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| "Bandonéon", c'est, entre autres, le récit de la destinée d'Horacio, enfant prodige au piano, fasciné par les musiciens de tango, devenu ce jeune homme doué, prêt à tout pour devenir l'égal des notables viveurs dont il envie l'aisance. Il ne reculera devant aucune compromission pour arriver, enfin, même si pour cela il lui faudra se renier soi-même et s'en mordre les doigts quand l'illusion se sera dissipée, et que la vie aura filé... Mais "Bandonéon", c'est aussi le récit, par Jorge Gonzalez, de son retour en Argentine, le temps de rendre visite à ses amis et sa famille. L'occasion d'une plongée introspective dans ce que créer, être argentin, aimer le tango, partir et revenir veulent dire. |
  rohagus
| Bandonéon se présente sous un format intéressant, album cartonné de 200 pages au format légèrement réduit dont l'allure n'est pas sans rappeler certaines parutions Futuropolis. C'est en tout cas une jolie édition qui convient bien à ce roman graphique.
Les planches sont dotées d'une esthétique particulière. Le trait au crayonné très présent de Jorge González s'accorde joliment avec les encres marron qui teintent les pages. Si certaines cases présentent un aspect un peu trop lâché, trop proche du croquis pour satisfaire tout le monde, d'autres compositions ne manquent vraiment pas de beauté et de pouvoir évocateur.
A noter également quelques originalités de mise en page aussi surprenantes qu'efficaces, comme par exemple cette page représentant avec force la monotonie d'une vie quotidienne répétitive.
Le récit est empli de sincérité et d'un réel désir de transmettre une âme et des émotions. Il s'agit de rendre hommage à la culture d'un pays, l'Argentine, en abordant le sujet de ses immigrés, du tango issu des bas-fonds miséreux et de tout l'état d'esprit artistique et populaire qu'il symbolise.
La lecture n'est cependant pas toujours aisée. Outre quelques passages qui manquent de clarté, on se perd un peu dans les lieux et les époques. Cela commence dès les premières pages où la narration trompe le lecteur inattentif en l'obligeant à se demander si le récit se déroule en Argentine ou en Italie.
Le traitement est également assez spécial. Le premier chapitre prend pour sujet principal un personnage original et attachant, le "Gordo", mais c'est pour mieux le lâcher purement et simplement par la suite. Il y a de quoi être frustré.
On comprend évidemment qu'il passe le relais au jeune Horacio mais celui-là se révèle nettement moins charismatique. Entre son comportement distant et la narration elliptique, il n'est pas évident de s'attacher aux sentiments qu'il est censé nous faire partager.
Il se dégage pourtant de cette lecture de beaux passages, certaines fulgurances qui permettent de ressentir une part de l'âme Argentine. Et la lecture de la dernière phrase du père d'Horacio, dans la conclusion en guise de flash-back récurrent, est assez forte et révélatrice de la façon dont son fils s'est finalement éloigné de l'âme du Tango et de ses origines.
A noter deux particularités importantes concernant cet album.
D'une part, il est possible voire recommandé de le lire tout en écoutant la bande son évidemment tango créée spécialement par Marcel Mercadante et téléchargeable sur internet. C'est une musique assez triste et lancinante qui colle parfaitement à l'ambiance du scénario et y rajoute une part de profondeur d'âme.
D'autre part, le récit de Bandonéon se termine aux trois-quarts de l'album. Le reste des pages est un récit autobiographique de l'auteur Jorge González prenant du recul pour expliquer les raisons de la création de cette oeuvre, son rapport vis-à-vis de son pays d'origine, l'Argentine, et d'une population à laquelle il sent à la fois intégré et différent. Intéressant mais parfois un peu pénible à lire sur la forme.
Je ressors de cette lecture avec une impression mitigée.
J'y salue l'hommage et l'authenticité de son esprit. J'ai été touché par certains moments forts, la beauté de beaucoup de ses planches et les implications émotionnelles de certains dialogues.
Je regrette cependant le manque de clarté de la narration, les ellipses un peu trop appuyées et le sentiment de n'avoir pas pu profiter correctement des personnages, le plus attachant étant abandonné avant d'en savoir plus sur lui tandis que le personnage principal reste trop distant par rapport au lecteur.
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