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© Hachette

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Les Sept à 200 à l'heure
ScénarioLallemand Evelyne
Année1980
EditeurHachette
CollectionBibliothèque rose
SérieLe Clan des Sept, tome 8
autres tomes... 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12
Bullenote [détail]

- [Nouvelle]
- [Récit à suivre], Brochard Pierre (SD)
D : Dessin S : Scénario

 

1 avis

Mr_Switch
Chers lecteurs, imaginez. Imaginez une très célèbre série. Une de ces séries connues de tous, au moins de nom. Une série parodiée, une série moquée, une série fantasmée. Disons que cette série aurait vu le jour au mitan des années 1950 ou 1960. Admettons qu’elle est encore éditée de nos jours, en cette fin 2016.
Oui car je parle bien d’une série de livres.

Bien. Imaginez maintenant qu’il s’agit d’une série en bandes dessinées mais que personne ne le sait !

Reformulons ce cas d’école abracadabrant : imaginez un monument de la littérature enfantine ; imaginez une grosse vingtaine de volumes proposant une soixantaine de planches chacun ; imaginez que 30 ans ou 40 ans après parution, ces ouvrages ne soient nullement répertoriés de quelque manière que ce soit dans Bédéthèque, par exemple.

D’accord. C’est plus qu’improbable. N’y revenons pas ! Ce serait comme si une base de données sur le cinéma ignorait que la Panthère Rose eut le droit à des films au cinéma.

Et puis si ! Imaginez que les éditions originales de vingt-quatre volumes du Club des Cinq aient été en bandes dessinées ! Soyons précis : ce seraient ni des adaptations, ni des épisodes parallèles mais bien des épisodes parus classiquement dans la Bibliothèque Rose (fameuse collection d’Hachette).
Invraisemblable ? C’est pourtant bien le cas…

Par ailleurs, ce qui est vrai pour le Club des Cinq l’est également pour sa série quasi jumelle, le Clan des Sept pour une douzaine de volumes.

Évidemment, j’exagère. Ce n’est pas un scoop total. La chose se sait mais… en dehors du milieu de la bande dessinée !

Nonobstant, vous partagerez avec moi cet étonnement devant un tel état de fait. Qu’importe la qualité des planches, comment des ouvrages a priori tirés en grand nombre d’exemplaires peuvent-ils être aussi inconnus – ce n’est pas même plus de la méconnaissance à ce niveau – et autant ignorés des meilleures bases de donnée ?

Vous vous en doutez : je vais vous apporter quelques éclaircissements et quelques pistes pour essayer de percer ce mystère.
Tout d’abord, j’ai omis un point capital. Les 36 livres en question ne sont pas signés par Enid Blyton. Ces deux titres n’ont pas eu une histoire éditoriale homogène ; le contraire eut été étonnant. Il s’agit des reprises par Claude Voilier (pour les Cinq1 dès 1971) et par Evelyne Lallemand (pour le Clan des Sept dès 1976). Ce sont en effet les séries dites additionnelles qui nous intéressent2. Oui, c’est un point important mais qui n’éclaire qu’a posteriori.

Tout au plus comprend-on que les repreneuses sont de toute évidence francophones, si ce n’est françaises. Hachette ne pouvait sans doute pas s’octroyer de grandes libertés avec la traduction des Blyton, d’autant plus dans les années 1950. La reprise, elle, est une création de l’éditeur français, dès les années 1970. On peut supposer que cela lui laissait les coudées franches pour inaugurer une forme plus originale pour ces nouveautés.

Quand je qualifie la forme d’originale, j’utilise le terme à-propos. En effet, je n’ai pas dit que ces livres étaient des bandes dessinées. Il y a de la bande dessinée dedans. Nuance.
Il s’agit bien de littérature jeunesse ; de romans jeunesse. Cependant, au lieu d’être illustrées par quelques dessins, ces nouvelles le sont massivement par des planches de bandes dessinées. Chaque page de gauche est une page de texte, chaque page de droite est une planche. « Oh, une alternance texte et bande dessinée ? un passage de relais ? » Non. Chaque page de droite illustre une action marquante de la page de gauche. Si l’on mettait toutes les pages de gauche à la suite, on aurait une histoire entière, d’un seul segment ! Si l’on mettait les pages de droite à la suite, on aurait une histoire entière, mais en pointillés (ou plutôt en traitillés, si vous me permettez cet helvétisme), bref un récit de trop elliptique.

« Ah mais s’il y a bandes dessinées, il y a dessinateurs ! Ce doit être d’obscurs artistes ! Même pas crédités si ça se trouve. Voilà sûrement pourquoi l’oubli. Voilà sûrement pourquoi les bases omettent ces titres ! »

Si si, ils sont tous crédités, que je sache. Obscurs, obscurs… Tous ne le sont pas. On retrouve quand même Jean Sidobre3 pour des Club des Cinq ou les certes méconnus Robert Bressy et Pierre Brochard pour des Clan des Sept.

