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Interview de Luc Brunschwig par cubik

Interview de Luc Brunschwig, scénariste de l'esprit de Warren, Le pouvoir des Innocents, Vauriens, Makabi, Angus Powderhill... .
Interview réalisée par cubik.



  • Bonjour. J'ai lu plusieurs fois dans tes interviews passées que ta passion de la bd était apparue très tôt. Ca oscille entre 8 et 11 ans...

    Luc Brunschwig: Bonjour. Oui, enfin à 8 ans, c'était moins une passion qu'une envie de suivre mon petit frère qui venait de s’y mettre. Et à 11 ans, en découvrant Strange, c'est effectivement devenu une passion parce que là, j'ai compris d’un coup ce que je voulais faire dans la bd.


  • Alors comment t'es-tu retrouvé dans un DUT Pub et Communication?

    L.B.: (rires) Ca, c'est une vraie bonne question. Pour les dessinateurs, il y a une voie clairement identifiée qui est la voie de l'école d'art. Du côté de Strasbourg, c'est encore plus clair, il faut faire l'atelier de Claude Lapointe aux Arts déco de Strasbourg. On y devient illustrateur et on peut éventuellement dériver vers la bande dessinée.
    La formation des scénaristes est beaucoup moins claire. Je pensais que ce serait quelque chose que j'apprendrai sur le tas, mais il me semblait que « ce tas » allait durer très longtemps. Donc, afin de rassurer mon père et surtout ma mère, je me suis dit que j’allais faire des études sérieuses, genre publicité et marketing.
    En même temps, c’était un monde où j'espérais rencontrer des dessinateurs. Ce qui est d’ailleurs arrivé puisque c'est dans le cadre de ces études que j'ai fait la connaissance de Laurent Hirn (NDR: dessinateur du pouvoir des innocents).
    J'avais un cours où il fallait absolument qu'on monte un évènement. Et l'année précédente, il y avait des filles qui avaient commencé à monter un carrefour de l'illustration du livre pour enfants. Elles n'avaient pas pu aller jusqu'au bout. On a fini leur travail et c'est ce qui m'a permis de découvrir les Arts Déco. J'étais nouvellement strasbourgeois et je ne connaissais pas du tout l'existence de cette école. Je cherchais plutôt des dessinateurs du côté de la Belgique.
    Et donc, dans ce salon, il y avait un des premiers élèves à faire de la bd, Joseph Béhé, qui sortait son premier Péché mortel. Curieusement, Joseph, en recroisant par hasard une des filles avec qui j'ai organisé le salon, lui a demandé si elle ne connaissait pas quelqu'un qui écrit, parce qu'il avait un copain qui cherchait un scénariste. C’est vraiment bizarre qu’il lui ait posé cette question. Mais ça m'a beaucoup arrangé (rires). Comme quoi, la vie tient à peu de chose.


  • As-tu une autre activité en dehors de scénariste ?

    L.B.: Je m'occupe de mon fils (rires). Sinon, non.


  • En fait, tu es assez peu productif pour un scénariste. Il y a une raison à ça?

    L.B.: Certes, certes. Il y a deux raisons.
    La première est que j'ai commencé très tôt à faire des sujets qui sont plutôt destinés à des gens entre 30 et 40 ans. Comme je ne fréquentais alors que de jeunes dessinateurs qui avaient des envies de barbares ou de vaisseaux spaciaux… j’avais un peu de mal à les convaincre de faire dans le contemporain et le psychologique. C'est pas forcément là dedans qu'ils avaient envie d'aller. Aujourd'hui, qu’on a tous la trentaine, entamant le dur chemin vers la quarantaine, ils sont tout mûrs pour ce genre de trucs. Ce qui fait que des sujets, que j'ai initiés il y a une dizaine d'années, trouvent enfin preneur. J'ai l'impression de retrouver des univers familiers, un peu oubliés et de partir en vacances à l'intérieur. C'est assez rigolo. Et peut-être que dans 4, 5 ans, tu ne trouveras plus que j'en fais si peu.
    La deuxième raison, c'est que comme j'ai une formation toute empirique, même si on m'a trouvé beaucoup de qualités sur le tome 1 du Pouvoir des innocents, je ne pensais pas avoir fini mon apprentissage. Je crois qu'il m'a bien fallu 10 ans pour avoir des bases solides. Quand je me pose une question, il ne me faut plus trois jours pour trouver la réponse (rires).


