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| Bernard Prince a décidé de traverser La Fournaise de Damnés et d'en mener les rescapés vers la mer d'où arrivent les secours. |
  Mr_Switch
| Au début, il y eut Jérémiah. Je n’aimais pas Jérémiah. Hermann dessinait Jérémiah, il partait mal. Ce fut un long début.
Ensuite, il y a eut le bon « Lune de guerre ». Hermann dessinait et gravissait la première marche dans mon estime.
Vinrent « Les Tours de Bois-Maury ». Malgré une appréciation mitigée de la série, le dessinateur continuait sa quête d’affranchissement.
Et dans ce parcours quasi à contre courant chronologique, vient en scène «Bernard Prince» qui décidément me concilie avec Hermann. « Bernard Prince » ou plus précisément ce tome 7, «La fournaise des damnés». Et, hasard du calendrier, alors que la rédaction de cette chronique n’est pas finie, je viens de visiter les Musées imaginaires du CNBDI où les expositions démontrent clairement qu’Hermann est un grand de la ligne « néo-classique ».
C’est pourtant l’envie de découvrir les albums d’aventuriers de Greg scénariste qui m’a poussé à la lecture de ce volume. La pléiade des héros aventuriers imaginée par celui-ci était, en effet, un pan de son oeuvre qui était assez méconnu, trop méconnu à mon goût. Et puis « Bernard Prince », voila un nom énigmatique, si commun et si majestueux à la fois. Imagineriez-vous croiser des « Bernard Prince » à chaque coin de rue ?
Il en existe pourtant…
Néanmoins, je ne peux m’empêcher d’y voir une douce dérision de la part du Greg.
On dit qu’étymologiquement, la symbolique associée à « Bernard » est celle de « l’ours fort ». Notre Bernard Prince serait plutôt une tête de mule ! Ici, l’ours serait, de préférence, mal léché, bourru mais au grand cœur. Ce serait son ami Barney Jordan, archétype du capitaine qui a vécu. C’est lui qui contrebalance le héros, qui apporte l’humour à la série.
Le site officiel d’Hermann nous présente Prince ainsi :
Dans les années 60, avec Bernard Prince, la BD belge allait trouver un héros d'un genre nouveau, décontracté et intelligent. Très longtemps, les héros de BD traditionnelle s'étaient contentés d'être musclés et batailleurs, à quelques exceptions près. Dans les premiers récits, Bernard Prince était un héros à la Valhardi, très sûr de lui. C'est un agent d'Interpol qui mène des enquêtes en France.
Mais quand Tibet (dessinateur de Ric Hochet…) constate le succès grandissant de Bernard Prince, il s'oppose au nouvel inspecteur. Il pose son veto et prétend qu'il n'y a de place que pour un seul inspecteur dans le journal de Tintin. Celui-ci ne peut être, naturellement, que Ric Hochet. Afin de continuer la série, Greg, fait hériter Bernard Prince d'un bateau, le Cormoran et il démissionne d'Interpol.
Il se transforme et évolue pour devenir un mercenaire indépendant qui loue ses services avec une certaine morale. Ses aventures sont dans la pure tradition des films américains d'aventures de la grande époque.
Malheureusement, Bernard Prince est un héros trop parfait. C'est un bellâtre avantageux qui ne montre presque aucune faiblesse. Sur le plan humain, il est pratiquement sous-développé. C'est un héros sans famille, car on ne connaît pratiquement rien de ses origines.
Hermann dit dans une interview : « A l'égard de Bernard Prince, je suis assez partagé. J'aimais son côté clair, très sain, sûr de lui et en même temps je lui trouvais l'air d'une gravure de mode, je le sentais un peu… aseptisé ! »
C’est dans cette configuration que démarre le tome. Nous n’en sommes ici qu’au tome 7, la série n’a pas eu le temps de s’essouffler. Il est indéniable que Prince est une gravure de mode. Il serait très tendance avec ses cheveux blancs, à l’heure actuelle. C’est aussi un parangon de vertu, d’héroïsme. Un des personnages de ce tome nous gratifie d’une petite tirade sur le fait que Prince est un héros, un vrai ! Et l’aspect ironique reprend le dessus. Aseptisé, certes mais avec charme.
Le scénario n’est peut être pas un summum d’originalité. Bernard Prince traverse une île en feu pour sauver les autochtones. Mais sur cette idée simple, Greg bâtit un calvaire palpitant. Il ne s’égare pas ailleurs. Il n’a pas besoin d’énigmes parallèles pour relancer le suspens. Tout est là. Cette île en plein milieu de l’océan est le théâtre d’un huis clos, un huis clos sur plusieurs hectares. Greg est un magicien, Hermann, une baguette de premier ordre.
Ainsi, il n’y a pas de méchants dans cette histoire. C’est sûrement en cela que le tome tire toute sa force.
Il n’y a pas de méchants ou alors la Nature en Feu. Mais une Nature ni gentille ni ignominieuse. Une implacable Nature qui sonne juste. Pour un peu, les flammes nous lécheraient, et nous sentirions l’odeur nauséabonde de la chair brûlée.
Bernard est donc peut-être un « ours fort » et d’ailleurs il va… recueillir un ourson. Et Prince se prend d’affection pour cette boule de poil. Un touche de douceur dans cette fournaise. Le nuage de lait dans le café noir. Le morceau de sucre qui tue le feu de la harissa. Le … enfin vous avez compris.
Décidément, Greg s’amuse à naviguer en équilibre entre l’aventure superbe et la parodie, sans tomber dans cette dernière, mais avec un évident humeur pince-sans-rire. Notre héros part sauver, à travers des kilomètres de brasiers, 300 personnes, à pied, au pas de course…
… et s’entiche d’un p’tit ours…
A propos d’humour, la planche ci-jointe est un modèle du genre dans « l’ironie du sort ». Greg multiplie les allusions ironiques dans l’album qui pour autant reste la transcription d’une folle aventure.
Du coté dessin, Hermann est visiblement à l’aise. Le dessinateur dit ne pas beaucoup aimer le personnage de Djinn, et dans ce tome, celui-ci n’est que peu présent. L’album est profusion de décors. C’est fou le nombre de décors différents sur une petite île en feu. Hermann excelle dans les décors et on déguste. En fait, je dois préférer le dessin d’Hermann dans ce genre de ligne qu’en couleur directe.
Des dessins magnifiques, un scénario très bon. Un savant dosage d’Aventure, d’Humanité et d’Humour. Une osmose entre les 2 auteurs. Et au final, un lecteur qui se délecte sur l’heure … |
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