, peuvent en être témoins.
Trondheim a été le symbole d'une alternative à la bande dessinée classique franco-belge, dans cette décennie. Les tenants de ce classicisme ont crié au scandale, ont hurlé à l'imposture quand le travail de Trondheim a commencé peu à peu à devenir visible. "Les Carottes de Patagonie", c'était du foutage de gueule punk, en quelque sorte.
Un jour, Guy Vidal a publié Lapinot dans sa nouvelle collection "Poisson Pilote", et Trondheim a eu du succès, ses détracteurs n'ont sans doute pas plus aimé, mais ils ont arrêté de dire que c'était du foutage de gueule, que n'importe qui pouvait dessiner pareil. Et la proposition trondheimienne, d'alternative, est passée à majoritaire (ou presque) dans le paysage de la bd europénne.
Soit de l'underground au mainstream.
(pour Donjon, ok, c'est peut-être moins flagrant, mais quand même, c'est un peu la même chose) |
 | |  |  | SydN : | Oui, la revendication d'underground a été tres presente dans leur travaux, aujourd'hui que se sont des auteurs reconnu et maintes fois copiés, leurs travaux, et pas seulement donjon, sont qusiement tous devenus mainstream... |
En ce qui concerne cette idée, on trouve, en fin d'un article paru sur Du9 intitulé La Naissance d'Une Forme Classique en Bande Dessinée signé par Pilau Daures, ce passage que je me permets de citer in extenso, tant il me paraît pertinent :
"Dans une interview accordée à BDParadisio en 2001, Lewis Trondheim s’exprimait ainsi à propos de la série Donjons : "... On ne se dit pas "comment est-ce qu’on peut aller plus loin dans l’exploration du monde de Donjon et de la narration en BD ?" Je ne pense pas que ce soit notre propos. On reste des narrateurs et pas des chercheurs de nouvelles formes de narration BD. On veut avant tout rester lisible et accessible, même si ça nous amuse de décaler parfois notre propos." Dans les mêmes circonstances, Joann Sfar déniait toute intention parodique : "Le problème de l’humour ne peut se résoudre que par les personnages, jamais à leur détriment. C’est-à-dire qu’on ne fait jamais de parodie dans Donjon. Donjon n’est pas une parodie d’héroïc fantasy, c’est au contraire un travail d’héroïc fantasy où l’humour vient des personnages. Les personnages doivent être drôles par eux-mêmes." Il n’est donc pas question de parodie, ni de recherches sur de nouvelles formes de narration : il s’agit de s’emparer d’une forme (la forme classique des séries à héros, pour Lapinot, éventuellement matinée de celle de l’héroic fantasy, pour Donjons) et de s’exprimer dans cette forme, plutôt que à sa manière (faire aussi bien que dans un supposé âge d’or), sur elle (parodier), ou contre elle (déconstruire et reconstruire)." (fin de la citation)
L'idée que la série Donjon, ou nombre d'autres travaux de ces auteurs, sont des œuvres de nature "underground" ayant accédé a posteriori à un statut "mainstream", me paraît dénuée de sens. Et considérer comme "underground" une série animalière d'heroïc-fantasy humoristique parue chez Delcourt, me semble pour le moins discutable. Lewis Trondheim et Joann Sfar, dans la majorité de leurs travaux, ont toujours participé d'un élan que l'on qualifiera (trop rapidement, quand tout ça serait à préciser, et ces catégories fourre-tout à définir, mais l'article de Pilau Daures permet d'y réfléchir plus avant) de "mainstream". Élan "mainstream", qui ne pose pas de problèmes en soi (en tout cas, pas là tout de suite), autant qu'on ne se met pas à lui prêter des qualités qu'il ne possède pas.
Plus généralement, envisager les deux dernières décennies passées comme l'accession fulgurante de l'"underground" au "mainstream", l'avènement miraculeux d'une sorte d'"overground" (où invention artistique rimerait avec réussite commerciale et intransigeance intellectuelle avec reconnaissance publique) me paraît pour le moins réducteur. Le doux fantasme de l'"ascenseur social", en bande dessinée comme ailleurs, mérite grandement d'être relativisé.
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 | |  |  | longg : | Allister Baudin : | Sfar est aujourd'hui un maître du dessin, il a fait un saut prodigieux par rapport aux albums pour lesquels il est connu |
Ah bon. Bah moi je préférais quand il était maître du dessin pour Noyé le poisson ou Petrus Barbygère, là j'ai vraiment du mal (mais je reconnais qu'il est dans la recherche graphique) |
Oui oui j'aime beaucoup cette période aussi..mais entre ce moment et aujourd'hui, il y a eu comme un moment plus agréable, plus doux, et plus plat (sur les Chats du Rabbin et sur queqlues Donjon), que j'aime bien aussi, mais qui me parait finalement moins fertile que celui du trait bien aride de Noyé le Poisson ou du flot explosif des derniers livres. |
 | |  |  | en fait, je rêve d'une belle grosse intégrale N&B donjon, sur le modèle du one-volume edition de Bone |
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