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© Nucléa²

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L'absolution par le feu
ScénarioTouzot Hubert
DessinGuénet Nicolas
Année2003
EditeurNucléa²
SérieSuleymane, tome 1
Bullenote [détail]

 

1 avis

Pierre
Repousser les limites de l’ignominie, telle semble être l’ambition cachée de cette ahurissante entreprise narrative et graphique. Après qu’on en ait achevé la lecture, un sentiment nous étreint : ne tenons-nous pas là enfin entre nos mains fébriles la perle rare, le merle blanc, ce rêve secret de tout lecteur de bande dessinée, je veux dire : la daube ultime ?

On ne dira rien de la couverture dont les audaces chromatiques à elles seules laissent aisément présager la consternation qui nous attend. A vrai dire, il n’y a pas de scénario mais plutôt un brouet infâme où ont longuement macéré les pires clichés S. F. : dans un improbable Moyen Âge futuriste où notre planète est recouverte par les eaux, de vilains méchants poursuivent sans relâche les gentils. Ajoutons que ce canevas usé est dépourvu de construction dramatique et que les personnages qui le traversent sont des fantoches aux motivations obscures. Il y a aussi d’énormes invraisemblances, telles ces deux fugitifs qui, vêtus de rose fuchsia et de bleu turquoise, tentent de se fondre discrètement dans un foule uniformément beige…

Bizarrement, l’album est farci de références à l’histoire médiévale: ce sont partout « connétables », « prévôts » ou bien « nobles feudataires », sans que cela apporte du sens au récit. De même, c’est avec un certain étonnement qu’on retrouve ici transposée la division tripartite de la société selon l’évêque Adalbéron de Laon comme suit : il n’existe que trois groupe d’individus : le clergé, l’appareil militaire et la populae. Ce qui reste est donc perçu comme de la moindre importance par les deux premiers groupes (sic.). Réminiscences mal digérées semble-t-il de quelque séjour à l’université... En outre, l’ensemble du récit est parcouru de relents anti-chrétiens aux accents immatures. On trouve également des citations latines (page 17) mais elles n’ont curieusement pas la résonance comique de celles de Goscinny dans Astérix… Ces vaines tentatives d’éruditions sont balayées par l’amateurisme de notre scénariste qui, non content d’aligner dans ses dialogues platitude sur platitude, malmène au fil des pages la syntaxe et bouscule l’orthographe.

Evidemment l’ouvrage n’évite pas l’écueil prévisible de ce type de création : à savoir, remplir son quota de polissonneries salaces. Ainsi sommes-nous gratifiés de moult scènes orgiaques dont les outrances, censément destinées à attiser le voyeurisme qui sommeille en chaque lecteur, nous font prendre en pitié les auteurs de ces misérables fantasmes masturbatoires d’adolescent attardé.

Rendons malgré tout hommage à un ultime effort qui, loin de sauver les meubles, parachève le grotesque de l’affaire. Afin, sans doute, de renforcer la cohérence de l’ensemble ou d’en éclairer le sens, les auteurs nous proposent deux pages de présentation des personnages qui sont autant de fiches aux croquignolettes précisions. Ainsi apprend-on que : cette personne aux mystérieuses origines […] par des recherches poussées a réussi à repousser les notions du bien et du mal et fusionner toutes les philosophies de l’histoire de l’humanité pour en ressortir ce mode de vie.

Tout cela ne serait presque rien sans ce qui fait office de mise en image. Le dessinateur, épigone estropié de Frazetta, n’a retenu du Maître que les aplats en couleur directe qu’il s’échine à étaler sur sa page en gros pâtés; son assimilation de l’anatomie semble s’être forgée sur l’étude scrupuleuse de figurines en plastique mal dégrossies; le rendu des matières laisse à désirer, témoin la chevelure de la méchante-rousse-perverse qui évoque irrépressiblement un plat de spaghetti bolognaise animé d’incontrôlables mouvements internes. Quant aux visions vertigineuses que l’artiste nous délivre dans ses compositions, elles trahissent une conception toute personnelle de la perspective qui nous fait voir à la fois le dedans et le dehors (page 25).

On ne saurait achever ce bref examen sans ébaucher l’esquisse d’un élément de réponse face au pénétrant mystère que constitue cet album. Si ce n’est pas simplement un éloge de la laideur, peut-être l’histoire inepte de ce héros, eunuque ballotté dans une histoire qu’il ne comprend pas vraiment est- elle la transcription métaphorique de l’impuissance créatrice des deux auteurs ?
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