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© Delcourt

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3″
ScénarioMathieu Marc-Antoine
DessinMathieu Marc-Antoine
CouleursNoir et Blanc
Année2011
EditeurDelcourt
CollectionHors Collection
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

3 secondes, le temps pour la lumière de parcourir 900 000 kilomètres, le temps d'un coup de feu, d'une larme, d'un SMS, d'une explosion... Observer les détails, enquêter d'une scène à l'autre permet de reconstituer les angles morts et de récolter les indices sur ce qui relie les personnages et les motive. Affaires, crimes, complot... À chacun de se faire sa propre idée. Bonne investigation.

 

2 avis

DHT
Quand un texte explicatif introduit un livre, en l'occurrence une bande dessinée, le lecteur a le choix entre s'y conformer, à la manière d'un mode d'emploi suivi à la lettre, et passer outre. Considérant que ledit texte, qui tient aussi bien du paratexte que de l'œuvre elle-même, entend orienter la lecture dans une certaine direction, la question se pose de savoir, après une première lecture, si l'orientation ainsi donnée au départ se révèle, à l'arrivée, en adéquation nécessaire avec le corps de l'œuvre à proprement parler.

Dans le cas présent, plus d'un élément permet d'en douter. En règle générale, il convient de distinguer l'interprétation que présente une telle notice, des autres interprétations possibles à la lecture et à la relecture. Malgré l'argument d'autorité, appuyé par la force du verbe, les quelques lignes censées apporter un éclairage sur un album dominé par l'« image visuelle », se révèlent parfois sous le jour d'une simple représentation a priori ou a posteriori. La narratologie structuraliste pensait la critique littéraire comme un prolongement de l'œuvre. Il faut envisager dans cet avertissement l'éventualité d'un embryon critique. Or toute critique est discutable, y compris le présent avis, dans la mesure où elle se situe, en tant que prolongement, dans l'extériorité de l'oeuvre, dans sa périphérie.

« Cet ouvrage se propose de relater la trajectoire de la lumière », mais le lecteur n'a aucune idée de cette trajectoire : à supposer que cette lumière soit une, sa source n'apparaît pas. Une lampe allumée au-dessus d'un visage, dans la deuxième planche, suffirait à démentir ce constat, sauf que la lumière émise par une petite ampoule électrique ne pourrait affirmer de trajectoire visible jusqu'aux lointains satellites quelques quarante pages plus loin. Le lecteur n'a aucune idée de cette trajectoire : à supposer que cette lumière soit une, la séquence graphique, et donc la fragmentation visuelle, empêche toute perception globale du parcours de la lumière. Aucune case ne permet d'embrasser d'un seul regard toute la distance d'un segment qui demeure invisible. Le point A et le point B restent des inconnues. L'espace de la bande dessinée est un espace elliptique, brisé, nourri de ruptures et de non-dits. Le lecteur n'a aucune idée de cette trajectoire: à supposer que cette lumière soit une, une telle supposition se heurte à l'obstacle des sources multiples que sont les lumières de la ville, les lumières des étoiles et la lumière du Soleil qui éclaire la Lune. C'est la nuit.

« Dans une petite portion d'espace-temps », c'est relatif. En l'absence d'autre précision d'ordre intrinsèque et qualitatif, rien n'est jamais petit ou grand sinon par rapport à autre chose : petit dans l'univers, grand si l’on glisse progressivement d'un œil effrayé à la face impassible de la Lune. «Les 3 secondes qui la constituent forment un récit très court», c'est sans compter la différence qui existe entre le temps et la durée, entre d'une part la mesure qui sépare deux instants, et d'autre part la perception de cette mesure selon la position occupée par l'observateur dans l'espace, compte tenu de la vitesse à laquelle il se déplace. Dans la ligne droite de l'Univers, au plus proche de la lumière, là où le temps se raccourcit et s'écoule donc plus lentement, trois secondes équivalent à trois minutes, trois heures, trois jours, trois semaines, trois mois, trois ans voire plus dans la courbure de l'Univers, au plus loin de la lumière, là où le temps s'allonge et s'écoule donc plus vite.

