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© Casterman

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Tintin au Congo
ScénarioHergé
DessinHergé
Année1946
EditeurCasterman
SérieLes Aventures de Tintin, tome 2
autres tomes1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 ...
Bullenote [détail]

Après son voyage en URSS, Tintin part en juin 1930 pour le Congo, qui était, à l'époque une colonie belge. Le célèbre reporter se trouve alors confronté à une bande de gangsters affiliés à Al Capone qui veut contrôler la production de diamants du Congo. Il parviendra à déjouer tous les pièges tendus par les mêchants, et rentrera triomphalement en Belgique.

Cet album, reflet d'une vision paternaliste et colonialiste de l'Afrique dans sa première version en noir et blanc, sera modernisée et épurée de quelques détails choquants en 1946, lors de sa colorisation.

 

5 avis

jon_arbuckle
Après son retour triomphal du pays des Soviets, c'est en Amérique qu'Hergé voulait envoyer Tintin. Mais l'abbé Wallez, prêtre catholique bruxellois, directeur du journal "Le XXème siècle" et patron d'Hergé à l'époque, ne l'entendait pas de cette oreille. C'est au Congo, immense colonie belge, qu'il voulait envoyer Tintin pour faire la promotion de ce territoire que les belges connaissaient finalement assez peu. Son souhait fut réalisé en 1930.

L'histoire commença donc à paraître le 5 juin 1930 dans "Le Petit Vingtième", nouveau journal dont Hergé était devenu le responsable, pour se terminer le 11 juin 1931. Mais elle sera reprise et publiée en album par les éditions Casterman la même année.

Tintin au Congo est donc le premier véritable album d'Hergé, mais certainement pas le meilleur. La Belgique est à cette époque une puissance coloniale qui tire d'énormes ressources du Congo belge (aujourd'hui République Démocratique du Congo) et c'est presque naturellement que Tintin se retrouve en reportage dans la colonie.
Mais on retrouve malheureusement dans cet album toutes les idées reçues et les poncifs véhiculés à l'époque par les films de court métrages à caractère "documentaire" avec en particulier le "bon père blanc" qui apporte aux "sauvages" africains la culture, la civilisation et la religion de l'occident chrétien. On y voit aussi un curieux Tintin viandard qui massacre allègrement des gazelles, lion, rhinoceros et autres éléphants...

Toutefois, en 1946, Hergé pris la décision de redessiner totalement "Tintin au Congo" pour le mettre en couleur et réduire ses 110 planches d'origine aux 62 pages désormais de rigueur. Il y apporta des améloriations esthétiques, redessina la quasi-totalité des images, affina les décors, redonna de la clarté au découpage et modifia les dialogues pour les rendre plus vifs. Mais l'autre évolution majeure concerne l'idéologie colonialiste/paternaliste de l'album d'origine qu'Hergé a tenté d'effacer. Mais y est-il totalement parvenu ? on peut en douter.

Il reste que ce Tintin permet de mesurer l'évolution des mentalités, et de celle d'Hergé lui-même. Et ça, c'est vraiment intéressant.
pessoa
Peut-on lire Tintin au Congo en 2004 ?

Je ne parle pas, bien sûr, de l’aspect décousu de cet album, écrit au fil de la plume lors de sa parution hebdomadaire. Ni de l’outrancière invraisemblance des péripéties (la voiture de Tintin fait dérailler un train, Tintin se déguise en girafe, Tintin maîtrise un léopard en lui faisant avaler une éponge…).

Ce qui pose problème, c’est bien sûr le ton, au mieux paternaliste, au pire raciste, de l’histoire. La caricature des ces « grands enfants » de noirs, qui singent grotesquement le mode de vie des européens et vont jusqu’à faire de Milou leur roi, cette caricature est particulièrement gratinée. Qu’en dire ? Que c’était un album de commande, qu’à l’époque Hergé était publié par un hebdo catholique proche de l’extrême droite, que cette vision du Monde colonial était répandue dans la Belgique de 1930 ? Pourquoi alors avoir réédité le Congo en couleur en 46, sans nuancer le moins du monde une vision du Monde qui commençait à sentir le rance ? Après tout, Tintin au pays des Soviets était bien passé à la trappe.

