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© Dupuis

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Le bestiaire du crépuscule
ScénarioSchmitt Daria
DessinSchmitt Daria
Année2022
EditeurDupuis
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

 

1 avis

rohagus
Me forger une opinion sur cet album fut laborieux, et je ne suis pas sûr d'avoir pleinement réussi. Car cet album est un hommage appuyé à H.P. Lovecraft et à son esprit. Or je suis un grand amateur de Lovecraft, ayant presque tout lu de lui et de ses proches, contes et poèmes inclus. Et comme Druillet l'écrit dans la préface de l'album, on sent que Daria Schmitt est elle aussi profondément passionnée par Lovecraft. Elle retranscrit dans cette bande dessinée non pas une biographie de l'auteur, pas plus qu'une histoire se déroulant dans son univers, qu'il s'agisse du mythe de Cthulhu ou du Monde du Rêve, mais plutôt une œuvre symbolique, retranscrivant l'esprit de Lovecraft, son rapport intime à son imaginaire et à son public. Et je ne suis pas sûr d'adhérer pleinement à cette métaphore de l'esprit de Lovecraft.

Lovecraft est ici nommé Providence. Il est gardien d'un grand jardin public, accompagné de son chat et confident, Maldoror, des différents membres du personnel et de la direction de ce parc et des enfants turbulents qui viennent le visiter. Son rôle de gardien est flou mais pour lui il consiste avant tout à faire en sorte d'éviter que les créatures surnaturelles que lui seul est capable de voir ne s'en prennent aux visiteurs du parc et ne s'immiscent dans le monde réel.
Le ton du récit est onirique. Il m'a rappelé celui de la BD L'Appel de Madame la Baronne de Servais, un étonnant mélange entre réalisme et fantastique absurde, comme dans un rêve éveillé avec des règles qui nous échappent.

Le graphisme de Daria Schmitt n'est toutefois pas celui de Servais. Une partie des planches est en couleurs et ce sont celles que je préfère. Ce sont celles qui représentent le monde imaginaire de Providence, dans de belles teintes de bleu et de violet, des paysages chimériques souvent très allégoriques. La majorité des planches est toutefois en noir et blanc, avec juste quelques apparitions de couleurs quand le fantastique s'immisce dans le réel. Et là, je dois admettre être moins charmé. Les décors sont plutôt réussis, notamment quand ils sont en pleine page, mais les personnages sont moins enthousiasmants, plus hésitants et inexpressifs, ce qui n'est pas idéal car le récit se concentre beaucoup sur eux et sur leurs dialogues. Par contre, j'ai trouvé intéressante la représentation graphique de l'intrusion de certaines monstruosités dans le réel, avec ces couleurs changeantes contrastant sur le fond noir et blanc, qui fait ressortir leur non-appartenance au même univers, à la réalité telle qu'on la connait, et permet de ressentir en partie l'aspect choquant et indicible qui marque l'horreur selon Lovecraft.

L'intrigue est toutefois ce qui m'a laissé le plus perplexe lors de ma lecture. C'est une fable semi-absurde, emplie de beaucoup de symbolisme, de métaphore et d'onirisme. Elle est fidèle à l'esprit de Lovecraft dans le sens où elle le présente sous son rôle de gardien d'un monde imaginaire et dangereux que seul lui est capable de voir et ressentir, cet univers qu'il nous a fait découvrir dans son œuvre écrite. Il y a également une réflexion autour du rapport de l'auteur à son œuvre et à son public, du rejet de la société matérialiste, et de la liberté d'imaginer. Mais rien de tout cela n'a su me marquer comme je l'aurais espéré. Le déroulement du récit est confus, souvent bavard, partant en digressions inutiles à mon goût, et je n'ai pas réussi à être touché. Pourtant, un élément-clé du récit porte sur une courte nouvelle que j'avais beaucoup appréciée quand je l'avais lue à l'époque, L'étrange maison haute dans la brume, et qui est retranscrite entièrement au sein même de l'album. Mas je n'ai pas réussi à retrouver ce qui me transporte dans l'œuvre de Lovecraft, ni l'intensité et la force de ses récits et de son univers.

Malgré cela, je ne peux pas mettre une moins bonne bullenote à cet ouvrage car il transpire de sincérité, de passion pour Lovecraft, de soin apporté au dessin, aux couleurs et à la mise en scène. C'est un véritable chant d'amour au Maître de Providence, de la part d'une autrice qui connait visiblement son œuvre sur le bout des doigts et qui a su plutôt bien en extraire l'esprit. Mais comme elle se focalise plus sur l'esprit de l'homme en tant qu'auteur que sur celui de son univers, j'y suis moins sensible.
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