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| Un « honnête » conseil juridique, Griffu ? Peut-être, mais à sa manière alors. Parce que quand une nana lui demande d'entrer par effraction à la société Morel Frères afin de récupérer des dossiers « personnels », notre honnête homme n'hésite pas une seconde et fonce. Sauf qu'il se retrouve coincé dans les bureaux comme un renard au fond du puits, la belle s'étant fait la belle après avoir récupéré ce qu'elle était venue chercher. Et ça ne va pas s'arranger avec Griffu. Après un passage à tabac en règle et quelques gnons en plus, il va se retrouver poursuivi d'une part par les frères Morel, d'autre part par la clique du député Archimboult et enfin par les gardes du corps de Pâquerette Dupont, propriétaire d'une boîte de nuit, le Zig-Zig.
Réédité en 1982 par Dargaud et depuis 1996, par Casterman |
  thierry
| Du polar noir, très noir.
Selon Manchette, dans une série noire, tous les personnages sont des salopards.
A commencer par son « héros », un « honnête » conseil juridique répondant au patronyme de Griffu. Quand une jeune fille plutôt charmante lui demande de jouer au monte-en-l'air pour récupérer des fichiers qui lui auraient été dérobés, il n'hésite pas une seconde. Pas parce qu'il trouve chevaleresque d'aider une demoiselle en détresse, mais parce que l'argent qu'on lui propose suffit à mettre en veilleuse ses scrupules et la prudence la plus élémentaire. Pourtant, cette affaire pue. Lorsqu'il est abandonné par la demoiselle dans les bureaux verrouillés, il réalise qu'il s'est peut-être fait avoir. Un passage à tabac en règle par les propriétaires du bureau qu'il a cambriolé plus tard, Griffu est bien décidé à faire toute la lumière sur cette affaire et se met en chasse. Dans son sillage, il traîne comme autant de casseroles les hommes de main d'une société de construction pas nette, les employés d'un député pas très recommandable et les gardes du corps de la propriétaire d'une boîte de nuit plutôt glauque. Si vous ajoutez à tout cela un flic ripoux, des journalistes libertaires et une gamine trop délurée pour être honnête, il ne fait pas être devin pour comprendre que Griffu a sauté à pieds joints dans un sacré tas de merde.
Chez Manchette, la série noire se veut en phase avec la société. Elle en suit le pouls. Et si les séries noires sont à ce point sombres et désabusées, c'est que la société l'est aussi. Griffu nage en eaux troubles, voire carrément dans la vase. Le monde dans lequel il évolue est pourri jusqu'à la moelle. Politicien véreux, policiers corrompus, truands qui dictent leur loi à l'aide d'avocats défendant allègrement l'indéfendable... qu'un conseiller juridique loue ses services comme cambrioleur à la petite semaine et n'hésite pas à dézinguer comme un privé de hard boiled n'est guère surprenant dans un monde pareil.
En fait, Griffu préfigure Sin City à plus d'un titre, mais sans la complaisance froide de Miller. Frank Miller noircit le trait jusqu'à aboutir à un exercice de style impressionnant mais déconnecté de la réalité. Rien de cela dans Griffu. Les décors fourmillent de détails qui confirment le marasme social et économique dans lequel évoluent les personnages. Manchette et Tardi ancrent d'autant mieux leur histoire dans la réalité. Du noir, tellement noir que même le sang devient noir.
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