  • Aujourd'hui, pour parler concrètement, tu arrives à vivre de ton métier, de ta passion?

    L.B.: Oui. Très concrètement, ça fait 5, 6 ans maintenant que j'en vis correctement, et 2 ans que j'en vis plus que correctement. La fin du Pouvoir des innocents a généré un certain nombre de droits d'auteur plutôt agréables à l'oeil du banquier et au mien (rires).


  • Tu es donc arrivé à la bd par le comics. La bd de super-héros un jour, non?

    L.B.: Aujourd'hui, les américains nous ont prouvé qu'on peut faire du comics de base pour adolescent comme du comics qui est nommé pour le meilleur album à Angoulême comme Daredevil, même si je ne suis pas un grand fan de Bendis.
    Alors sans vouloir révéler grand chose, Marvel a offert ses licences à Panini. Ce qui fait qu'aujourd'hui, des auteurs européens, de préférence vendant quelques albums puisque c'est un peu la condition sine qua non au fait de récupérer un personnage Marvel en France, pourraient travailler sur ces persos. Les personnages sont libres. Personnellement, le personnage qui m'intéresse le plus et depuis toujours est Daredevil.
    J'ai mangé avec les gens de Panini ce midi (rires). Déduisez en ce que vous voulez. Mais c'est pas forcément dit qu'il y ait quelque chose cette année, vu le boulot qui s'abat sur ma tête. Même si le nombre de bouquins que je suis en train de faire à tendance à se démultiplier, ma capacité de travail n'a pas augmentée en proportion (rires).


  • Tu es un grand lecteur de comics. Tu lis aussi des manga?

    L.B.: Oui, oui. De plus en plus. Mais c'est un intérêt encore trop limité à certains titres comme Monster, 20th century boys, Planètes, Tanigushi... Je suis en train de découvrir Tezuka aussi. C'est une production tellement pléthorique qu'on peut trouver assez facilement ce qu'on peut aimer dedans. Et puis il y a une production depuis tellement d'années qu'on peut durer des mois et des mois sur du pur plaisir.


  • Pour revenir sur ton travail, sans parler des problèmes qu'il y a eu autour d'Urban Games, cette bd était au départ prévu sur 132 pages. As-tu besoin de place pour tes nouveaux projets?

    L.B.: J'essaye que non. Pourtant, si on me donne 132 pages aujourd'hui, je saurai comment les gérer, justement parce que j'ai une culture manga que je n'avais pas du tout à l'époque. J'étais barré dans l'idée de faire un truc manga sans même avoir eu la curiosité de comprendre ce que ça voulait dire de faire du manga, le truc super intelligent (rires).


  • Et donc, aujourd'hui, tu serais prêt à réessayer?

    L.B.: Oui mais à ce moment là, je veux tout de suite 200 pages (rires). Mais avec quel taré faire ça?


  • Dans tes bd, tes personnages sont toujours très fouillés, très psychologiques. Le personnage basique n'est pas pour toi, la brute?

    L.B.: Oh ben si. A partir du moment où une brute existe et a une raison d'être une brute, ça m'intéresse tout à fait.


  • Et un personnage brut, carré, sans aspérité?

    L.B.: Ca peut être intéressant. Si je traitais ce genre de personnage, ce serait dans un monde où les autres ne sont pas comme lui. C'est-à-dire qu’il serait le seul dans son cas et donc, une espèce de curiosité.
    Cependant j'ai du mal à croire que quelqu'un n'ait aucun doute. Moi par exemple, je n'avais aucun doute sur le fait que j'avais envie de faire de la bd. Ca ne m'a pas interdit d'avoir des tas d'autres doutes autour : sur ma vie ou même sur ma façon de faire de la bd. Je me suis beaucoup demandé si j'arriverais à être à la hauteur de l'exigence que j'avais envie d'y mettre.