Aujourd’hui, on ne peut voir le Congo que comme un témoignage à charge d’Hergé contre lui-même et ses errances de jeunesse. Mais surtout, ne pas oublier que la fin de l’album recèle un message inattendu et autrement plus subversif. Quant il s’avère que les vrais méchants, ce sont les Occidentaux, personnifiés par Al Capone, qui pillent l’Afrique de ses richesses pour leur seul profit.
Ce discours-là, en 2004, est encore d’actualité.
Laotzi
Porter un regard sur ce deuxième album d’Hergé est aujourd’hui très difficile. D’un strict point de vue artistique, scénaristique, Tintin au Congo est certainement l’œuvre la moins aboutie d’Hergé concernant les aventures de Tintin (avec Tintin chez les soviets), souffrant d’une narration brouillonne, confuse, parfois presque illisible. Autant l’aspect feuilletonesque est agréable dans Tintin en Amérique, autant cela engendre ici des ruptures narratives beaucoup trop brutales, une mise en scène hachée et passe en définitive très mal à la lecture. Les péripéties sont souvent maladroitement amenées, pauvrement traitées et l’aventure est au final très décousue. Le méchant de l’histoire n’a absolument aucune épaisseur, aucun intérêt, au point même où il semble agir sans aucune motivation (hormis le lien artificiel à la fin de l’album créé avec le prochain). De plus, il est évident que le traitement colonialiste et paternaliste passe évidemment aujourd’hui très mal et procure une gêne tout à fait considérable à la lecture. Le lecteur d’aujourd’hui, et même le jeune lecteur auquel est destiné cet album, ne peut pas s’identifier, d’aucune manière, au héros ou à l’histoire. Au final, cela donne un album qui a terriblement vieilli, et qui, en tant que simple bande dessinée de divertissement, ne vaut pas grand-chose.

Mais, pour l’étude des mentalités de l’époque, pour l’histoire des représentations coloniales, Tintin au Congo demeure le classique indépassable tant il renferme la majeure partie de credo colonial européen, et en l’occurrence belge ici, même si la version dont on dispose aujourd’hui est une version apparemment revue et édulcorée en 1946 (la version originale datant de 1930).. Tout d’abord, l’Afrique nous est présentée comme un territoire hostile et dangereux. Dès le voyage en bateau, puis sur le continent lui-même, Tintin et Milou ne cessent de braver le danger face à cette nature sauvage, que ce soit avec les moustiques, les crocodiles, les lions, les léopards, les serpents et même les éléphants et les singes. Ensuite, l’africain présente les caractéristiques typiques qu’en donnent les représentations de l’époque. Outre une apparence et un physique grotesque, et plus encire lorsqu’il est vêtu à l’européenne, outre le langage 3petit nègre3, l’Africain est décrit tour à tour comme peureux et lâche devant le danger (c’est le cas de Coco notamment, à la différence bien entendu du brave Tintin), puis fainéant, naïf. D’une manière générale, l’Africain est montré selon la théorie typique à l’époque du peuple-enfant. En cela, ne connaissant donc pas véritablement les notions de bien et de mal, le noir apparaît toujours, comme dans tout paternalisme, serviable, souriant et sympathique, et les rôles de méchants restent l’apanage des blancs. Ensuite, le roi africain apparaît totalement faible et ridicule, au point même que le dernier roi d’une tribu représenté n’est autre que….Milou. De même les africains apparaissent impuissants et crédules faces aux ingénieuses inventions de Tintin, ont des réactions candides face à la « technologie » apportée par le héros à la houppette, et restent finalement soumis à des superstitions tournées en dérision. De même, les tribus se font la guerre entre eux (avec un armement d’ailleurs représenté comme archaïque), ou même les individus se disputent à leur niveau, pour des motifs futiles et insignifiants (où à défaut d’être lâche, ils sont cette fois excessivement susceptible et belliqueux), et il faut bien entendu l’intervention de ce bon vieux Tintin pour ramener la paix (et donc l’intervention de l’homme blanc est notamment justifiée par la paix qu’il permet d’imposer).

