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  jon_arbuckle
| J'avais lu quelque part, qu'à l'image de Simenon, ou de Hitchcok, Hergé n'aurait pas su s'arrêter à temps, et aurait écrit deux albums de trop, dont "Tintin et les Picaros", qui commença à paraître en 1976 dans le journal "Tintin". Certains Tintinophiles estiment également que dans ce dernier album des "Aventures de Tintin" paru du vivant de Hergé, nos héros semblent quelque peu "fatigués".
Sans adhérer totalement à ces opinions quelque peu sévères sur un album finalement très honnête, il faut reconnaitre qu'elles traduisent une certaine réalité.
Il est vrai que dans cette histoire, les personnages ne courent pas à l'aventure. Ils semblent même plutôt subir les évènements, à l'image de Tintin, qui refuse dans un premier temps de suivre son ami le Capitaine Haddock, parti à Tapiocapolis au San Theodoros (République imaginaire d'Amérique Latine) libérer ses amis injustement condamnés (La Castafiore, et Les Dupondt)
On peut également souligner le ton quelque peu désabusé et amère, adopté par l'auteur dans l'album, qui se manifeste tout particulièrement à la fin : "Eh bien, je ne serai pas fâché de me retrouver chez nous, à Moulinsart...", déclare Haddock au bas de la dernière page. "Moi aussi, capitaine..." répond sans plus de commentaires Tintin.
Si ce dernier aide, en effet, les Picaros à renverser Tapioca, c'est, bien davantage pour libérer ses amis prisonniers que pour libérer un peuple. D'ailleurs, il ne s'agit pas ici d'une véritable révolution, mais d'une simple révolte de palais. Tapioca est appuyé par la Bordurie, Alcazar par l'International Banana Company . Les intérêts du changement ne profitent donc qu'à de puissantes organisations. Quant au peuple, il reste dans les mêmes bidonvilles : seul l'uniforme des militaires n'est plus le même, et le panneau "Viva Tapioca" est simplement remplacé par celui de "Viva Alcazar"...
Autre détail qui n'en est pas un : l'histoire débute par l'arrestation de la Castafiore, et le gros de l'action se déroule pendant le carnaval de Tapiocapolis. C'est donc le monde du spéctacle qui entre en jeu, et les militaires en font bel et bien partie.
Ainsi, même si cet album d'Hergé aborde de front des problèmes politiques, ce que l'auteur s'était bien abstenu de faire pendant longtemps, ses conceptions semblent avoir bien évoluées. On est loin de la dénoncitation caricaturale de "Tintin au pays des Soviets", ou du ton quasi-militant du "Lotus Bleu".
Au final, on a donc pu souligner qu'en vieillissant, Hergé et ses héros semblaient avoir perdu de leur enthousiasme, et de leur conviction profonde que le "bien" finit toujours par triompher. L'heure était désormais au pragmatisme et à la dénonciation passive d'une situation sur laquelle nos héros n'avaient plus réellement prise.
Ce n'est pas entièrement faux, mais il faut d'avantage regarder cette oeuvre comme l'aboutissement d'une longue évolution de Tintin et de sa petite bande, vers d'avantage de pragmatisme et de maturité, traduisant, par là même, l'évolution du dessinateur lui-même.
Pour finir, cet album contient plusieurs détails amusants : le premier concerne le casque-moto de Tintin en première page qui est de couleur rouge, et porte le sigle de la paix rendu célèbre par les hippies. De même, notre héros délaisse enfin les culottes de golf pour un jean plus moderne. On ne peut alors que regretter que cette (r)évolution vestimentaire (et, on le suppose, des idées de Tintin), se soit arrêtée en si bon chemin.
Enfin, on y découvre Peggy (le femme d'Alcazar), la seconde femme emblèmatique des "Aventures de Tintin" avec "Le Rossignol Milanais". Au vu de ce nouveau personnage pour le moins insupportable, on est alors pris d'une soudaine inquiétude quant à l'opinion réelle que se faisait Hergé des femmes ;o)
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