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| Une journée ordinaire débute pour Ushijima : des clients font la queue pour lui emprunter de l’argent. Pour Takada qui débute au service de l’usurier, c’est la découverte d’un monde souterrain où l’argent règne en maître.
Guidé par Ushijima, Takada apprend les ficelles du métier, et les combines pour soutirer aux clients leurs derniers sous… Sans aucun état d’âme ! |
  rohagus
| Attention, voilà un manga à ne pas mettre entre toutes les mains !
C'est un seinen résolument adulte, sombre, très sombre, et aussi traumatisant qu'il est réaliste.
Son sujet ressemblerait presque à un reportage dans les bas-fonds de Tokyo. Nous parlons ici du domaine des yamikins, des prêteurs-sur-gages qui sont prêts à prêter de l'argent à des taux effarants à des personnes qui en ont absolument besoin. Ces yamikins sont surtout bien déterminés à récupérer, quoiqu'il en coûte pour l'emprunteur, leur argent, les intérêts et tous les à-côtés qu'ils peuvent y ajouter. Leurs cibles, les personnes fragiles qui sont trop insouciantes ou qui sont prêts à mettre leur vie en danger pour des sommes d'argent que souvent, eux seuls, jugent indispensables au maintien du semblant de vie qu'ils se sont construits. Accros aux jeux, aux drogues, à une vie sociale superficielle, acheteurs compulsifs, etc, quand ils mettent le doigt dans l'engrenage des emprunts aux yamikins, ces derniers ne les lâchent plus jusqu'à ce qu'ils remboursent des sommes folles ou détruisent leurs vies pour à peine rembourser les intérêts.
Le dessin est assez particulier. Dans le style manga réaliste, il affiche des personnages aux visages assez étranges, enlaidis et souvent déformés. Sincèrement, je doute que ce dessin plaise à tout le monde mais je lui pardonne ses défauts car il donne une vraie atmosphère au récit et que la laideur de ses personnages réflète bien souvent la laideur de leurs âmes.
Le ton est véritablement noir, presque choquant malgré la retenue dont il fait preuve.
Le personnage principal, Ushijima, est sans pitié. Les gens qui lui empruntent de l'argent, ses "esclaves", deviennent aussitôt pour lui des objets utilitaires qu'il presse jusqu'à l'âme, réduisant leurs vies en charpies, vendant leurs corps et détruisant leurs familles dans le seul but de les dépouiller de tout l'argent qu'il peut en soutirer. Mères de famille qu'il force à se prostituer dans des bouges glauques, jeunes employées de bureau modernes qu'il pousse à la déchéance totale sur tous les plans, des familles entières qu'il détruit et amène à payer pour les dettes de leur fils inconscient.
Pire, on a vraiment du mal à avoir de la pitié pour les victimes de ce prêteur-sur-gages. En effet, alors qu'elles affichent des positions sociales banales, elles révèlent des faiblesses psychologiques méprisables, incapables de se retenir de dépenser à tout va, accros à différentes activités couteuses, elles ont beau promettre à leurs familles et enfants qu'elles vont arrêter, elles se jettent à chaque fois encore plus dans la répétition de leurs erreurs. Tant et si bien qu'on en verrait presque avec horreur le travail d'Ushijima comme une sorte de selection naturelle qui va détruire les vies des plus idiots de la société.
Les scènes sinistres et dérangeantes s'accumulent et déplairont sans doute aux lecteurs allergiques à tant de noirceur. Mais en même temps, on sent l'aspect réaliste, on devine que de telles horreurs ont sûrement véritablement lieu dans certaines extrêmités et que des prêteurs sur gages comme Ushijima doivent probablement exister au Japon ou ailleurs (le sujet n'est d'ailleurs pas sans rappeler un peu le système des sub-primes américains dans son principe). En cela, j'ai été intéressé par ce récit car je l'ai trouvé instructif et parce que, de fait, sa violence physique et morale ne m'a pas paru gratuite. J'ai vraiment eu l'impression que ce manga fonctionnerait comme un reportage romancé dont Takada, le jeune qui débute avec Ushijima et qui apprend les ficelles du métier, serait le journaliste.
Même si chacune des histoires courtes du premier tome de cet album m'a intéressé et captivé, je me demande tout de même où nous mènera la série à la longue car 9 tomes sont déjà parus au Japon. Avec un peu de chances, cela pourrait impliquer qu'une histoire plus conséquente prendra forme au fur et à mesure. Si c'est le cas et vu le domaine très particulier et très dur de sa thématique, ce devrait être une intrigue assez originale.
A lire mais à réserver à un public averti. |
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