Or, tout ce que nous présente cet album forme le credo colonial de l’homme blanc, l’ensemble des mentalités et des représentations, conscientes et inconscientes, qui contribuent à justifier la colonisation. En effet, à travers ces représentations, le blanc semble évidemment avoir la mission d’amener vers la civilisation ce peuple arriéré (ou pour reprendre une expression beaucoup plus crue de l’époque : cette « race inférieure »). On n’échappe d’ailleurs pas à cette scène dans l’album lui-même, puisque Tintin en personne donne des leçons de calcul à des petits africains dans une mission, devant des élèves qui apparaissent parfaitement stupides. Heureusement, ce refus caractéristique de s’intéresser véritablement à l’Autre changera profondément dans les prochains albums d’Hergé où il développera des valeurs plus humanistes. Mais Tintin au Congo est caractéristique des représentations mentale de la société moyenne de l’époque (le début des années 1930), parce si Hergé est alors affilié à un journal très catholique dont le directeur est ostensiblement d’extrême droite, l’idéologie véhiculée ici permet tout à fait de se rendre compte de celle de l’occidental moyen, et est tout à fait représentative des mentalités de son temps. De plus, en tant que médium de masse, destiné au jeune public facilement influençable, il participe grandement à la diffusion et à l’intériorisation de ces idéologies coloniales. En cela, Tintin au Congo est une œuvre très intéressante du point de vue historique pour se rendre compte à la fois des représentations de l’époque mais aussi des canaux employés pour propager le credo colonial. En tant que bande dessinée proprement dite toutefois, ce n’est qu’une mauvaise œuvre de jeunesse d’un futur très grand auteur (et c’est cela que la bullenote reflète bien entendu).
stanislas
Pour moi Tintin au Congo est le meilleur de tous les Tintin, et de loin. Et je dis ça sans la moindre ironie. Enfin pour ne pas vous mentir je suis loin d’être un inconditionnel de Tintin, ce personnage fade me laisse de glace, ses grandes bulles carrées avec un lettrage de type machine à écrire me rebutent et les blagues des Dupond marchant sur un rateau ou du professeur Tournesol n’entendant pas ce qu’on lui dit ne m’ont jamais arraché ne serait-ce qu’un rictus.
Pourtant comme tout bédéphile j’ai plusieurs Tintin chez moi, que l’on m’a offert étant jeune, mais celà fait partie des rares BD que je possède et ne relis jamais. A une exception près toutefois : Tintin au Congo ! Celui-ci, je le relis régulièrement, et toujours avec le même plaisir. Pour moi, c’est dans cet album que l’on a à faire au veritable Tintin. En effet dans les autres albums celui-ci se contente de suivre une aventure, Tintin est toujours entraîné dans une histoire, suite à des évènements qui surgissent, qui lui tombent dessus. Il n’est donc pas à l’origine de l’action, il la subit plus qu’autre chose. Ce qui fait qu’on ne le voit presque jamais dans son intimité ou ses loisirs. Il fait bien une promenade dans “Les bijoux de la Castafiore”, mais c’est une activité de retraité, on sent que ce n’est pas son truc. Dans “Tintin au Tibet” il fait une partie d’échecs avec le capitaine Haddock, mais là encore, il s’ennuie terriblement, au point meme de s’endormir en pleine partie. Non décidément, dans les autres albums, Tintin n’à pas l’occasion de faire ce qui lui plait. Dans Tintin au Congo au contraire, Tintin se lâche, non seulement il vient là bas presque de lui-même (sous le vague prétexte d’un reportage, mais il n’est ni kidnappé, ni à la poursuite d’un affreux en particulier, bref il n'est pas empêtré dans une intrigue), mais en plus son boulot lui laisse largement le temps de vaquer à ses loisirs. Que fait Tintin quand il a des loisirs : il explose un rhinoceros à la dynamite, il massacre un petit troupeau de gazelles, il zigouille un elephant pour lui arracher ses défense et il dépèce un macaque pour se faire un petit costume, sans oublier de faire la leçon à quelques nègres et tout en prenant le temps de s’octroyer une petite promenade en chaise à porteurs. Car oui, Tintin est un beauf sans scrupule mais on jubile véritablement à le voir aussi franc, décomplexé, bon vivant, délicieusement amoral. Voilà un personnage qui a de la classe, un veritable bonhomme ô combien moderne et très humain (beaucoup plus que l’espèce de robot rigide et glacé auquel il laissa place). Chaque page est un petit chef d'oeuvre de justesse, de cruauté assumée, de cynisme de bon aloi, de jouissif défoulement, bref du plaisir le plus débridé.
C’est Tintin au Congo qui a inspiré des auteurs aussi savoureux que Chaland ou Winshluss, quand les autres albums n’ont inspire que des Jacques Martin, des Craenhal ou des Jacobs (bref de la merde).
Malheureusement pour Tintin, le vent de l’Histoire lui sera défavorable, la Libération arrive et Tintin sera obligé de se plier aux normes étriquées de cette nouvelle époque. Certains dissent que Tintin est devenu plus ouvert, plus tolerant, pour moi il est tout bonnement devenu névrosé (Hergé lui-même est devenu dépressif après la Libération), et celà se comprend, oblige de refouler toutes ses pulsions,de se conformer à une pression sociale écrasante, ce qui le transforma en ce personage insipide et plat, aux mornes aventures, sans joie et sans plaisir, obligé de garder pour soi ses véritables penchants.
Et nul doute que si le III° Reich avait gagné la guerre, nous aurions eu droit à des albums de Tintin d’une toute autre saveur (et ce n’est pas Léon Degrelle qui me contredira).
Mr_Switch
Pourquoi ai-je commencé par acheter les Spirou de Franquin avant ceux de Tome et Janry ? Honnêtement, au tout début, tout simplement parce que l'on avait 64 pages au lieu de 48 et pour le même prix.