Le spectateur, le lecteur, qui se croyait face au ralenti naturel d'une séquence présentée comme brève, en prise directe avec le vif du sujet dans une décomposition soumise aux lois de la physique, ne contemple peut-être rien d'autre qu'une succession d'arrêts sur image par le truchement d'une caméra numérique dont la bande dessinée serait la représentation fictionnelle. Or, quand on s'arrête sur une image, on peut s'y arrêter plus ou moins longtemps face à un sujet dont la durée devient elle-même plus ou moins longue. L'homogénéité du découpage graphique, à raison de trois fois trois cases de dimensions égales sur l'ensemble des soixante-six planches plus une planche de conclusion, entretient certes l'illusion que chaque case représente un fragment de durée (mais au fond, la durée n'a pas de fragment) équivalente à celle de chacune des autres cases, appelant à une durée d'attention équivalente pour chaque arrêt sur image opéré par l'investigateur, néanmoins l'attention mobilisée par certains détails en particulier pour des raisons diverses, ainsi que la différence de nature, d'une case à l'autre, entre ces détails qui se suivent sans toujours se ressembler, contribuent également à remettre en cause toute perception homogène de l'espace, du temps, de la vitesse, de l'arrêt, de la matière vivante ou morte qui se déploie entre ces paramètres.

Ce que la bande dessinée permet de souligner, c'est le paradoxe de la coexistence entre l'enchaînement chronologique et la simultanéité, entre le temporel et l'atemporel, entre l'instant et la durée. Somme toute, c'est une évidence : à échelle humaine du temps et de l'espace, tels qu'ils sont vécus par le commun des mortels, l'arrêt sur image d'une balle en train de sortir de son révolver (planche 34) induit une temporalité forcément plus brève que celle, par exemple, de la Terre observée depuis l'espace (planche 50). Comme le blanc et le noir, comme la vie et la mort, comme la lumière et l'ombre, comme la perfection formelle de l'itération iconique vue de loin et la matérialité vibrante des contours vus de près (observer l'évolution du trait en planche 2), comme la rigidité monumentale d'un gratte-ciel d'où un sniper s'applique à verrouiller sa cible (planche 36) et l'écoulement éphémère de quelques gouttes de sueur sur le visage du passager d'un avion (planche 18), comme la fermeture parfaitement illimitée de deux miroirs qui se font face (planche 66) et l'ouverture imparfaitement limitée d'un nuage dans le ciel nocturne (planche 51), deux types d'images se complètent et s'équilibrent pour aboutir à ce chef d'oeuvre de pensée, d'esthétique, d'art pictural et séquentiel et, pour ne pas donner entièrement tort aux quelques lignes d'introduction, de polar ludique et interactif que constitue « 3 secondes » : les images qui projettent le spectateur dans l'instant fugace, et celles qui lui laissent entrevoir, dans une perception tantôt angoissante, tantôt apaisée, le visage de l'éternité, la condition métaphysique sous-jacente à la condition humaine ; surtout, le langage de l'image plus fort que celui des mots.

Le lecteur a le choix : considérer que le plus important est de décoder les énigmes, ou que l'essentiel est ailleurs, ou encore de laisser cette question ouverte. « A chacun de se faire sa propre idée ». Là, entièrement d'accord.
Cellophane
Alors, l'idée des zooms est amusante. Mais surtout, elle est excellemment bien traitée !!

Un livre qui ne cesse de zoomer tout en passant par un appartement, un stade, la rue, la lune... On se demande sans cesse jusqu'où il ira !

Mais (outre que c'est superbement fait avec les inversions parfaitement réfléchie), ça raconte une histoire ! Que l'on suit au travers de tous ces voyages ! Plein de petits détails ici et là, une magnifique réalisation !
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