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  rohagus
| Une fois n'est pas coutume, Joann Sfar pose un thème bien précis pour cette BD et, malgré les nombreuses digressions dont il fait forcément preuve, il s'y tient du début à la fin. Le thème, c'est sa propre jeunesse à Nice, comment il a été confronté tout au long de celle-ci à l'antisémitisme, et comment cela aurait pu endurcir son cœur.
A travers ses Carnets, Sfar s'est déjà beaucoup livré au jour le jour. Mais à ma connaissance, il n'avait jamais jusque là livré à l'œil public un autre Joann que celui de l'instant présent, il n'avait jamais raconté le Joann de son adolescence, plus de trente ans dans le passé, et il n'avait jamais vraiment parlé de son père. En cela, cet album sort des productions habituelles de l'auteur et se révèle aussi plus intime, plus réfléchi et plus structuré que nombre d'entre elles.
Graphiquement, il fait le choix d'utiliser ici le même style que dans Le Chat du Rabbin, un style heureusement moins lâché et brouillon que pas mal de ses albums les plus récents qui m'ont fortement déçu. Ce n'est toujours pas ma tasse de thé mais au moins je ne trouve pas ça repoussant.
La structure narrative reste propre à Sfar : elle n'est pas linéaire et suit davantage le fil de sa pensée, comme une conversation avec son lecteur. Comme à son habitude, il parle avant tout du monde juif et de sa propre personne, mais il mène ici plus intensément une réflexion sur son propre rapport à ce fameux monde juif et sur la période durant laquelle il a fait le choix de le défendre par une forme de violence plutôt que par les simples mots et images qu'il utilisera durant sa carrière d'artiste. Par le biais de nombreuses digressions sur sa famille, sur la ville de Nice et sur la politique, il nous présente le contexte de sa jeunesse niçoise dans les années 1980 et début 1990, et dresse un bilan assez rude de l'antisémitisme qu'il a côtoyé à l'époque, avec une quantité de skins et de racistes assez impressionnante pour quelqu'un qui n'a pas vécu ça. Et ce qui va devenir une forme de combat ou du moins d'endurcissement de sa part prend alors la forme d'une suite logique d'évènements, de rencontres et de dialogues, avec toujours le doute en toile de fond sur la bonne méthode à suivre et sur sa propre propension à la violence, quelque part entre la voie pacifique de son grand-père et celle bien plus hargneuse de son père, avocat célèbre mais aussi prompt à l'affrontement physique.
Il y a toujours ces petits tics narratifs et graphiques qui m'agacent chez Joann Sfar mais j'ai trouvé cet album sincère et intéressant. C'est en tout cas l'un des albums personnels de cet auteur qui m'a le plus touché depuis pas mal d'années. |
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