Pourquoi Tintin au Congo fut-il longtemps le premier et le seul Tintin que j'ai acheté, et ce avant l'âge de 10 ans ? Né dans une famille de tintinophile, j'ai pu lire (en réalité, regarder) tous les Tintin dès mes premières années. Tous ? Non. Point de Soviets, point de Congo. Le premier, absent des miniatures en quatrième de couverture, n’avait pas encore aiguisé ma curiosité. Quant au second, pourquoi n’était-il pas dans la pile des Tintin mis à disposition de mézigue ? Censure volontaire ? Hasard bizarre ? Je ne sais. Reste que cette absence rendit Tintin au Congo indispensable à l’assouvissement du diktat de ma curiosité.
J’achetai donc ce Tintin à l’Intermarché du coin, malgré la moue maternelle. « Tu es sûr de vouloir acheter ce livre ? Tu sais, il n’est pas très intéressant… » m’assurait-on, craignant sans doute une déception de ma part. Avouons, qui plus est, que je n’étais pas, et que je ne suis toujours pas, un tintinophile passionné.
Déçu, je ne le fus pas. Je n’en ai pas le souvenir, en tout cas. Toutefois, mes seuls souvenirs de ma découverte de cet objet sont le contact avec le papier. Un papier couché bien différent de celui de mes Dupuis d’alors. Ça ne compte donc pas vraiment, n’est-ce pas ?

Ces aventures congolaises restent donc un… événement ? une bravade ? un miroir aux alouettes ? un phantasme de mon enfance ? Curieusement, « phantasme » ne doit pas être si faux que cela. Si cet album tient une place spéciale dans mon parcours de lecteur, je ne l’ai que peu lu et relu. J’étais conscient du côté problématique de certaines scènes – quoique l’amoureux de la nature que j’étais déjà, aimait beaucoup le dynamitage de rhinocéros, je l'avoue. – mais c’était sans doute l’objet lui-même et son acquisition qui avaient une importance à mes yeux.

