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| Le premier tome des aventures de Tintin, c'est au minimum un album historiquement important.
Pour ce qui est de l'histoire, celle que raconte l'album, c'est tout et n'importe quoi. Comme les Soviets sont parus sous forme d'un feuilleton écrit au fil de la plume, la veille au soir pour le lendemain, l'enchaînement des péripéties tient plus du grand-guignol que du scénario. Qu'on en juge : Tintin répare une voiture en jetant au hasard le pièces détachées du moteur, Tintin fabrique une hélice d'avion à partir d'un arbre, taillé au canif (rien n'est impossible à un vrai boy-scout)... Et la plus belle des plus belles, un chef-d'oeuvre du surréalisme : Tintin, prisonnier des Soviétiques, est enfermé dans une cellule qui se remplit d'eau. La noyade paraît inexorable. Tintin regarde alors au fond de la geôle et s'exclame : "tiens, un scaphandre !". Je vous jure que c'est vrai !
Pour ce qui est de la place de cet album dans l'histoire de la bande dessinée, elle est incontestable. C'est l'apparition, aussi pitoyable soit-elle, du héros de BD le plus important du siècle, et aussi le premier triomphe public d'une bande dessinée, en tout cas en Europe (ailleurs, je ne sais pas). Il faut reconnaître que les gens du Petit Vingtième étaient fort en marketing ! Autant que les ayants droit actuels d'Hergé qui ont réussi à faire croire que la réédition de cet album était un événement alors que
a) Ca ne devrait intéresser que les "tintinophiles" avertis.
b) Les Soviets avaient déjà connu pas mal de rééditions par le passé.
Quant à la dimension "historique" (au sens da la grande Histoire) de l'album, c'est sans doute là que c'est le plus intéressant (et le plus contesté). Bien sûr, il n'y a aucune originalité de pensée chez Hergé qui se contentait de répéter ce que lui soufflait l'abbé Wallez, son éditeur. Mais il faut avouer que quand il montre des communistes européens enthousiasmés par une usine en carton-pâte, il tombe plutôt juste. Quant aux réserves de grains que l'URSS conservait pour l'exportation alors que la famine sévissait, c'est hélas une abomination bien réelle et méconnue à l'époque...
Et puis s'il y a une page à sauver de cet album, c'est celle de l'élection, où on voit des hommes sortir leurs pistolets pour inciter les électeurs à choisir la bonne liste. Cette page, en trois images liée par une belle progression dramatique (le gens ont d'abord la tête levée vers les tribuns, puis courbent lentement l'échine), est la première réussite du maître. C'est là que le grand Hergé perce sous l'espiègle boy-scout belge...
Un album pour les spécialistes (d'Hergé ou de l'image de l'URSS dans l'imaginaire européen des années 20...) |
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