  • Et dans le même ordre d'idée, une bd d'action pure, ou purement distractive?

    L.B.: Pas vraiment, non. Quel serait l'intérêt puisqu'il y en a qui le font très bien à ma place? Si on manquait de bd d'action, ça m'intéresserait peut-être. Mais comme tel n'est pas le cas.


  • Dans tes bd, il y a aussi souvent un côté politique. Te sens-tu comme un auteur engagééééé?

    L.B.: Ouaaaais-euh, complètement. C'est ce que j'essayais d'expliquer récemment à quelqu'un qui trouvait que le Pouvoir des innocents ressemblait trop aux Watchmen. Ca l'avait beaucoup gêné. Je ne peux pas le nier, le Pouvoir des innocents est né d'une envie forte et irrépressible à la lecture de Watchmen. Mais justement, le but était de ne pas refaire la même chose.
    Pour moi, qui avais une assez faible conscience politique à cette époque là, le challenge était donc, à travers le Pouvoir des innocents, de me situer politiquement pour voir si j’étais capable d’envisager la société différemment d’Alan Moore. Il a fallu que je découvre quelle était ma véritable position sociétale, quelle était ma vision du monde, de ce qui s'y passait, de ce que je voulais y changer et comment. C'était vraiment essentiel. A la fois, cette BD envoyait des messages au lecteur mais en même temps, elle m'a permis de réfléchir, d'éveiller ma conscience politique.

  • Tu te sens militant par tes bd?

    L.B.: Complètement. Je pense que faire une bd n'est pas anodin. Quand tu envoies des messages aux gens, il ne faut pas après dire "vous y voyez ce que voulez!". Si les gens ont envie de discuter politique avec moi, de s'accorder avec ma vision ou au contraire d'essayer de m'éveiller à une autre vision, ok, je suis super partant. Mais qu'ils s'attendent à ce que moi, j'explicite encore d'avantage quelle est ma vision et pourquoi j'envoie ces messages à travers mes bouquins.


  • Mais j'ai appris par exemple que tu n'es pas membre d'association comme la Maison des Auteurs BD (mdabd).

    L.B.: Oui mais ça, c'est une gravissime erreur (rires). Premièrement parce que mon frère est le consultant de la mdabd pour tout ce qui est impôt.
    Ensuite, Stéphane Servain, qui est un des créateurs de la mdabd, m'avait demandé si ça me disait de m'inscrire. Je lui ai dit oui et j’ai sans doute cru que ça allait se faire tout seul. C’est pitoyable. Je suis en train d'essayer de me sortir d'une forme de léthargie qui me poursuit depuis mon enfance (rires).


  • Tu as quasiment 3 séries terminées derrière toi. C'est difficile de quitter une série? En particulier une série comme le Pouvoir des innocents qui a été si importante pour toi?

    L.B.: C'est une abomination (rires). C'est abominable parce qu'au final, quand tu te retournes, tu as l’impression, - et je dis ça sans dénigrer mes autres séries - qu’il y avait le Pouvoir et le reste. Les autres séries étaient faites avec énormément d'investissement, je ne veux pas qu'il y ait de doute là dessus. Mais l'investissement était si important dans le Pouvoir que c'était vraiment un peu comme un bouquin de chevet qui te suis partout, que tu relis tout le temps. Ce n’est pas que j'étais en permanence dedans - et Dieu sait que Laurent Hirn m'a facilité la tache de ce côté là en travaillant très lentement (rires) - par contre, c'est vrai que ma pensée était en permanence liée à des choses qu'on pouvait ensuite retrouver dans le Pouvoir, ce qui n'était pas toujours forcément vrai sur le reste. Aujourd'hui, j’essaie de n’être que sur des séries très impliquantes. Par exemple, le personnage de Makabi, c'est mon frère, enfin un personnage que mon frère m'a vraiment inspiré. Sa façon d'être au quotidien, qui est extrêmement décalée par rapport à 99.9% de la population, m'a fait penser qu'il serait rigolo d'avoir un personnage aussi atypique dans une histoire classique d’espionnage à la XIII ou Largo Winch. La simple présence de ce perso change toute la vision qu’on peut avoir de ce genre d’aventures.