Dès les premières années de Bulledair, j’avais entrepris de faire une chronique. Les divers rebondissements judiciaires autour de ce livre, les diverses tentatives infructueuses de me lancer, retardèrent celle-ci.
copyrightPourtant, en 2004, un magazine arrivé par hasard dans mes WC avait accru mon envie de divaguer sur cet épisode. Un magazine s’intéressant aux littératures séquentielles ? Que nenni. Un magazine d’aménagement de la maison ! En effet, dans le numéro 44 de novembre/décembre 2003 de « Toute la maison », dans un article sur des cheminées, nous sommes gratifiés de la scène ci-contre. Quand bien même il s’agirait d’une mise en scène, on pourrait disserter des heures dessus. Un charmant bambin a le choix entre deux héros à houppette blonde, deux héros aux noms allitérant dans les t, deux héros de best-sellers francophones non français. Et entre T..t.. et T.t…, il préfère T..t.. ! Teuteuteu, ne vous méprenez pas, je m’en fous un peu qu’il préfère en apparence Tintin au Congo à un Titeuf. Non, non, non, inutile d’aller si loin. Le simple de fait de mettre un Titeuf – ou n’importe quelle autre bande dessinée jeunesse des 30 dernières années – sur le même plan que Tintin au Congo est interpellant, à mon sens. En parlant de « plan », je ne parle bien sûr pas ici de la composition de la photo, sur laquelle on pourrait également gloser…

Cette photo est la meilleure représentation que je connaisse de ce qu’est Tintin au Congo. Indirectement, elle souligne aussi le côté problématique de ce livre, si tant est que l’on sache un peu le propos. Si cette scène fut improvisée, alors il y a du génie. Si elle fut réfléchie, c’est alors négligeable, car je doute que le photographe ait voulu dénoncer quoi que ce soit de bédéphile.

Que nous montre ce cliché ? Une première évidence : Tintin au Congo est un objet-bande dessinée comme un autre. On ne sait comment a été préparée cette mise en image, mais il a fallu qu’il y ait un Tintin au Congo sous la main de quelqu’un. Et de fait, ce n’est pas un objet difficile à se procurer : en 2011, il est toujours vendu dans l’Intermarché sus-évoqué, alors que les Spirou de Franquin, non.
Ensuite, que le gamin ait choisi ce livre ou non, il ne semble pas honteux de lire Tintin au Congo. Il aurait pu lire Tintin au Congo, il aurait pu lire le « Titeuf ». D’aucuns diront qu’il préfère lire le Tintin et que l’on pourrait en tirer des conséquences. Je n’en suis pas sûr, mais je dois avouer que l’on ne peut pas complètement ignorer cette hypothèse.

Cette photographie, presque une caricature, indique la place de Tintin au Congo par rapport à un autre album jeunesse (l’humour de Titeuf, osé et parfois pipi-caca, était destiné préalablement aux pré-ado mais fonctionne en réalité généralement mieux chez les 6-12 ans. Si tu ne me crois pas, lecteur, je t’invite à mener ton enquête). Il en ressort que l’on a le droit de comparer Titeuf et Tintin au Congo qui sont mis au même plan. Or on sait que ce n’est pas le cas. Oh, il y a plein de raisons et arguments. Celui qui m’intéresse est temporel : comment comparer un livre de mille neuf cent quatre-vingt dix-huit et un livre de mille neuf cent… mille neuf cent… euh enfin un livre d’entre les deux guerres, euh un livre d’entre les deux guerres mais euh…
Bon, vous connaissez la dépôt légal de Tintin au Congo, vous ? Non ? Allons demander à nos amis de Bédéthèque ! C’est par ici, si vous voulez bien vous donner la peine d'entrer. Hein ? Quoi ? Pas de dépôt légal ? Bin, ça m’étonnerait que les gens de Bédéthèque aient oublié de le mettre. Ah tiens si… Trêve de plaisanterie. L’album Tintin au Congo date historiquement de 1931 et fait plus de 120 pages. Toutefois, ce que nous appelons Tintin au Congo en 2011, est une version colorisée, remontée en 60 pages, rectifiée, en partie redessinée que l’on fait remonter à 1946 (ce qui ne signifie pas dépôt légal de 1946…).
Difficile de comparer un livre de 1931 avec un livre de 1998. Difficile de comparer un objet gloubi-boulga de 1946 et un livre de 1998.

Nous voici à un point crucial : Tintin au Congo, une version remontée. Dites-moi, je ne l’ai pas précisé mais ce que l’on reproche à cet album, outre le fait de n’avoir qu’une histoire qui tient en deux lignes, c’est son paternalisme et sa justification du colonialisme. Est regretté également le massacre d’animaux dont Tintin nous gratifie gaiement.

