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  Mael
| En 2013, un mystérieux auteur nommé EMG sortait Tremblez enfance Z46. Récit imbriqué au fil narratif très simple, il happait cependant le lecteur par ses constructions graphiques rappelant les débuts du design assisté par ordinateur ou des logiciels d’architecture, créant une chose étrange, mais très convaincante. Il aura fallu sept ans pour qu’un nouveau livre paraisse, toujours chez Tanibis. C'est peu dire que je l'attendais !
Si le dessin lorgne toujours du côté des souvenirs informatiques, on se retrouve cette fois-ci du côté du pixel et des jeux vidéos. Le pixel art et ses dérivés paraissent a priori un peu plus éculés pour le lecteur, souvent utilisé pour jouer sur des ressorts nostalgiques. Ce serait sans doute mésestimer EMG qui utilise certes le pixel, mais dans des constructions complexes. Celles-ci sont proches des cinématiques apparues dans les jeux des années 1990 pour leur donner plus de contenu et d’incarnation, au fur et à mesure que les stockages gagnaient en capacités. Laborieuses à construire pour des mouvements minimaux, ces cinématiques étaient souvent accompagnées de bulles aux lettrages caractéristiques. Certains y virent d’ailleurs les débuts de frontières floues entre bandes dessinées numériques, jeux vidéo, animation…
Ce procédé restait rare et long à construire, EMG l’étale sur plus de 120 pages et donne ainsi une dimension toute particulière à son livre. La pauvreté nécessaire de la palette de couleur est exploitée au maximum et donne de surprenantes scènes d’eau déchaînée, de glace à perte de vue ou de machines de guerre en déploiement. L’effet donné par le traitement graphique aux onomatopées, hurlement de sirènes comme roulis, les ancrent totalement dans le dessin.
Un dessin qui efface presque l’histoire, celle de Nicolas, surfeur professionnel qui participe à un contest à San Telmo, lieu qu’il déteste, lieu où son père est mort. On le voit lutter sans trop de succès : son grand-père débarque ; tout s’arrête soudain ; et il affronte sa mémoire en marchant sous la mer alors que semble surgir une attaque d’aliens, ou de Russes, qui débarquent sur la plage. Il se passe beaucoup de choses, mais le fil est simple, comme dans son premier livre où l’ambiance générale était bien plus importante que le strict récit. La Vague Gelée suit ce principe et, pour peu qu’il accepte un cadre sans doute plus référentiel, le lecteur peut de nouveau être surpris à se laisser prendre. Un peu moins fortement tout de même. |
rohagus
| On me demandait dans quel genre classer cette BD. Elle sort tellement des sentiers battus que je n'ai pas su que dire : roman graphique, fantastique, science-fiction, aventure..? Un peu de tout sans être exactement ni l'un ni l'autre.
Le graphisme choque au premier regard. C'est en effet un dessin à l'ordinateur, très pixelisé. Ce n'est pas vraiment du pixel art selon moi car ce sont essentiellement de grands aplats de couleurs type Paint. Sur quelques cases, j'y ai trouvé une esthétique plaisante rappelant les jeux vidéos d'Eric Chahi (Another World notamment), mais sans l'animation c'est tout de suite moins joli. Et à côté de cela beaucoup de cases plus basiques sont également moins charmantes, surtout en ce qui concerne les anatomies des personnages. Mais j'apprécie toutefois l'originalité de ce style graphique et la personnalité qu'il donne à cet album. Et le travail sur les couleurs est également sympathique.
L'histoire est intrigante. On se demande un long moment où l'auteur veut nous mener. On y suit un jeune champion de surf qui, au moment d'une compétition, se trouve dans une mauvaise passe et pense abandonner. En parallèle, on a droit à plusieurs flash-back le concernant lui, son père disparu, et son grand-père qui essaie de le retrouver ce fameux jour de compétition. Et le mystère reste entier sur cette sensation de malaise que ressent le héros et sur la présence bizarre d'un navire militaire au large de la plage où se déroulent les évènements.
Dans la seconde moitié de l'album, une part de SF ou de fantastique vient soudainement s'insérer, accentuant encore le côté intrigant de l'ensemble. Et sur la toute fin, le récit devient encore plus déroutant au point de devenir vraiment... bizarre.
Si j'ai trouvé plaisants les deux premiers tiers de l'album, ma lecture était surtout motivée par la curiosité. Mais j'ai peu à peu perdu pied (sans jeu de mot) sur la dernière partie, étant à la fois encore plus intrigué et en même temps déstabilisé. Les dernières pages donnent l'impression de tourner au n'importe quoi, même si on comprend la raison de cela et le message que l'auteur essaie de faire passer. J'ai surtout été frustré par une fin que j'estime en queue de poisson, une fin trop ouverte, trop Art et Essai à mes yeux. Cette conclusion ne m'a pas satisfait, ou alors je n'ai tout simplement pas trouvé qu'elle était bien amenée et bien mise en scène.
Malgré cette déception, je salue l'originalité de cet album, tant sur le plan graphique que sur l'histoire elle-même. Il y a quelque chose qui se dégage de cette BD et qui mérite l'intérêt. |
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