  • Comme tu étais très impliqué sur le Pouvoir, est-ce que ça a influencé ton travail sur tes autres séries? Etant donné que tu avais les idées du Pouvoir toujours en tête, est-ce qu'il y en a qui se sont retrouvées sur les autres séries par exemple?

    L.B.: Non, mais par contre c'est vrai que s'il n'y avait pas eu le Pouvoir, je me serai peut-être moins impliqué politiquement dans Warren par exemple.


  • Les éditeurs doivent te mettre un peu la pression, quand tu as fait une série qui a bien marché, pour faire une suite, non?

    L.B.: Dieu sait qu'ils ont raison, et qu'on se bouffe les doigts de ne pas les avoir écoutés (rires). Soyons honnête, le Pouvoir des innocents était sur une phase extrêmement ascendante. On avait commencé à 5000 exemplaires sur le tome 1. Ensuite, ça a tout doucement monté et sur le tome 5, on était arrivé à 15000. Et le tome 1 est maintenant à 23500, un truc comme ça. Donc ça va. Et tout le monde nous dit, si vous aviez fait un 6 derrière, vous passiez de 15 à 20. Alors forcément, quand on a vu les droits d'auteurs du Pouvoir, et de voir comme ça peut bien te nourrir sans que tu fasses grand chose pendant un an, voire deux, tu te dis que tu te fous un sacré boulet en renonçant à une telle manne. C'est courageux (rires). Mais c'est téméraire, d’être parti sur autre chose (rires).


  • Maintenant que tu arrives à sortir beaucoup de tes projets...

    L.B.: Ce n'est pas cette année qu'on pourra le vérifier, puisqu'il n'y aura qu'un ou deux albums cette année.

  • ... tu n'as pas peur de te répéter?

    L.B.: (longue réflexion). Je ne suis pas sur d'être le mieux placé pour le dire. En même temps, ta question est "est-ce que je n'ai pas peur?". Si, évidement. Par exemple, je viens de t’expliquer que Makabi est mon frère. J'ai une autre mini-série en projet dont je trouvais le sujet assez proche. Il y avait certains éléments de cette mini-série que j'ai même été jusqu’à réimplanter dans Makabi… A un moment, il y avait tellement de points communs que j’ai failli laisser tomber ce projet.
    Mais en laissant passer un an, j'ai vu ce qui rapprochait les deux séries, et surtout ce qui les éloignaient. Et du coup, j'ai creusé un nouveau sillon pour cette histoire. J'ai complètement changé d'angle d'attaque pour ce projet là.


  • Comment travailles-tu sur tes séries? En lisant différentes interviews de toi, je me suis rendu compte qu'il y avait pas mal de détails qui changeaient au cours du temps comme Angus Podorhill devenu Powderhill...

    L.B.: Ca, c'est plutôt parce que j'ai un mauvais accent anglais et du coup, ça a été mal retranscrit (rires). Ce qu'il y a d'embêtant en fait, par exemple pour Makabi, c'est que si je commence à expliquer pourquoi c'est différent d'un polar traditionnel, je te raconte l'histoire du tome 2(rires). Or mon envie, c'était délibérément de créer une surprise en donnant un côté très classique au tome 1 pour pouvoir encore mieux secouer le cocotier dans le tome 2. C'est la création en contraste… où on réserve l’originalité pour les choses à venir et non dès le départ. Les dessinateurs ont le blanc et le noir pour contraster. Moi je fais un album blanc et un album noir. Je pense que les albums sont d'autant plus forts quand ils sont fait en contraste, comme ça.


  • J'avais remarqué ça sur Makabi mais aussi sur Angus Powderhill...

    L.B.: Moi, ça me chagrine toujours parce que mes dessinateurs sont pas des flèches et on me dit toujours soit "ton album, on voit pas bien où tu veux en venir", soit "on trouve ça un peu classique, un peu gentillet". Moi je sais où je vais. J’aimerai qu’ils aient le courage d’attendre que le tome 2 sorte pour juger… mais je ne peux pas le leur dire comme ça. Déjà, que je ne sais pas toujours quand le tome 2 va sortir.


