|
| |
|
|
|
|
| Travaux publics est un recueil de quatre manga - toutes intitulées « Travaux publics » et numérotées, dans l'ordre de leur composition, de 1 à 4 - mettant en scène, à l'échelle d'un paysage qui parfois se confond avec l'échelle de la page, des chantiers colossaux, titanesques. De ceux qui construisent on ne sait rien, de ceux qui commandent ou ordonnent les travaux moins encore : Yokoyama ne donne à voir que la massivité des rochers, l'étendue des plaines et du ciel, le fracas des matériaux, le travail. Ici, la narration s'efface pour rendre à la bande-dessinée son matériau : le dessin, et sa vocation : l'agencement des formes.
|
  strip
| Ce qui frappe d'emblée dans ce "néo-manga" de Yuichi Yokoyama, c'est l'absence totale d'"histoire" au sens littéraire du terme, pas de début, pas de fin, une sorte de continuum graphique dans lequel les "personnages humains" ont une place toute relative, qui est la place de l'homme dans l'univers : pas bien importante en regard de l'infini cosmique. Il n'y aura donc que treize phylactères sur 80 pages, comme une sorte de méfiance vis à vis des mots de la part de Yokoyama, l'important est ailleurs, les hommes que l'on voit ici et là sur ces étranges chantiers sont de simples exécutants d'une mission qui les dépasse, qui reste inconnue, en tout cas "non-dite". Les véritables acteurs de cette intrigue ne sont que d'énigmatiques machines : grues, foreuses, cylindres qui déroulent des plaques de gazon artificielles sur tout un territoire ou qui creusent des rivières; avions qui larguent des pierres pour construire une montagne artificielle. C'est finalement tout le rapport artificiel-naturel dont il est question et qui a toujours marqué l'histoire de l'art du japon (je pense à Hokusai en particulier et sa fameuse estampe de la vague, illustration magnifique de l'homme face à la nature).
Yuchi Yokoyama est un peintre reconverti depuis 1996 à la BD et cela apparaît nettement sur le plan graphique, le passage entre peinture et BD est pour lui l'occasion d'une part de montrer ce qu'il y a avant et après une image donnée et d'autre part de compenser l'absence de paroles par l'abondance d'onomatopées laissées par l'éditeur en japonais avec un sous-titrage, et magnifiquement intégrées au dessin, ce sont elles qui donnent le son de ces "travaux publics".
Je dirais donc que cet album est à conseiller , si on a pas peur d'être dérangé dans ses habitudes de lecture, c'est une expérience sans doute un peu ardue mais pas inintéressante, en tous cas d'une grande qualité graphique. |
|
|
|
|
|
| |
| |