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| C'était la guerre des tranchées |
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  thierry
| En voulant nous faire partager la folie de la Grande Guerre, Tardi a choisi de traiter le sujet de maniere quasi documentaire, nous faisant partager le destin de personnages ordinaires dont le seul tort a ete d'avoir ete reconnus "bon pour le service". Pas de heros, donc, mais des pauvres types paumes qui ne pensent qu'a rentrer chez eux, et qu'importe le prix a payer !
Rarement un album m'aura laisse une telle impression. Pendant toute la lecture, je ressentais un reel malaise devant cette horreur tellement banale. La courte histoire sur le poilu qui prefere se gangrener sciemment le bras que de retourner se battre, la maniere dont les soldats "importes" (tirailleurs senegalais, indochinois, algeriens...) etaient traites mais aussi le sort du vieillard qui ne se levent pas pour chanter la Marseillaise le jour de la mobilisation (sans doute un rescape de la guerre de 70)... tout ca ne peut faire naitre qu'un sentiment de revolte absolu contre la guerre.
Un peu a la maniere de Spiegelman avec "Maus", Tardi demontre que la BD peut generer des oeuvres exceptionnelles, veritables temoins de la memoire (ou betise) humaine. Un chef d'oeuvre indispensable ! |
Xaviar
| Il y a beaucoup de choses que Tardi n’apprécie pas et tout particulièrement la Première Guerre Mondiale qui outre cet album reste très présente dans l’œuvre de ce dessinateur hors pair.
Il faut dire qu’aucune guerre ne fut plus absurde et meurtrière que celle là, elle a plongé l’Europe dans le chaos et la désolation, plantant les germes des pires idéologies qui allaient aboutir aux atrocités de la seconde du nom, un peu plus de vingt ans plus tard.
Cette guerre Tardi nous la présente sous formes de courtes histoires ayant pour fil conducteurs les destins souvent tragique de simples poilus, jouets dérisoires de ce terrifiant conflit. Ils ne sont pas héroïques ces malheureux, ce sont des gens simples jetés dans une guerre qu’ils supportent plus ou moins bien et dont ils tentent d’en sortir vivant et intact.
Le dessin en noir et blanc accentue la noirceur du propos, les nuances de gris donnent à cet enfer un aspect monotone et sans issue.
Tardi y égrène au fil des planches ces anecdotes cruelles et réalistes, il démontre sans faux semblants ni concessions l’horreur dans toute sa logique guerrière, il y dévoile les aspects parfois oubliés et peu glorieux de ce conflit. Impossible de ne pas se sentir mal à l’aise en imaginant ce qu’on vécut les millions de gens qui subirent cette boucherie.
Cette bande dessinée est pratiquement un documentaire tant le réalisme des scènes est saisissant, tant la vie des poilus semble bien rendu. Du grand Tardi pour cette œuvre sombre mais jetant un regard pertinent sur une page de notre histoire de plus en plus lointaine mais que l’on ne doit surtout pas oublier.
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flop
| Comme un gros cretin, j'ai enchainé dans la meme periode la lecture de PRESQUE, et celle de ce volume de Tardi...
Bonjour le plomb apres tout ca. Bien fait pour ma gueule, me direz-vous.
Je ne connaissais Tardi, jusque la, que par le biais de l'univers d'Adele Blanc-Sec, bouquins qui m'ont envouté tout gamin, par leur mystere, leur poesie, et la force de ce trait. Bizarrement il aura fallu des annees avant que je lise un nouvel ouvrage de cet auteur.
Le malaise est enorme a la lecture de ce bouquin. Autant voir des gars se faire descendre, a grands coup d'effets visuels et sonores, est coutumier au cinema, ou la distance créée avec le sujet, est pour moi automatique (mode: je regarde d'un oeil vaseux et blasé), autant là, sur ce media, je prends tout dans la face.
La narration est d'une telle intimité, d'une telle intensité, qu'on ne pense pas à ces soldats comme à des anonymes, mais comme à un membre de la famille, un aieul qui aurait laissé sa peau dans cette boucherie. Ce livre n'en est pas un, mais une lettre qu'on vient de retrouver dans le grenier, dans une vieille malle, avec des reliefs de vies entieres enterrées et hachées...
C'est par le fait meme du mode narratif choisi qu'on atteint a cette intimité avec les figurants malheureux, a cette immédiateté de l'horreur. Rarement j'ai été autant plongé dans des faits qui relevent de l'Histoire, sauf peut etre a la lecture de MAUS.
En dehors du fait de reprendre en pleine gueule l'absurdité de ce conflit et sa sauvagerie, c'est la performance d'auteur et de narateur qui m'a decoiffé, a posteriori, avec ce travail. j'ai beau essayer d'y reflechir, je suis encore trop sous le choc des impressions ressenties, pour analyser tout ca plus serieusement.
Ma premiere idee a été de mettre a ce bouquin la note "coup de coeur". Mais c'est bien trop lourd a lire, trop marquant et trop dur pour le faire. Ce temoignage, ca ne peut pas etre un vrai coup de coeur, a part bien sur pour le talent de Tardi, qui nous livre là un pan incontournable du 9e art...
Chapeau bas...
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gdie79
| Cet album, je l'ai découvert il y a un an ou deux, quand j'ai découvert Bulledair...
