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© Futuropolis

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L'Accablante Apathie des Dimanches à Rosbif
ScénarioLarher Gilles
DessinVassant Sébastien
CouleursNoir et Blanc
Année2008
EditeurFuturopolis
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

Bien qu’il soit légèrement narcissique, parfois cynique et franchement séducteur, Brice Fourrastier est adulé des foules. Son spectacle « L’accablante apathie des dimanches à rosbif » triomphe sur les scènes de France.

La quarantaine venu, Brice termine la tournée de son spectacle avant de prendre une ou deux années studieuses pour écrire son prochain spectacle. Histoire de se ressourcer, et peut-être aussi, qui sait, enfin trouver l’âme sœur. Car, si son sketch le plus célèbre s’intitule « Le grand secret des femmes ! », il semble bien qu’il n’est pas encore percé celui qui consiste à établir une relation durable (mais en a-t-il vraiment envie ?).

La vie de Brice Fourrastier va basculer d’une façon imprévue. Un cancer le ronge. Il n’a plus que quelques mois à vivre. L’heure est venue pour lui de faire ses adieux. Artiste iconoclaste, il décide d’en faire son dernier spectacle…

 

2 avis

yvan
"L'accablante apathie des dimanches à rosbif" : voilà un titre qui n’est pas vraiment alléchant, mais qui est suffisamment intriguant pour qu’on ait envie de savoir de quoi ça parle. Et, le moins que l’on puisse dire est que pour son premier album, Gilles Larher a choisi de s’attaquer à un thème difficile à aborder : les derniers instants d’un malade en phase terminale !

Si Charles Masson avait déjà parlé de son quotidien en compagnie de ses gens que la maladie emporte dans "Bonne Santé", Gilles Larher nous invite à en prendre un par la main et à l’accompagner durant les derniers mois de sa vie. Suivre pendant près de 250 pages une personne atteinte du cancer n’a rien de réjouissant, mais en choisissant un comique comme personnage central, Gilles Larher va parvenir à prendre le lecteur à contre-pied de manière assez magistrale. Il réussit ainsi à combiner un ton humoristique à un sujet extrêmement douloureux et dose les deux tellement savamment que le lecteur ne sait parfois plus s’il doit rire ou pleurer. Dans le doute, j’avoue avoir souvent combiné les deux, chose qui ne m’était jamais arrivée en lisant une bande dessinée.

Brice Fourrastier, celui que l’on va enterrer, est une bête de scène, mais également un séducteur invétéré. Après un début d’album qui me laissa légèrement dubitatif, le pouvoir de séduction opéra. Il ne fallut dès lors plus que quelques pages pour que je m’accroche à lui et l’accompagne corps et âme dans cette tournée d’adieu qui l’emmène inéluctablement vers sa dernière révérence. Une ultime tranche de cette vie abruptement écourtée, dont il profite pour informer ses proches et leur faire ses adieux, moi inclus !

Pour un premier album, l’écriture, principalement sous forme de monologue est d’une maestria incroyable. Gilles Larher parvient à mélanger un humour d’une grande finesse qui m’a continuellement fait éclater de rire à des émotions profondes qui m’ont trop souvent fait fondre en larmes.

Dans ses moments où l’on évite d’arborer trop de couleurs, le graphisme noir et blanc de Sébastien Vassant fait également des merveilles et accompagne avec pudeur cette véritable montagne russe de sentiments qui m’aura bouleversé au-delà d’une fin aussi magistrale que le reste de ce chef-d’œuvre. Un one-shot plein d'humour et de finesse qui donne tant de sens à la vie.

"L'accablante apathie des dimanches à rosbif" est ma plus grosse claque depuis la lecture de "Maus : un survivant raconte" ! J’ai relâché cette œuvre totalement vidé. Vidé d’avoir accompagné un mort en sursis durant ses derniers instants, d’avoir pleuré la mort d’un type que je ne connaissais n’y d’Eve ni d’Adam, un type sympa avec qui j’ai passé de bons moments et ai bien rigolé, qui m’a abandonné plein de désarroi au moment de tourner la dernière page.

Salut Brice, ravi de t’avoir connu !
ingweil
Voilà un album qui doit beaucoup au fameux sketch de Desproges sur la mort (« J’ai vu mon médecin ; il m’a dit ‘Putaing ! C’est un cancer !’ ») : un comique apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable et décide d’en faire un sketch.

Si l’idée de départ est intéressante et ouvre de belles perspectives sur les liens entre la mort et l’humour, le traitement est la grande réussite de cette histoire. Mêlant habilement des morceaux des spectacles de l’humoriste, la vie des artistes en perpétuelle tournée (clin d’œil à Tandem de Leconte ?) et la révélation de la maladie, le ton navigue entre humour, autodérision et émotion. On aurait pu craindre que la multiplication des thématiques nuise à l’ensemble du livre, à sa cohérence, mais les auteurs, en prenant le pari de la longueur du livre, contournent aisément l’écueil. Et on salue l’audace qui consiste également à faire jouer un spectacle en bande dessinée.

Comment rendre un spectacle comique en bande dessinée ? Comment retranscrire l’ambiance d’une salle qui se gondole, comment faire fonctionner le comique de situation ? Personnellement, je me suis fait piéger en beauté : au premier abord, j’ai joué les sceptiques (« hinhin le truc trop facile »), mais c’est grâce à l’alternance des scènes, en nous faisant toucher ce qu’est réellement cet humoriste, en lui donnant son épaisseur, en destructurant les spectacles, en lui donnant les échos de la « vraie vie » (le titre de l’album est aussi celui d’un des sketches, qui provient de l’expérience de gamin de l’humoriste) qui nous font croire à une possible biographie, introduisant le ressort comique cher à Desproges (encore lui), celui de l’identification et de l’anecdote. En quelques planches, on est complètement immergé dans la vie de cet homme, permettant ainsi aux auteurs de développer la question de la mort.

La question n’est pas anodine : qui est le plus bouleversé par la mort ? A priori, la réponse est ceux qui restent. Mais les auteurs ne veulent pas d’une réponse simple, on cherche à interroger, à ne pas jouer les bravaches, à englober le plus possible l’humain. Commence alors le pari un peu fou de Fourrastier : faire du bilan de sa vie un sketch pour soutenir ses amis, mais y mettre le moins de cynisme ou d’héroïsme possible. Ceci passe par une mise à plat de son passé, une réconciliation avec ses ennemis, un semblant de psychanalyse de façon à accepter le mieux possible sa mort et surtout à la faire accepter à son entourage.

Si on peut douter du côté réaliste de l’aventure, on ne peut qu’être touché par cette sorte d’adolescent qui n’a pas vieilli, qui persiste dans son fantasme d’assister à son propre enterrement, dans son fantasme de ne pas mourir grâce à son œuvre, pour finalement interroger le statut de l’artiste et ce qu’il en reste, l’amour et ce qu’il en reste. On restera longtemps marqué par les dernières cases de ce très bel hymne à la vie, par ce livre d’une grande profondeur et d’une grande sensibilité. Au final une sacrée réussite !
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