|
| |
|
|
|
|
| Patrick a 40 ans et est plutôt content de lui. Mais Patrick a eu 17 ans. Et à cet âge on a de grands principes qu'on se refuse de voir sacrifiés. C'est pourquoi le jeune adulte a écrit à l'homme qu'il allait devenir, une lettre lui rappelant qui il était. Le quadragénaire doit alors subir le bilan de sa vie et le jugement implacable d'une jeunesse passionnée et dogmatique. |
  Fufu
| Quand on lit un premier album, on en sort le plus souvent avec l'indulgence du travail honnête mais comportant des faiblesses, quand ce n'est pas la condamnation pure et simple vis à vis d'un travail raté. Mais il arrive parfois, par un de ces petits miracles trop rares, qu'on tombe sur une perle fraichement découverte. Ce "A la lettre près" est de ceux-ci.
Cet album est tout simplement intelligent, pour ne pas dire brillant. Il nous emmène dans les souvenirs à rebours d'un homme qui s'était oublié. Cyrille Pomès joue entre la représentation et la suggestion pour développer toutes les facettes d'un héros qui n'en est pas un. Les petits souvenirs cruels des principes trahis et des lâchetés quotidiennes s'additionnent, dessinant un portrait que le personnage principal ne peut regarder en face.
Efficace sans tomber dans la facilité, émouvant sans céder au mélo, "A la lettre près" est certainement l'album à découvrir en ce début d'année. En tout cas, il le mérite. |
NDZ
| Bon premier livre pour ce jeune auteur, ce qui est toujours agréable à noter. Ce qui m'a séduit en premier lieu c'est l'atmosphère dégagée par l'adéquation harmonieuse et mystérieuse du dessin (certains personnages semblent être des origamis, avec leurs visages tous plissés de papiers froissés par les échecs et autres rancoeurs) et des couleurs (un vert-gris qui dit très bien ce qu'il dit).
L'histoire est sans trop de surprises mais très efficace dans la mélancolie et le regret (qu'elle souhaitait instaurer ?). La construction du récit, à rebours, demande parfois une certaine concentration (sinon on perd vite le fil) et fait un peu artificielle, mais la dégringolade qui découle de cette froide mécanique n'en est que plus rude.
La psychologie des personnages n'est pas manichéenne et les relations entre eux sont complexes ce qui chasse les stéréotypes habituellement remâchés dans les "BD intimistes sur les 30/40naires" ; le récit s'en trouve donc plus dense et les portraits plus crédibles.
Les chapitres permettront aux lecteurs de tous âges de faire eux aussi une sorte de constat moral de leur propre existence à chaque étape (bilan de nos lâchetés, coups fourrés, réussites - un peu comme dans le Same Difference de Derek Kirk Kim, à lire absolument - en beaucoup plus cruel, cynique et désabusé)... "interactivité" qui permet de noircir encore un peu plus (et de manière personelle) le tableau. |
pessoa
| Une déception.
Une déception, parce qu’il y a derrière cet album la possibilité d’avoir une très belle bande dessinée, mais hélas non.
Le dessin est superbe, esthétiquement remarquable. Peut-être trop, puisque ce qu’on gagne en beauté, on le perd en lisibilité ; d’ailleurs les personnages ne sont pas toujours faciles à reconnaître (je ne suis pas physionomiste, je sais). Résultat, la lecture est ralentie, ça manque de rythme - Jusque-là, ce n’est pas trop grave, après tout ce genre d’histoire ne nécessite pas forcément un tempo haletant.
Reste l’histoire, donc. C’est un homme de 40 ans qui relit la lettre qu’il s’était écrit à 17. Fait le point sur ses multiples trahisons. Un sujet a priori porteur.
Malheureusement, le trait est forcé. L’adolescent est d’un idéalisme un peu surjoué (fidélité à sa copine, à ses principes…), mais ce n’est rien par rapport à la grossièreté des trahisons à venir. De la « midinette » de 17, le héros se transforme en un type cynique, faisant feu sur tout ce qui bouge (y compris la témoin le jour de son mariage), et qui bien sûr bosse dans une agence de pub. En dehors de ces coups d'éclat, l'histoire ne nous laisse pas grand-chose pour nous tenir en haleine, les personnages secondaires n'ayant guère de caractère.
Bref, on ne s'y reconnaît pas, on n'a pas vraiment l'occasion de s'identifier aux personnages. Et c’est dommage, car il y avait moyen de présenter la même thématique sans en faire des tonnes.
La preuve : cet album ne soutient pas la comparaison avec la même histoire dans les nuits les plus blanches (Monsieur Jean tome 2). C’est la finesse dans le traitement qui fait la différence.
Au bilan, le bénéfice du doute pour Cyrille Pomès dont j’attends qu’il creuse un peu son sillon.
|
bipbapeudouwap
| D'abord feuilletée, la bd semble un plaisir à venir de par un graphisme accrocheur et épuré. La sobriété du camailleu et les décors efficaces quoiqu'un peu dilués apportent à l'atmosphère cette demie teinte, ce parfum de mélancolie que l'on peut prêter aussi aux regrets. Une sorte de vague à l'ame évanescent malgré tout derrière un texte certes très vivant mais appuyé sur un cynisme et une ironie désenchantée.
Oui, il l'a réalisé en partie, son rêve puisque sa Bd a été éditée et bravo alors... Mais les contradictions et cette trame en filigrane de reflexions existencialistes et un peu clichées baignant dans des fonds d'alcool évoquent l'éternel mythe de l'artiste maudit, en quête d'un idéal qu'il fuit à la fois et dont l'un des fantasmes serait le retour de l'absynthe dans le commerce. La fée verte assise sur le zinc les jambes écartées, vendeuse d'émotions fantasques et magiques puisqu'elle est fée. L'homme à femmes qui subit et assume son propre piège. Sujet connu qui a trouvé un nouveau candidat pour le mettre en images et en mots.
La structure du scénario est tout à fait judicieuse, on boucle la boucle avec le petit espoir que ce bon Patrick pas si brave mais fier et honnète au moins s'en remète peut être à ses ambitions premières, des idées pures qui induisent ce qu'il craint le plus (enfin de là à dire que l'on s'identifie...). Cela cache-t-il une volonté de s'améliorer ? ... tout du moins pour la cinquantaine à venir.
Ce à quoi on en vient après lecture c'est à se demander qui est ce mec derrière les dessins et l'écriture d'un texte aux airs autobiographiques, mais dont l'honnèteté ne peut être une fin en soi. On constate que la maturité n'est pas encore tout à fait de mise. Là où se place un soupçon de frustration c'est dans l'impasse psychologique dans laquelle a avancé le personnage, son brillant et productif pessimisme ne donne pas d'autre ouverture que le constat qu'on se fait d'entrée de jeu dans le rapport entre ce qu'il est devenu et sa vieille lettre pleine d'idéaux.
Mais comme les dessins sont bons et le scénario bien ficelé, tout cela se lit tout seul après à nous de juger ou justement de ne pas juger. De se juger ou de ne pas se juger. La forme est interessante, le fond un peu décevant.
|
|
|
|
|
|
| |
| |