|
| |
|
|
|
|
| Kei a grandi en France, partagée entre deux cultures : les dim sum et le camembert, la fête de la Lune et l’Épiphanie, le baume du tigre
et l’eau bénite... La vie n’est pas toujours simple pour une petite Chinoise à Paris, mais peu à peu elle se forge une identité faite de ces références multiples. Aujourd’hui, Kei revendique son métissage culturel et assume joyeusement l’étiquette de banane, jaune à l’extérieur et blanche à l’intérieur... |
  herbv
| Kei est une Chinoise de Hong-Kong, arrivée à Paris à l’âge de 5 ans, sur un coup de tête de son père, artiste peintre vivant à Montmartre (la rue, pas la butte), qui avait décidé de procéder à une sorte de regroupement familial sans en parler à quiconque. Ses débuts en France ne sont pas faciles : le dépaysement est total entre Hong-Kong qualifiée de New-York de la Chine du fait de sa frénésie et de ses gratte-ciels et Paris, la ville musée fantasmée par des millions d’Asiatiques. Ajoutez à cela une méconnaissance totale de la langue et de la culture locale, sans oublier des conditions de vie précaires : il n’y aucun doute qu’un futur sombre attend notre petite immigrée, à moins que le stéréotype de la jeune Chinoise travailleuse se révèle être une fois de plus autre chose qu’un cliché. Après tout, dans le monde de la BD, Xu Ge Fei a montré que c’était possible quand on croit en soi et qu’on refuse les limites imposées par la société !
Banana Girl est le premier livre de Kei Lam dans lequel elle raconte son arrivée en France et ses premières années à Paris, si cruciales pour une intégration réussie. Après une rapide présentation de son père, des raisons qui l’ont amenée à devenir française, l’auteure se rappelle dans un joyeux mélange ses premières rencontres, notamment celles faites à l’école. Puis, petit à petit, ses propos vont jusqu’à évoquer ses premiers questionnements sur sa famille, sur sa langue et sa culture. Elle conclut sur la naissance d’une vocation. La lecture des presque 180 pages proposées est un bonheur pour qui s’intéresse à la Chine et à ses habitants. En effet, il est toujours intéressant et instructif de voir comment une identité multiculturelle peut se construire chez une personne, surtout lorsqu’il y a déracinement. Être une immigrée n’est pas être fille d’immigrés !
Notons qu’il ne s’agit pas là d’une bande dessinée autobiographique. Pourtant, la communication de l’éditeur présente l’œuvre comme un roman graphique. Graphique, elle l’est, sans conteste. Kei Lam montre son aisance stylistique : Il y a tout d’abord ses souvenirs dessinés de façon faussement naïve, avec un trait simple en N&B qui n’est pas sans rappeler la mode lancée par Marjane Satrapi avec Persepolis. Régulièrement, de superbes illustrations en couleurs issues d’aplats sans contour ponctuent les propos de l’auteure et leur donne une dimension plus poétique, onirique, artistique. Enfin, ses dessins techniques ou ses caricatures montrent sa maîtrise d’autres registres. Il faut dire que Kei Lam a une double formation, à la fois technique (École des ingénieurs de la ville de Paris) et artistique (École de Condé), ce qui en fait un profil assez rare dans le monde de la bande dessinée.
Roman, Banana Girl ne l’est pas : nous sommes en présence de propos illustrés, un peu comme avec Notre histoire de Rao Pingru qui revenait sur la vie de l’auteur en mélangeant aquarelles autodidactes et écriture. Dans le présent ouvrage, la bande dessinée se limite techniquement à quelques planches de dialogues sans cases entre différents personnages. Le reste du temps, il s’agit de causeries sans fil bien défini. Pourtant, cela fonctionne, et très bien, même. Les propos, sous l’abord de remarques d'une petite fille, posent de nombreuses questions sur l’identité, l’intégration, les différences de cultures, de nourritures, etc. Le problème de l’assimilation et de la perte de sa culture d’origine est sous-jacente aux propos de Kei Lam, surtout dans la seconde partie. Il ne s’agit donc pas là d’un simple carnet illustré mais bel et bien d’un travail en profondeur. Magistral, surtout pour des débuts ! |
|
|
|
|
|
| |
| |