| Ivry, le métro vous dépose à la frontière. Bienvenue dans la banlieue sud de Paris, loin du bouillonnement incessant de la capitale. Ici, les jardins continuent de pousser derrière le béton, et les terrains vagues ne sont plus des lieux sordides mais des "ailleurs" étranges et poétiques. À l’opposé des clichés racoleurs, ce recueil d’illustrations constitue un reportage graphique sensible et décalé sur la vie en banlieue. Avec Vues d’Ivry, Joelle Jolivet, dépeint un quotidien pittoresque et tranquille: ici, c’est tous les jours dimanche, on fait pousser des radis près du fort, on va boire un verre rue Mirabeau au "Petit Chez Soi"... Au loin, on entend le vrombissement des bulldozers qui s’activent, mais qui ne peuvent finalement pas grand chose contre un état d’esprit. Tout est paisible, et pourtant il y a dans l’air l’odeur du fantastique en suspension... Est-ce la technique de la linogravure (proche du bois gravé) qui tranche avec le réalisme clinique des instantanés ? Les masses noires et les découpes accidentées du dessin font basculer le regard vers une perception plus onirique du décors, et laissent la sensation que le mystère n’est jamais bien loin. Habitant elle-même Ivry, Joelle Jolivet porte un regard à la fois tendre et sans concession sur sa ville, et se plait à capturer ces coins de rues et ces landes d’asphaltes, où le temps semble suspendu. Dans cette ville à échelle encore humaine, les chantiers de constructions se succèdent, mais les silhouettes que l’on croise rappellent immanquablement ce qui a déjà disparu des quartiers de Paris : une poésie du bitume et des faubourgs, et le sentiment indicible qu’il y a un autre monde à voir pour qui sait regarder. |