  • Donc, les histoires en un album, ce n'est pas pour toi?

    L.B.: J'aimerai bien en être capable. Mais j'ai du mal à être léger sur un personnage, alors dès que je le creuse un petit peu, il lui pousse des boutons, des excroissances, et ça s'enrichit. C'est vrai que 46 pages, pour dire quelque chose, c'est vraiment peu. Il faudrait que je trouve un sujet qui se passe en 5 minutes. Un truc qui raconte une très très courte tranche de vie, qui fait basculer le destin de quelqu'un. Mais l'idéal, ce serait d'avoir un album de 60 pages qui dure une heure, chaque page ferait une minute.


  • Tu étais amateur de dédicaces. Et j'ai lu que tu t'es lassé un peu....

    L.B.: Un peu oui. Là encore, il y a plusieurs raisons. D'abord, je cherchais une femme (rires). Non, sans dec… on fait un métier où on ne sort pas beaucoup. Où veux-tu trouver une femme en dehors des dédicaces? Surtout pour un scénariste? Les dessinateurs ont cet avantage de pouvoir travailler en atelier. Nous, on travaille à la maison, on ne voit pas beaucoup de monde. En plus, j'étais plutôt casanier comme garçon. Je vivais dans une ville où je n’avais pas forcément beaucoup d'amis. Alors je ne sortais pas tous les soirs. Et donc voilà, je cherchais femme. Et femme ait trouvé (rires).
    Mais le problème est aussi ailleurs. L'intérêt que je trouvais à aller en dédicace, c'était de rencontrer le public, ce qui est de moins en moins possible, parce que malheureusement, avec la reconnaissance de mon nom, arrivent ce qu'on appelle les chasseurs de dédicaces. Donc généralement, le chasseur de dédicace occupe la moitié de ma journée, et je n'ai pas forcément la patience d'attendre la seconde moitié pour commencer à rencontrer des gens intéressants.
    Parallèlement à ça, la dédicace, quand je l'ai démarré il y a 10 ans, était quelque chose d'assez fascinant parce que liée à un enthousiasme de gens qui faisaient venir des auteurs pour lesquels ils s’étaient emballés. Mais cet enthousiasme n'existe plus. Aujourd'hui, les libraires vont faire leur marché de dédicaces comme on va acheter du poisson. C'est tout juste s'ils vérifient que le poisson est frais.
    Et donc, je ne sens plus cette envie quand je suis invité. Ca arrive pourtant encore. Là, il y a une libraire belge qui essaye de me faire venir, qui veut organiser un vrai évènement. Mais à ce moment là, effectivement, il ne faut pas que ce soit une dédicace parmi tant d'autre. C'est pas que j'ai envie absolument de me retrouver au centre d'un truc de folie sur mon nom mais voilà, il faut que ça vaille le coup, qu’il se passe un vrai truc avec les lecteurs. Les choses évènementielles, ça me fait plaisir. Ca m'a permis de passer à Tours il y a 7 ans… maintenant j'y vis (rires).


  • Internet, par rapport à ça, est-ce que ça t'apporte plus de contacts avec tes lecteurs?

    L.B.: J'essaye de me modérer, parce que quand je commence un sujet, ça me bouffe assez vite la tête et je passe mon temps à regarder si le sujet n'évolue pas, donc j'ai à peu près perdu ma journée (rires). Mais ouais, c'est de toutes façons plus passionnant. Bon, j'ai été un petit peu malheureux avec les sorties de Makabi et Angus parce que c'était assez peu réactif. C'est systématique sur les tomes 2, je sais pas pourquoi. Mais tant pis, ou plutôt tant mieux… je vais pouvoir faire autre chose que passer mon temps sur le net (rires).


  • En dédicace, tu étais toujours très demandeur des avis des lecteurs. Ca a une influence sur ton travail?