Ce paternalisme colonialiste, aujourd’hui décrié, était le but du récit en 1930. Tintin au Congo était une fable, un feuilleton (il fut « prépublié » dans le Petit Vingtième) moralisateur. Ce discours était de bon aloi en 1930, il ne l’est plus de nos jours... Ces dernières années, se sont multipliées les plaintes contre l’album, plaintes ayant souvent comme but le retrait de l’album de la vente. Ces plaintes émanent, a priori, de plus en plus de Congolais ou d’autres Africains, ce qui me semble assez logique et normal. Je ne pense pas que ce soit faisable ni forcément à faire. Indéniablement, interdire cet album maintenant, serait condamner ce colonialisme paternaliste et serait donc une bonne chose en apparence. Par expérience, je sais que ce courant de pensée n’est pas réellement mort, et que même des organismes sérieux qui luttent contre l’infantilisation de l’Africain se laissent paradoxalement prendre à ce piège.
Interdire cet album serait aussi quelque part nier que l’Européen ait pu, puisse, infantiliser l’Africain. De plus, si on interdit Tintin au Congo, pourquoi ne redirait-on rien à propos de « Tintin en Amérique » ? Je verrais plutôt un avant-propos et un dossier détaillé en fin de livre. Malheureusement, voici un exercice qui risque d’être bien compliqué à mettre en œuvre : l’étude de cette fable moralisatrice ne doit pas être elle-même moralisatrice dans le mauvais sens du terme. Ensuite, quelle version continuer à éditer, avec les mises en garde proposées ? La version initiale ou la version remaniée ? Sans doute les deux.
Sans doute la version initiale a-t-elle une représentation encore plus bienveillante du paternalisme (je n’ai jamais lu le fac-similé de cette version) mais en réussissant à la replacer historiquement, elle est sans doute mieux explicable, à défaut d’être défendable, que la version remaniée.

Le problème de la version remaniée, c’est qu’elle cumule les reproches : il semble qu’elle modère un peu le discours colonialiste mais affadit une histoire déjà faible. Alors que la version initiale de Tintin au Congo n’est plus une histoire pour enfants (les fac-similés sont clairement des objets réservés aux adultes), la version remaniée se pare d’atours pour séduire le jeune public. Dis-je que cette version remaniée a été conçue de manière à pervertir les enfants depuis plusieurs générations ? Non. Par contre, 70 ans après ce remaniement, on est en droit de dire qu’il reste maladroit et peut-être pire que tout. Un dossier sur cette version serait donc doublement intéressant : sur le fond ou ce qu’il en reste et sur la forme (le comment du remaniement). Remarquez que si l’on venait à insérer un dossier sérieux dans cette édition, elle risquerait aussi de quitter les grandes surfaces, ce serait une semi-interdiction déguisée.

Pour comparer les deux éditions, l’exemple ci-contre est souvent repris. Dans la version originale, Tintin fait un cours de géographie, la Belgique devenant la Patrie des petits Congolais. La Patrie, c’est la terre des Pères. Dans une logique paternaliste, la Belgique ne peut être que la Patrie du Congo Belge. Dans la version remaniée, le cours de Tintin devient des mathématiques plus que basales, pour ne pas dire insultantes. Je crois que l’on peut dire que cette rectification est bien maladroite… que le remède est pire que le mal.

L’histoire de ce tome et du malaise autour de celui-ci n’est pas nouvelle. Pourquoi en parle-t-on un peu plus en ce moment ? L’une des raisons possibles me semble assez peu avancée. Dans Tintin au Congo, le Congo en question, c’est le Congo Belge. De 1971 à 1997, ce qui correspondait à ce Congo s’appelait Zaïre. Depuis c’est redevenu un Congo, la République démocratique du Congo. Quand j’avais 10 ans, le Congo n’existait plus, Tintin au Congo se passait donc il y a loooongtemps. En 2011, le Congo existe à nouveau et donc Tintin au Congo n’est plus aussi assurément éloigné dans le temps. Ma théorie tient peut-être du syllogisme. Pourtant, je suis persuadé que pour beaucoup de trentenaires, le Congo, c’est un vieux truc africain rigolo et pour d’autres des guerres civiles à la télévision. Vous me direz, il y avait toujours un Congo qui existait après guerre et qui existe encore, la République du Congo, l’ancien Congo français… Et oui. Mais en avions-nous tous conscience ? D’autant que le Congo revient souvent en bande dessinée. La bande dessinée étant souvent belge, le Congo est alors essentiellement belge aussi.

