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  rohagus
| Je reste perplexe en refermant cet ouvrage au ton très particulier. Il me semble contenir l'équivalent de deux histoires presque indépendantes, l'une se déroulant pourtant directement dans la continuité de l'autre.
Mais parlons avant tout de sa particularité structurelle : l'album est composé d'un mélange de planches de BD et de pur texte de roman. Leur alternance est variable, avec parfois une dizaine de pages de BD, au dessin très lâché, presque crayonné, et à la mise en page aérée, avec peu de dialogues et donc qui se lisent vite, puis une ou deux pages de roman, puis à nouveau de la BD, avec ici et là des périodes avec moins de texte, et d'autres où le texte est nettement plus présent au détriment du médium BD lui-même. Ce texte n'est pas de la narration, ni un bonus littéraire comme on peut en voir dans certains albums et qu'on peut choisir de lire ou pas : c'est vraiment la continuité de l'histoire et on ne peut pas la comprendre si on ne le lit pas, il fait la liaison entre les pages de BD qu'on vient de lire et les pages de BD qui le suivent. Pourquoi avoir choisi d'inclure autant de texte dans un album BD ? Ce qu'on y lit pourrait pourtant lui aussi être raconté en BD ; même si cela prendrait nettement plus de pages, il serait probablement possible de condenser un peu les dessins pour que ça tienne en un album aussi gros que celui-ci.
Je ne suis pas très amateur de ce genre de mélanges, comme l'offre souvent Posy Simmonds dans ses œuvres par exemple, car je trouve les portions de romans plus ennuyeuses et nécessitant un effort intellectuel différent : je ne cherche pas ça dans une BD.
Quant à l'histoire, elle est vraiment spéciale...
La première grosse moitié de l'album raconte le périple tragique d'un groupe d'enfants désespérés et affamés. Dans un cadre vague mais qui rappelle fortement la crise de 1929 dans le Dust Bowl aux USA. Ils ont fui la ville et leurs parents qui préféraient les tuer que de leur faire subir la famine. Ils suivent un garçon un peu plus âgé, de 15 ans à peine, qui leur promet de trouver une meilleure vie et à manger quand ils atteindront la forêt qui est là bas au loin à plusieurs jours de marche dans le désert.
Rapidement, on constate le côté illuminé de leur meneur qui prend son rôle trop à cœur et impose une loi et des coutumes qui se rapprochent de la Révolution Prolétarienne mâtinée de punitions dignes d'une religion puritaine et autoritaire. Rebellions, soumissions, trahisons et autres fatalités renforcées par le manque de nourriture et d'eau, l'ambiance rappelle immanquablement celle de Sa Majesté des Mouches, en plus tragique.
Puis au bout d'un très long périple, on arrive au bout du chemin pour trouver un lieu qui change alors complètement l'histoire. D'un groupe de protagonistes, on passe alors à un unique personnage principal, et d'un cadre certes vague mais plus ou moins réaliste, on bascule dans une ambiance onirique digne d'un sinistre conte de fées aux accents des Mille et une Nuits de Shéhérazade. Et alors, pour cette seconde moitié d'album, on a l'impression de lire un récit totalement différent, à peine relié au premier par les couteaux que le héros aura gardés de son long périple.
Si cette partie de l'album m'a intrigué, j'ai été frustré par sa fin trop absconse et n'apportant aucune réponse. J'aime les mystères quand ils ont une solution ou qu'on peut au minimum la deviner : ici, je n'ai vraiment pas compris grand chose ni à cette intrigue ni à son message symbolique.
J'ai été plutôt bien transporté par la première partie de cette BD et la tragique errance de ces enfants, tandis qu'à l'inverse j'ai été plutôt déçu par la seconde partie. Mais je salue quand même l'originalité et la personnalité surprenante de cet ouvrage, de sa mise en scène et des idées de leurs auteurs. |
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