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| Femme rebelle - L'histoire de Margaret Sanger |
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  Mael
| Auteur phare de l’underground américain des 80’s avec son comics Hate (Haine), Peter Bagge est connu pour son ton rageur et ses idées libertariennes. Le voir défendre le droit à la contraception et l’amour libre n’est donc pas surprenant. Mais qu’il se lance dans la biographie d’une figure du mouvement féministe, la fondatrice du Planning familial Margaret Sanger, étonne un peu plus.
Pourtant, à la lecture il n’y a rien à redire : là où l’auteur nous habituait à une mauvaise foi jubilatoire, il fait preuve d’une rigueur historique appuyée tout en sachant conserver un rythme narratif évitant le pensum. On retrouve en effet son trait sur-expressif, des anecdotes diverses permettant de comprendre certaines contradictions des personnages et de les lier intelligemment entre elles.
Une des forces du livre est de ne pas cacher les failles de Sanger, tout en les mettant en perspective. Ainsi le lecteur contemporain est surpris de la voir avide de gloire, déçu de son opposition à l’avortement ou choqué qu’elle parle devant le « comité femmes » du KKK. Mais la construction permet de la mettre dans un contexte, dans une volonté – que toutes les femmes aient accès à la contraception sans se questionner sur l’idéologie, la couleur, la religion – et une époque. À ce titre, difficile de ne pas être impressionné par le parcours de cette femme libre, qui brave la justice de son époque, lance des revues féministes, parcourt le monde en refusant les carcans sociaux.
Peter Bagge fait un usage intéressant des sources et de la documentation, assumant de fusionner des personnages ou de transformer légèrement des événements pour l‘efficacité et la clarté du récit. Toute modification est cependant expliquée et détaillée dans une longue postface permettant d’aller plus loin et de lever le voile sur quelques doutes. Une construction originale, qui mêle donc rigueur historique et place de l’imagination du lecteur. La couverture en est un bon exemple. Ainsi, elle reproduit une scène mythique où Sanger, invitée à donner une conférence mais interdite de prise de parole par la justice, fait lire son discours à un homme en étant assise bâillonnée à côté. Iconique, la séquence n’est jamais abordée dans le livre, la couverture suffit pour Bagge. Cela résume bien son sens de la synthèse, une qualité indubitable du livre quand tant de biographies se contentent d’aligner des éléments à grands renforts de récitatifs.
Femme Rebelle est une des vraies belles surprises de la rentrée. Publié par Nada, éditeur engagé non spécialisé dans la bande dessinée mais plutôt dans l’histoire et la représentation des luttes, il risque de ne pas croiser spontanément la route des amateurs de BD. Raison de plus pour pousser cet ouvrage inattendu, joliment fabriqué, accompagné de paratextes soignés. |
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