Cher lecteur, amuse-toi à rechercher dans la bullebase quelques noms de pays. Tu verrais, par exemple, que les Belges sont très représentés alors que la Belgique, non. Quoi qu’il en soit, le Congo est très représenté en bandes dessinées, lui aussi. Il l’est comme reliquat colonialiste (Tintin, Tif et Tondu, encore cette mystérieuse allitération en t), comme symbole d’un envoûtant exotisme africain. On trouve aussi des occurrences en rapport à Tintin au Congo lui-même. Ces derniers albums utilisent alors le mot « Congo » non pas pour désigner le pays actuel mais comme symbole d’une Belgique d’antan, celle du présent livre. L'ironie amène à des situations parfois bien étranges...

Tintin au Congo n’est donc pas un bon livre. Tintin au Congo n’est donc pas un mauvais livre. Ce sont deux livres mythiques. Achète-t-on les mythes en supermarché ? Je n’ai pas la réponse.
Ces deux bouquins sont historiques et donc à lire. A n’importe quel âge, de n’importe quelle manière ? Encore, une fois, je ne sais pas. Je n’ai pas l’impression que la lecture de la version retouchée me fut néfaste. Cependant, ce n’est plus une livre à explorer sans avoir conscience des tenants et aboutissants. Il n’y a donc pas de réponses toutes faites, ce document étant accessible selon la réceptivité du lecteur…

Vous trouvez que je tarde à parler du contenu du livre ? Vous vous fourvoyez. J’ai donné les grandes lignes, plus haut, si si. Allez, j’explicite un peu plus : Tintin part au Congo en bateau. Il y a des requins et des méchants. Tintin fait l’école aux petits Congolais. Tintin fait Salomon entre Congolais amis, ces grands enfants. Tintin fait Salomon entre tribus ennemies, ces grands enfants en tenues de guerriers d’opérette. Il y a des méchants Européens. Tintin fait un safari.

Ce n’est pas méchant, du moins ça ne se veut pas méchant, ce n’est pas de la méchanceté dirigée vers les Congolais. Je dirais que c’est d’une naïveté blessante. Une naïveté acceptable en 1930, une naïveté pleine de rustines étrange en 1946, une terrible naïveté en 2011.

Hergé reconnaissait lui-même qu’il baignait dans un monde plein de préjugés quand il créait la version originale, au jour le jour. L'album regorge donc des stéréotypes de la vision du Congo par les Européens à cette époque. Dans sa version originale, il est un document de 1930. Dans sa version de 1946, il est un document d’une réflexion balbutiante d’après-guerre. Réflexion collective, non forcément concertée, Hergé n’ayant pas remanié l’histoire seule.

Naïveté d’Hergé. Naïveté de Tintin comme a pu l’avancer Benoît Peeters dans Hergé, fils de Tintin. A propos du massacre non exhaustif d’un troupeau d’antilopes par Tintin, il écrit que « si les Noirs sont de grands enfants, Tintin agit ici comme un enfant plus jeune encore, manipulant à sa guise un monde qui n’est peuplé que de peluches et de figurines de plomb ».
Il nous rappelle encore que déjà la sortie de l’album fut entourée d’une sacrée opération de comm’. Un acteur avait joué le départ de Tintin au Congo. Un autre joua son retour, ancrant encore une fois l’histoire dans le temps : Tintin est de retour en Belgique le 9 juillet 1931 en fin d’après-midi.

On peut longtemps disserter sur Tintin au Congo. Néanmoins l’essentiel de cette analyse potentielle n’a plus sa place dans des livres lambda ou des sites internet X ou Y mais au sein des Tintin au Congo eux-mêmes.
Tintin au Congo est à lire, à lire comme un document, à lire comme un document daté.
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