|
| |
|
|
|
|
| La virginité passé 30 ans - Souffrances et désirs au quotidien |
|
  herbv
| Atsuhiko Nakamura est un journaliste spécialisé dans les ouvrages non fictionnels, avec notamment une série de livres sur le monde de la pornographie et des excès que l’on peut y trouver (du frictionnel, pourrait-on dire). Il a travaillé notamment à partir d’entretiens avec des idoles pornos japonaises. Rupo chunen doutei (Reportage sur les puceaux tardifs) est un autre livre d’entretiens, concernant les hommes d’âge moyen (entre trente et cinquante ans) qui sont encore vierges. Bargain Sakuraichi est le pseudonyme de Toshifumi Sakurai connu dans nos contrées pour sa série Ladyboy vs Yakuzas - L'île du désespoir, un titre à l’humour grotesque assumé et au dessin très caricatural. En 2015, il a décidé d’adapter en manga Rupo chunen doutei avec toute la « finesse » qui le caractérise.
Il est indispensable de faire l'effort de passer les deux premiers chapitres qui sont assez mauvais. Le premier est même carrément raté : il mélange deux problématiques, celle des maisons de retraite et des centres de vie pour personnes âgées et celle des puceaux tardifs. En fait, il y a un gros souci au niveau de la narration : le mangaka commence de suite par le portrait le plus excessif sans réelle introduction (il s'agit, certes, de celui qui a lancé le journaliste à travailler sur ce thème). L'histoire « Le métier d’auxiliaire de vie, refuge des puceaux tardifs » est en effet bien trop caricaturale, mal racontée, trop excessive sur le plan graphique et trop longue. Pire, elle est redondante avec le dernier chapitre présentant l’auteur de l’ouvrage original. Si l'on peut comprendre la volonté du mangaka de démarrer son adaptation sur les chapeaux de roue et si l'on peut imaginer que ce portrait rejoint sa propension à ridiculiser ses personnages, il aurait été préférable de mettre au tout début du manga le dernier chapitre centré sur Atsuhiko Nakamura. Toutefois, il faut reconnaitre qu'il y a des passages réussis et qu'il n'y a que le début à jeter (ou à remettre fortement en contexte). Comme quoi, il ne faut jamais se faire un avis définitif après un ou deux chapitres...
Pour un lectorat francophone qui ignore tout du journaliste et de sa (relative) notoriété liée à ses recueils d’entretiens « chocs », ces deux premiers chapitres discréditent quelque peu l'ensemble de l'ouvrage. Leur primauté dans le recueil fait que l'on ne voit qu'eux. Deux arbres qui cachent la forêt ; et qui risquent de la cacher définitivement à nombre de lecteurs. Et c'est bien dommage !
On peut aussi considérer que le dessin affaiblit le propos originel : le mangaka cherche trop à ridiculiser les protagonistes en les représentant sous un aspect vraiment pitoyable, grotesque. Ceci dit, comme c’est lui qui a voulu adapter l’ouvrage original, ce travers était inévitable. Enfin, il ne faut pas prendre ce livre pour une étude sociologique mais pour une sélection d'entretiens faits par un journaliste indépendant (à la carrière, il faut le dire, plutôt en dents de scie si l'on en croit ses propos dans le dernier chapitre) mettant en avant des cas vraiment pathologiques. Le principal biais du manga est peut-être là : les huit portraits ont surtout pour point commun d’être ceux de personnes inadaptées à la vie en société (japonaise) dont la virginité prolongée n’est qu’un symptôme et non pas une cause comme semble vouloir le présenter le journaliste. |
Mael
| Toshifumi Sakurai, mangaka remarqué, sous un autre pseudonyme, pour Ladyboy vs Yakuzas, revient avec un titre surprenant. Si La Virginité passé 30 ans – sous titré Souffrances et désirs au quotidien – lui permet bien de dessiner un de ses thèmes de prédilections, des petits hommes laids aux forts désirs sexuels, on est loin des délires déjantés de ses précédents albums. C’est après lecture de reportages du journaliste Atsuhiko Nakamura sur les « puceaux tardifs », phénomène grandissant au Japon jusqu’à devenir un problème de société, touchant un quart de la population, que le dessinateur a décidé de les adapter.
Si les premiers récits sont moqueurs, avec un quarantenaire au physique aussi repoussant que lui est bête, harceleur et insupportable, on découvre vite que le sujet est plus fin que ça. Ainsi, un des sujets est plutôt beau garçon, mais socialement inapte, persuadé que le monde le déteste et qu’il est physiquement repoussant. Un autre explique la difficulté qu’il a eu à s’adapter aux normes, mais le récit montre comment il devient finalement plutôt heureux en se consacrant intégralement à une passion pour des groupes de chanteuses pour adolescentes. Certes on peut trouver cela malsain ; mais, de tous, il paraissait clairement le plus épanoui, ne faisant pas de mal à une mouche.
Il y a aussi cet autre puceau qui, lui, mettait sa frustration dans la haine en ligne et la fachosphère, avant d’en revenir – grâce au hasard d’un club de lecture – et de réussir à avoir un recul sur soi saisissant, parcourant même le Japon pour donner des conférences sur le sujet des puceaux tardifs.
D’autres parcours sont franchement tragiques. Plus que la virginité, qui ne veut pas forcément dire grand-chose en soi (l’un des puceaux ne l’est d’ailleurs pas), ce livre montre le cas de personnes devenues folles, du fait entre autres que l’image que leur renvoie une société où ils se sentent perpétuellement tragiques. Un des derniers récits, celui d’un homme voulant absolument être célèbre et se lançant dans le porno, où il ne jouera que des rôles où il sera humilié sans jamais coucher avec les stars, secoue franchement le cœur.
On peine à croire à leur réalité ; et pourtant tout est très crédible, basé sur des entretiens volontaires. Souvent, ce sont les puceaux eux-mêmes qui ont contacté Nakamura, faussant sans doute la représentativité. Voilà un étrange ouvrage de vulgarisation journalistique que ce manga inattendu. Sakurai charge parfois la caricature, ce qui dessert le propos, mais réussit à rester la plupart du temps à sa place. Le lecteur assiste alors à un déroulé implacable des témoignages qui, loin du potache imaginé au premier abord, secouent durablement. |
|
|
|
|
|
| |
| |