Ce que l’on peut avancer, c’est qu’Hachette (ou Claude Voilier) a vraisemblablement choisi d’introduire de la bande dessinée dans ces romans avec l’idée d’attirer les jeunes par cette innovation. L’initiative a dû être productive pour qu’elle soit étendue au Clan des Sept et qu’elle soit reconduite durant quinze ans et une trentaine de bouquins au moins4.
Que jamais la mention « bande dessinée » ne soit apposée sur ces romans n’explique que partiellement l’amnésie dont ils font l’objet (une bande dessinée est-elle une bande dessinée parce qu’on l’a qualifiée de bande dessinée, parce qu’elle est visiblement une bande dessinée ou parce que l’on sait que c’est une bande dessinée ? La réponse ne semble pas si universelle5.) C’est d’autant moins plausible que la maquette de couverture des Club des Cinq6 n’est pas si innocente, avec ses cartouches de titre en forme de phylactère et son illustration vignettée. Non, vraiment, on nous le montre : il y a de la bande dessiné. Pourquoi l’avons-nous alors perdu de vue ?

Eh bien, l’élément de réponse le plus convaincant, à défaut d’être celui qui explique tout, est une histoire de réédition.
En effet les livres sur lesquels je soliloque ont été édités et commercialisés entre 1971 et 1986 ; c’est-à-dire qu’à partir de 1988, ils ont disparu du marché, remplacé par une nouvelle édition. Or celle-ci était expurgée de toutes bandes dessinées. La forme adoptée était dès lors un retour aux fondamentaux : un texte ponctuellement illustré d’un petit dessin (selon les cas, illustrations issues de précédentes cases gentiment décortiquées, dépecées ou, semble-t-il, illustrations nouvelles). C’est, par ailleurs, l’exemple, un peu à contre-courant des idées reçues habituelles, d’une évolution éditoriale qui va vers une suppression de la bande dessinée de livres qui en contenaient nativement.

Le dernier Club des Cinq sort en 1985, le dernier Clan des Sept en 1986. Ces éditions en version « roman Orloff7 » ne durent être disponibles que quelques maigres années. Loin des yeux, loin du cœur de métier. Ces deux séries, après leur chirurgie plastique, ont pu faire oublier leurs formes d’antan. De là à les rendre méconnues, je n’en doute pas. De là à les rendre comme inconnues… non, il me manque décidément une clé de compréhension.

« Et alors ? Et Les Sept à 200 à l’heure ? C’est bien ? »
Vous aurez compris que la forme de cette histoire est oubliable et d’ailleurs oublié. Les romans Orloff sont toujours indigestes. On ne sait pas comment les lire. La fluidité de lecture du texte est interrompue par chaque planche ; les planches sont comme une myriade d’instantanées, qui confinent à autant de haïkus.

Mes parents m’offraient des Clan de Sept pour m’inciter à lire. Je n’ai jamais lu de Club des Cinq. Je n’avais pas envie : il y en avait que pour cette série. Je préférais sa jumelle, plus discrète. J’avais sans doute l’agréable impression de faire partie d’un club clan restreint de lecteurs avertis. Et puis sept, c’est mieux que cinq.

J’ai donc lu ces Sept à 200 à l’heure, enfant. C’est sans doute le dernier que j’ai lu. Et le seul en Orloff. J’avais complètement occulté de mon souvenir les pages de bandes dessinées jusqu’à récemment. Le mystère demeure.
Avec le recul, je réalise qu’il s’écartait de la forme canonique d’une aventure du Clan. Il y a notamment peu de réunions du Clan dans les règles de l’art. Shocking ! En revanche, le thème de cette nouvelle avait su me captiver. Je ne suis pas forcément passionné par la Formule 1. Pourtant l’histoire m’avait plu. La simple idée de la préparation d’une course en pleine campagne montagneuse, presque à la bonne franquette, donnait un sentiment de proximité agréable. Clairement, une complicité s’établissait avec le lecteur. Comprenez bien que l’organisation de cette course est abracadabrante, folklo, fantasmée.
Les Sept vont agir sur la « piste », la dérouter… Bref c’est tellement irréaliste, insensé, risible que cela en devient merveilleux. On est loin de l’aspect strict ou guindé d’un Michel Vaillant (le principal coureur s’appelle aussi Michel, tiens tiens)

Je n’aimais pas les dessins dit réalistes ou semi-réalistes. J’appréciais pourtant bien le dessin de ce livre. La couverture me plaisait aussi. Aussi étrange qu’il n’en paraisse, je lui trouve toujours un charme inexplicable.

