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Viva l'anarchie ! - La rencontre de Durruti et Makhno Dessin et scénario : Loth Bruno Albums indépendants, en cours |
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Volume 1 - 2020 | Volume 2 - 2021 |
  Rohagus
| Même si je ne partage pas l'idéal des anarchistes, j'ai apprécié de découvrir avec cette BD le parcours d'une poignée d'entre eux pendant et après la Première Guerre mondiale en Ukraine, en Espagne et au-delà.
Il s'agit de Nestor Makhno, fils de paysan ukrainien devenu leader d'une armée anarchiste en pleine guerre civile russe, et Buenaventura Durruti, fils d'ouvrier espagnol devenu militant anarchiste et adepte d'actions musclées et autres expropriations des capitalistes. Les deux se sont rencontrés en 1927 en France et ont alors eu l'occasion de partager ensemble le récit de leurs parcours. C'est ce récit, mis sous la forme d'une longue discussion entre les deux hommes et leurs amis et compagnes qu'il nous est donné de lire ici. Chacun d'entre eux alternent une portion de son histoire, avec des commentaires des uns et des autres, et cela nous amène ainsi du début du XXe siècle aux années 1920. Avec le premier, nous sommes témoins du joug des autorités tsaristes puis du difficile parcours d'une tentative de communauté régionale anarchiste prise entre les feux croisés des Russes Blancs et des Bolchéviks tous autant désireux de les voir disparaitre. Avec l'autre, nous allons commencer le parcours en Espagne avec le combat contre le patronat et le gouvernement autoritaire puis partir ensuite vers Cuba et l'Amérique pour poursuivre la lutte et le financement pas vraiment légal de celle-ci.
J'aime bien le graphisme de Bruno Loth au dessin et de son fils à la couleur. J'aime la clarté, la fluidité et le côté avenant du dessin. J'aime aussi la colorisation sobre et élégante. Ce n'est pas techniquement parfait, quelques anatomies au niveau des visages et des mains laissent un peu à désirer, mais c'est globalement du bon boulot et je trouve certaines cases fournies en décors très belles.
Le premier tome est le plus court des deux. Heureusement car c'est le moins engageant : il est assez bavard et présente peu d'action au-delà des discussions des protagonistes autour d'une table. Le second tome est plus conséquent et plonge davantage le lecteur dans le passé mouvementé des personnages, avec beaucoup de scènes dépaysantes et souvent pleines d'action, et pour cause puisque beaucoup se déroulent l'arme au poing durant la guerre civile russe.
Si j'ai apprécié l'aspect instructif de cette lecture, je n'y ai pas totalement adhéré. Je lui reproche son côté manichéen, le discours des protagonistes étant forcément en faveur de gentils anarchistes contre les affreux gouvernements, police et autres armées, communistes inclus. Le recours à l'action violente et à l'assassinat est en outre admis sans aucune hésitation, avec les protagonistes jouant très souvent le rôle de tribunal expéditif du peuple et de bourreau dans la foulée, et leurs compagnons les approuvant aussitôt comme si tout était normal. C'est la guerre de l'opprimé contre le reste du monde après tout. Alors évidemment quand on voit comment les auteurs et les narrateurs représentent leurs adversaires, patrons, autorités et autres exploiteurs, comme des monstres écrasant la plèbe et tuant les innocents avec un sourire carnassier, on comprend mieux ce concept de guerre pour la survie. Mais quand je vois la représentation qui est faite ici de ces affreux et sanguinaires ennemis du peuple, et en contrepartie la représentation des braves anarchistes unis dans la misère et dont les femmes se font tuer à coups de sabres en tenant leurs bébés dans leurs bras, ça ressemble un peu trop aux tableaux de propagande communiste révolutionnaire pour que je ne tique pas en me demandant quelle est la part du vrai et de l'exagéré pour faire mieux passer un message politique. Dans tous les cas, ça dresse une image effectivement révoltante de la condition du peuple au début du XXe siècle, mais ça ne me fait pas pour autant adhérer au combat tout aussi violent des anarchistes en face. |
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