    L.B.: Curieusement, non (rires). Ce qui m'intéresse, c'est plutôt de voir le décalage qu'il y a entre ce que les gens ont sous les yeux et ce vers quoi ils sentent que la série tend. Généralement, quand ils se plantent, ça me rassure. Ca veut dire que ce n'est pas fait avec de grosses ficelles, que tout le monde sait où ça va.
    Bon, à la fin du Pouvoir évidement, c'était intéressant de recueillir le sentiment des gens parce que suivant comment tu prends cette fin, tu peux trouver ça hyper limite.


  • Justement, mis à part quelques connards qui ont abusés, tu as eu quelques critiques négatives. Elles te touchent?

    L.B.: Ca dépend de la pertinence de la critique que tu as en face. C'est vrai que quand tu es un jeune auteur, n'importe quelle critique te transperce, autant celles qui te font du bien que celles qui te font du mal. Si on a 15 bonnes critiques et une négative, on retient la négative et on pleure pendant 3 jours. Mais bon, aujourd'hui je fais un petit peu mieux la part des choses, j'espère. Et effectivement, les connards, c'est tellement outré ce qu'ils font que t'as même pas envie d'essayer de les convaincre. A la limite, s'ils ont décidé d'abandonner la lecture de ta série, t'es plutôt soulagé.


  • Quels sont tes projets? Par exemple, dans une interview il y a 2 ans, tu disais avoir un projet avec Ralph Meyer que tu devais voir un an après...

    L.B.: Le projet existe toujours mais il n’est pas prêt de se faire avec Ralph Meyer puisque je n'en ai aucune nouvelle.
    Là, j'ai plusieurs nouveaux projets. Je viens d'arriver en Touraine et j'avoue que les auteurs tourangeaux me plaisent beaucoup. D'abord, ce sont des gens de grand talent… mais j'ai l'impression que la plupart des gens avec qui ils ont bossé pour l'instant, soit ne l’ont pas remarqué, soit n’ont pas su exploiter toutes leurs possibilités. Par exemple, Etienne Le Roux, c'est un mec qui a de l'or entre les mains. Mais quand on voit les trucs sur lesquels il a travaillé, c'est... (rires). Et là, je travaille avec lui sur le projet de mini-série dont je t'ai parlé tout à l'heure.
    Je travaille aussi avec lui mais là, en tant que storyboarder. C’est Freddy Martin, qui a fait Serpenters, qui fait les dessins et Vincent Froissard qui fait les couleurs. Ils sont tous les trois dans le même atelier.
    Ce projet s’appelle Après la guerre. Le pitch est assez simple. Ca s'appelle Après la guerre parce que pendant une année, sur toute la Terre, les gens entre 16 et 30 ans ont été mobilisés pour préparer une guerre contre les extra-terrestres. Cette guerre n’a pourtant pas lieu. Le sujet est autant l’explication des raisons pour lesquelles cette guerre n'a pas eu lieu, que les conséquences de l’existence des extra-terrestres sur le peuple terrien.
    C'est de l'anticipation, ça se passe en 2040 à Paris. La France est un pays quasiment du tiers monde. C'est une vision de la société très actuelle, qu'on essaye de pousser au bout. Le libéralisme à outrance. Le monde entier se trouve dans une situation assez proche de celle dans laquelle pouvait se trouver l'Angleterre ou la France au début de l'ère industrielle.


  • Mais comment peux tu faire une bd sur l'an 2040 alors que ton grand maître Alan Moore prévoit la fin du monde pour 2017?

    L.B.: (longue pause dubitative face à la question débile). Je viens de l'apprendre. Je suis super emmerdé. Il va pas être bien gros mon fils. Merci Alan (rires).


  • Tu es toujours partisan d'Alan Moore comme Grand Prix d'Angoulême?

    L.B.: Oui, là dessus, aucun souci.


  • Tu penses qu'il le sera un jour?

    L.B.: Vu l'évolution des choses vers lesquelles ils donnent les meilleurs albums, ce n'est pas inenvisageable, ouais. De toutes façons, ils l'ont bien donné à Will Eisner, pourquoi pas Alan Moore?


  • Mais il n'est "que" scénariste.

    L.B.: Justement, il serait peut-être temps de le donner à un scénariste.

Merci pour tout.


Interview réalisée le 22/01/2004 lors du festival d’Angoulême.


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