L’histoire est sans réel rebondissement. On se doute bien qui sera la victime. Celui paraît être le méchant est le méchant. (Hé, désolé, nous sommes dans la Bibliothèque Rose : les antagonistes, ce sont des méchants !). Tout est bien qui se finit bien. C’est bien le comment qui façonne l’intérêt du livre, même et surtout pour les moins de 10 ans.

Voilà donc un petit roman jeunesse, sans prétention. D’une autre époque. Ses planches ? Elles font partie intégrante de mon bouquin. Elles m’ont paradoxalement marqué. Je n’ai nulle envie de les honnir.
Cependant, leur suppression des rééditions est logique, normale. C’était une évidence. Le roman Orloff est une forme bâtarde qui amène à un mauvais tout. Soit on lit le roman, soit on lit les planches : aucune symbiose ne nait. Cette simplification peut ainsi être qualifiée d’heureuse initiative.
Toutefois, si le cocktail n’est pas convaincant, la qualité intrinsèque des planches est également à prendre en compte. Dans le cas des Sept à 200 à l’heure,, elles ne sont pas forcément toutes de qualité. Je ne doute hélas pas que ce fut de même sur les autres titres. Pour le présent ouvrage, ce n’est pas que le dessinateur soit ignorant dans l’art de la bande dessinée. Le problème est que toutes les pages de texte ne présentent pas le même potentiel à être traduites graphiquement. Ces planches sont autant de micro-cas d’école sur l’art de l’adaptation, pour le meilleur et le pire. Les ellipses béantes entre deux cases ne sont pas rares. Parfois les cases sont juxtaposées sans que la neuvième magie n’opère, sans que cela produise une séquence narrative lisible. Finalement ce sont des planches désincarnées, des planches illustratives.
La lecture de ces romans est proche de celle de livres sur la bande dessinée comme Astérix, Barbarella et cie, par exemple : on regarde les planches sans réellement les lire. On s’applique à lire page par page avant que le naturel revienne au galop.

Adaptation ? L’ironie va encore plus loin. Il existe une série de bandes dessinées du Club des Cinq, une série bien connue et reconnue comme telle. Il s’agit d’adaptations8 de romans de Claude Voilier dont je viens de vous expliquer en long et en large que les éditions originales contenaient elles-mêmes de véritables morceaux de neuvième art.

Alors pourquoi une telle défaillance du souvenir, bon ou mauvais ? Rien ne l’explique définitivement.
Les séquences de bandes dessinées étaient une carotte pour inciter les marmots à lire les pages du roman. Ces planches rappellent par leur format, par leur impression, les Petits Formats. Or ces romans Orloff commencent justement dans les années 1970, alors que les Petits Formats ont encore une bonne côte. Il est donc malgré tout cohérent que ce soient les amateurs de littérature populaire qui se souviennent le mieux de ces livres en 2016.


1) Petite subtilité de la reprise du Club des Cinq : le titre de la série reste inchangé, toutefois les puristes aiment différencier la nouvelle série en utilisant l’intitulé Les Cinq (d’après le titre de chaque nouveau volume). Ce changement de titre devient en outre explicite et presque officiel sur les rééditons récentes. Grâce à sa célébrité moindre, Le Clan des Sept passent mieux au travers de ce genre de palabres...
2) Il y a autant de livres supplémentaires que d’épisodes signés Blyton. Il y a donc eu autant d’épisodes originalement parues avec de la bande dessinée que sans, sur le marché français.
3) Et c’est là que vous comprenez le jeu de mot en titre de ce livre d’un autre genre (tome d'une série initiée par Sidobre/G. Lévis ; il n'est pas l'auteur de cet épisode)…
4) Au moins… Hachette a peut-être publié d’autres séries en version Orloff que je n’ai pas repérées.
5) Le Dictionnaire mondial de la Bande Dessinée Larousse 1998 nous apprend que Claude Pascal a notamment illustré certains Club des Cinq. Or la dessinatrice a en effet officié sur notre série additionnelle. Les auteurs ne savaient donc vraisemblablement pas que les illustrations étaient réellement en phase avec le titre de leur dico. C’est ballot !
6) Et celle des premiers Clan des Sept dans une moindre mesure.
7) Si le veau Orloff, c’est « une tranche de veau, une tranche de fromage, une tranche de veau, une tranche de fromage, etc. », le roman Orloff, c’est « une page de roman, une page de bandes, une page de roman, une page de bandes etc. ». Certes cette recette de veau Orloff n’est pas la vraie. Cependant, comme ces livres vf sont également les vo, ce sont donc des vo Orloff. Je sacrifierai donc ce sacrilège sur l’autel du sacré jeu de mot…
8) Qui plus est, je soupçonne l’uniforme de l’Inspecteur Bayard d’être un hommage à la version de François Gauthier (l’un des membres du Club des Cinq) de cette adaptation. Le diable est-il dans les détails ?
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