La guerre des tranchées de Tardi est un phénomène; pardon, Tardi est un phénomène! Que cela a dû être dur pour lui de se mettre dans la peau des ces pauvres poilus, que cela a dû être éprouvant pour Tardi de devoir retranscrire l'horreur des tranchés de 14-18. Dur, éprouvant, pénible, angoissant, fatiguant certainement, mais de toute façon méritoire, car peu d'oeuvres sur le sujet sont aussi poignantes. La guerre des tranchées noue l'estomac de son lecteur et même si l'on est un jeune inconscient, fan d'un dessin à la "manga", il est impossible de rester insensible à ce récit si cinglant d'une injustice ou plutôt d'une incroyable bêtise humaine qui ne s'effacera sans doute jamais de nos mémoires, même des générations plus tard.
On ne comprend pas pourquoi tant de vies ont été ainsi amenées à l'abattoir. Lorsque j'ai vu "Un long dimanche de fiançailles", le film de JP Jeunet très insipiré par l'univers de Tardi, je me suis posé les mêmes questions que lors de ma lecture de la guerre des tranchées. Comment des êtres vivants peuvent-ils être ainsi traités par de vieux cons assis dans leur fauteuil à vouloir débloquer une situation cauchemadersque en l'empirant ? Mais où donc ces vieux cons ont-ils décidés de placer leurs valeurs ? Dans la fierté d'un drapeau, d'une nation... Mais la France n'est-elle pas le pays qui représente au mieux la liberté d'opinion de chacun ? Fallait-il réellement une victoire (s'il y en a eu une) pour défendre ce privilège ? Fallait-il vraiment engendrer une boucherie pareille ?
Voilà où je me suis senti à la fin de ma lecture de la guerre des tranchées; j'avais cette impression poissarde que je vivais dans un monde de bouchers. Evidemment, je n'en voulais pas aux poilus ; qu'en pouvaient-ils de se retrouver lachés dans la boue des champs de bataille ? Non, Tardi a réussi à me transmettre son message : celui du dégoût de la guerre, et de tout ce qui va avec : patriotisme, extrêmisme, religion, respect de l'ordre, hiérarchie, enfer ! Peu d'artistes ont réussi ce qu'il a réalisé. Dans son album "La ligne de front", Larcenet nous transmet également, mais différemment, ce sentiment de rage envers les vieux cons : "il n'y a pas assez de jaune" disaient-ils, pff... Tardi, lui, a préféré, certainement sans autre choix, le noir et blanc... glacial. Peut-être pour espérer que cette guerre reste et appartienne définitivement au passé.
La guerre des tranchés est une de ces BD cultes, qui sont des oeuvres qui changent les choses et qui font parties de notre patrimoine comme un témoingnage pour nous tous, les humains... |
strelnikov
| Jacques Tardi possède un immense talent, c'est entendu.
Je l'apprécie depuis Pilote ("un soldat en hiver")
Jacques Tardi est obsédé par la guerre de 14/18, c'est certain.
Et c'est bien là le problème!
Résumons:
Le héros "Tardien" est un homme seul, persécuté par les gradés qui sont tous d'ignobles brutes. Ses camarades sont au pire des crétins,au mieux des gens aussi seuls et désespérés que lui. Politiquement, il est anarcho-libertaire tendance 1968. Il serait prêt à tout pour fuir l'enfer des tranchées y compris s'automutiler ou déserter pour rejoindre les lignes d'en façe peuplées de pauvres diables comme lui, que seule la vilenie des exploiteurs et des fusilleurs du peuple lui a désigné comme ennemis. L'ennui, c'est que dans la réalité, ce personnage n'existe pas ou très peu. Ca se comprend: ses chances de survie au front auraient été quasi-nulles !
Le plus etonnant, c'est que cette vision historique primaire commence à faire autorité, puisque Tardi est assez largement reconnu comme "spécialiste" de la période.
Clarifions les choses: Je n'ai aucune objection à ce qu'une intrigue se déroule pendant cette guerre, ni qu'on parle (enfin!) des fusillés pour l'exemple et des mutineries de 17. Par contre, je cherche à comprendre: Pourquoi cette guerre, comment ont-ils tenus dans cet enfer, que pensaient-ils dans leur diversité. En l'occurence, J.Tardi est un bien mauvais guide, avec lui, on ne comprend rien, sinon son message idéologique qui lui, est bien clair, mais malheureusement anachronique. Que cela nous plaise ou pas, (mais l'Histoire n'est pas là pour nous plaire) un grand nombre de ces types se faisaient une idée du patriotisme qui n'est peut-être plus forcément la notre. C'est comme ça, et tant pis si certains voient cela du haut de notre grande sagesse contemporaine comme le pire des nationalisme. A ce train là Jaurès était aussi un ignoble chauvin !
Pour finir, je pense que Tardi n'a pas lu Jules Romains qui dans quelques pages des "Hommes de bonne volonté" nous fait comprendre comment, des humanistes, des Socialistes, des gens très pacifiques ont pu participer à cette chose là, en doutant, en se révoltant parfois, mais sans aucunement ressembler au personnage type des oeuvres de Jacques Tardi, pauvre bonhomme dépressif, comme extérieur à son époque et à ses systèmes de pensée, sans contrainte intérieure, maintenu sur place uniquement par la terreur du peloton d'exécution.
Que l'univers de Tardi donc est manichéen! les bons, les sympas, les anars, sont persécutés par les méchants,"les sabreurs, les bourgeois, les gavés...et les curés" comme disais Montéhus: c'est cool, mais en dehors de se faire plaisir, ça ne sert pas à comprendre.
Bref, il s'agit pour moi d'une faiblesse majeure dans l'oeuvre entière de Jacques Tardi, personnages archétypaux sans consistance, message libertarien donneur de leçons omniprésent, une espèce de déclamation permanente et orientée.
C'est son droit.
C'est aussi le nôtre d'affirmer qu'en l'occurence, il se trompe, et trompe ses lecteurs.
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