| Dans tout ce qui sera là, devant eux, à portée de leurs mains, chacun à leur manière, ils
creuseront. C’est le sort de Lecreux, Général et Mademoiselle – les trois protagonistes
(tout un monde) de ce théâtre de l’absurde. Creuser inlassablement.
Général donne des ordres, ses jambes ne le portent plus, il a besoin pour s’endormir que
Lecreux, un ouvrier savant, lui lise des pages de Jules Verne ou de Michel Tournier.
Mademoiselle, gros bonhomme, bon soldat, ne parle pas ; il porte les seaux de terre, il
porte Général, il est peut-être le seul à remonter secrètement à la surface.
Au bout du compte, seul Général trouvera ce qu’il cherchait, les autres resteront à la place
qu’on leur avait assignée. Étaient-ils d’ailleurs en quête de quoi que ce soit ?
“Jadis, au théâtre, le valet et la servante remplissaient une fonction critique, nous dit la
philosophe Geneviève Fraisse dans Service ou servitude. À travers eux, le discours théâtral
témoignait souvent de la liberté de pensée. Appartenir à une classe sociale et vivre dans
une autre permettait de prendre des risques en donnant une lecture du monde. Où se
trouve donc la pensée critique, aujourd’hui, à partir de cette place remarquable?” |