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© Delcourt

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Mémoire Morte
ScénarioMathieu Marc-Antoine
DessinMathieu Marc-Antoine
CouleursNoir et Blanc
Année2000
EditeurDelcourt
CollectionHors Collection
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

Dans une cité aux dimensions infinies, l'information en temps réel et l'image sont reines. Un ordinateur, le ROM, recueille les faits et gestes de chacun et les mémorisent, déchargeant ainsi la population d'un effort pourtant salutaire. En effet, les habitants de cette cité ne recherchent plus que l'immédiat. En rétrécissant leur espace temporel, ils se créent de nouvelles frontières, symbolisées par ces murs qui peu à peu asphyxient la ville. De plus, à toujours vivre au présent, ils en viennent à tout oublier, jusqu'à leur propre langue.

 

3 avis

MR_Claude
J'ai commencé la découverte de Marc-Antoine Mathieu par cet album-là, sans rien connaître de l'auteur et de sa réputation d'expérimentateur graphique.
Moi qui aime bien les ambiances étranges, déstabilisantes, j'ai été servi! On est projeté dans une cité infinie, surpeuplée, où les citoyens sont consultés, informés/"publicités" en temps réel sur des boitiers électroniques qui règlent leur vie dans les moindre détails (et surtout dans les détails d'ailleurs). On y suit Firmin Houffe, employé au cadastre (dans une ville infinie, bonjour le travail!), qui va être chargé de faire face à un phénomène anormal: des murs poussent la nuit dans certaines rues. Dans cette cité où l'ordre est à la fois essentiel et dérisoire, on comprend qu'il s'agit là d'un évènement majeur dont l'anarchie est profondément déstabilisatrice et peut faire tomber la ville entière...
Les niveaux de lecture de cet album sont particulièrement nombreux et denses. Société ultra-urbanisée, perte progressive de la capacité à communiquer, dépendance accrue à l'ordinateur, intelligence artificielle, tous ces thèmes sont liés et s'entrechoquent dans une vision plutôt noire de ce qui finalement est bien plus proche de notre monde qu'il n'y paraît.
Cet album regorge de trouvailles scénaristiques et graphiques (analogie entre carte électronique et plan de la ville), l'auteur joue avec les perspectives, les références, et joue avec ses personnages qui se débattent dans ce monde qu'ils ne comprennent pas, entre rationalité et agitation dérisoire. Le tout dans un dessin en noir et blanc sans contrastes, avec de grands aplats de noir, noir comme le fond de l'histoire finalement avec son ironie au second degré mais bien mordante et affutée, contribuant à donner une atmosphère étrange; et un travail sur la géométrie et l'exubérance de la ville très impressionant. Une vraie découverte!
mere-teresa
Relisant cet album, que j'ai acheté à cause du titre qui me rappelait l'informatique, je retrouve ce que j'aime chez Marc Antoine Mathieu, le dessin noir et blanc, les cases pleines de ces personnages massifs, et la foule !
Mémoire morte aborde la thématique de 1984, Ubik et autres Big Brothers : une machine omnisciente qui gouverne un peuple. Or la machine raconte le passé.
Chacun est relié par un terminal qui rappelle les nouveaux téléphones mobiles au grand tout, l'information est redondante, la communication constante, et la mémoire déléguée aux machines car les humains ont à faire des choses plus importantes.
Pour moi cet album est de plus en plus d'actualité, et aborde des questions éthiques, philosophiques et cybernétiques éternelles depuis le premier robot d'Asimov.
Thierry
La sagesse a été remplacée par la connaissance. la connaissance a été remplacée par l'information. Cette phrase, que j'ai lu dernièrement, illustre parfaitement le propos que développe Marc-Antoine Mathieu dans "Mémoire Morte".
En effet, nous vivons dans la société dite "de l'information". Les "autoroutes de l'information" enserrent le monde en un filet invisible. On invoque sans cesse le droit à l'information, l'élevant quasiment au rang de religion. Mais n'est-ce pas oublier que l'information n'est qu'un moyen, et pas une finalité ?
Marc-Antoine Mathieu imagine une Cité tentaculaire, où tout est contrôlé, mesuré, audité, classé, archivé. En ouverture, deux hommes échafaudent des théories stériles sur la forme de la Cité, tandis que Firmin Houffe, fonctionnaire, construit un château de cartes, édifice fragile s'il en est. Un souffle suffit a l'abattre. A l'instar d'un château de carte, l'équilibre de la Cité repose sur son absolue régularité. Sa gestion repose sur l'analyse scientifique. Toute décision se doit d'être mûrement réfléchie, étayée par de nombreuses études et observations. Mais une nuit, un mur surgit dans la ville, sans doute érigé suite à des problèmes de voisinage. Ce mur échappe à toute classification, il ne sert a rien. Au contraire, il représente une entrave au bon fonctionnement de la ville. Une décision doit être prise, mais le gouvernement s'en révèle incapable, préférant mandater une commission d'observateurs. Mais tandis que les rouages de l'administration se mettent lentement en mouvement, un nouveau mur est érigé, suivi d'un autre... Chaque matin, la Cité apparaît plus cloisonnée. Les rues deviennent impasses, les impasses, des cours intérieures. Et tandis que la ville se sclérose, les gens perdent progressivement la mémoire.
MAM construit son récit comme un compte-a-rebours, ce qui renforce l'inexorabilité de sa fable. L'excès d'information tue l'imagination. Dénuée de toute interprétation, elle mène à l'abrutissement et au repli sur soi. Le propos de MAM est très sombre et ne laisse guère de place à l'optimisme. Même si la démonstration parait parfois trop édifiante, elle force à la réflexion.
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