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| Chunky la tortue et son amie Dandel partent en vélo passer la nuit au bord de la mer. Ce sera leur dernier moment ensemble. Chunky veut quitter la ville, où il se sent à l'étroit. Dandel ne l'empêchera pas de partir, même si cela la rend très triste. Le jour venu, Chunky embarque sur un bateau, et découvre que voyager n'est pas forcément merveilleux ! Dandel, elle, retourne sur les lieux où elle a vécu tant de bons moments avec son ami... |
  thierry
| Premier effort de Craig Thompson, et une impression un peu étrange.
Adieu Chunky Rice est une histoire qui traite de la séparation, de la solitude, de la perte. Chunky (une tortue mâle) n'en peut plus de la petite ville portuaire où il vit. Il doit s'en aller, même si cela signifie de laisser derrière lui son amie Dandel, la souris. Seulement, le voyage ne se révèle pas être une expérience aussi grisante qu'il l'avait cru. Il est contraint d'abandonner plus qu'il n'aurait voulu et se retrouve bien seul. Dandel, elle, s'accroche à ses derniers souvenirs et tente de maintenir, au moins pour elle-même, le lien qui l'unissait à son ami.
Pour traiter d'un sujet grave, et qu'on devine intime (je ne serais pas surpris qu'il s'agisse d'un récit « à clé » renvoyant sa propre vie), Craig Thompson opte pour un style « naïf », mais tempéré d'une certaine noirceur... La ville est pauvre et sale. Si tous les personnages secondaires sont humains, Chunky et Dandel sont des animaux humanisés, étrangement intégrés à leur environnement. Ils sont plus petits que les hommes, ce qui les identifie intuitivement comme des enfants. Paradoxalement, ils apparaissent pourtant comme les seuls personnages « normaux » de cette histoire. Le colocataire est simplet et les passagers du bateau sont des sœurs siamoises.
Seul le capitaine possède une certaine normalité. Mais il joue avant tout un rôle symbolique fort. Il est le passeur. Il fait perdre ses illusions à Chunky en le dépouillant de ces souvenirs d'enfance sur les quais. Puis, il l'exploite en le faisant travailler gratuitement sur le bateau. Mais…, mais il l'instruit aussi en partageant des histoires de sa vie, ce qui fait qu'il n'est finalement plus aussi négatif à la fin de l'histoire qu'il en avait l'air.
Vers quelle destination vogue Chunky ? Il semble évident qu'il quitte l'enfance pour devenir adulte. En mettant en exergue Chunky dans le titre au lieu de Dandel, Craig Thompson prend clairement parti. Dandel perd Chunky, qui veut grandir. Le coloc’ de Chunky, qui est resté un enfant intellectuellement est aussi le seul qui semble atteindre une certaine forme de bonheur à la fin du livre.
Sous cette optique, le capitaine apparaît aussi comme le seul adulte « accompli ». Il est menteur, profiteur, chargé d'amertume et plein de regrets... Thompson n'en fait pas exactement un bon ambassadeur de la vie d'adulte.
La dernière case, tout en symbole, renvoie Chunky aux petits rites qu'il partageait avec Dandel, insistant sur un manque, une perte qui le retient...
L'enfance se termine, et sous les crayons de Thompson, cela se traduit par une petite tragédie, un déchirement entre deux êtres. La vision est romantique et simpliste, mais il faut reconnaître que ce livre fonctionne malgré tout, parce qu'en restant dans l'allusif, il reste dans le champ de la fable. On ne peut jamais définir si Dandel et Chunky sont amis ou amants, entre autres parce que leur âge est indéfini... ils étaient des enfants, et quand l'un d'eux ne l'est plus, de sa propre volonté et parce que c'est ainsi que les choses se passent, une distance s'installe entre eux. Dandel rejoindra-t-elle Chunky ? A moins que Chunky ne rebrousse chemin pour retrouver Dandel ? Se retrouveront-ils un jour au gré des aléas de la vie ? Leurs chemins se sont-ils à jamais séparés ? Thompson ne répond pas. Au lecteur de répondre.
Style naïf, ai-je dit, mais aussi sincère, ce qui rend ce livre touchant malgré certains défauts. Adieu Chunky Rice est un livre émouvant, toujours à deux doigts d'agacer, parce que trop tourné vers l'émotion simple. Thompson paraît dans un trip un peu régressif selon lequel quitter l'enfance est automatiquement un déchirement. Cette vision est simpliste et empreinte d'un romantisme adolescent. Mais, encore une fois, la sincérité de son propos permet de passer cet écueil pour profiter d'un joli livre, à défaut d'être exceptionnel.
Malheureusement, une fois transposée dans la réalité, cette sensibilité peut passer pour de la sensiblerie, et c'est ce qui a causé quelques échanges vifs à propos de Blankets, à mon avis.
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