| « Dans ma tête, sous ma peau, au bout de mes doigts, des griffes, de la chair des gens que j’ai mangés, des familles, des tribus. Cette meute-là, c’est la mienne. Mal rangée, bordélique ; leurs ombres me couvrent, les souvenirs inconnus se révèlent à mes sœurs, leurs masques et mes enfants enfermés.
Ils me traînent, pour me débarrasser de mes humeurs. Les morceaux d’esprit frais se dissipent sur le chemin, ils attendent dans les recoins pour m’emprisonner avec leurs épingles.
Dans ce livre, la jeune fille cherche ses vieux fils, la femme pleure de la main du soldat qui ne lui répond pas, l’homme dit qu’il ne faut pas laisser tomber les larmes, ça l’attire, et la danseuse sait que de l’autre côté de la terre, le temps passe à l’envers.
Ils mettent leurs masques et montent sur scène, disent ce qu’ils croient être leur texte, oublient leur liberté et disparaissent. Encore qu’à l’acte suivant, il est bien possible qu’on les retrouve, naïfs, tendres et juteux.
Plus petite, je jouais au Grimja nori : dès que le loup marche sur ton ombre ou la traverse, tu es pris. Dans une maison, sous un abri, il n’y a plus d’ombre, alors tu peux te mettre en sécurité. Mais tu ne joues plus. »
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