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- | P3. Panade à Champignac, [Récit complet]Gos (S), Peyo (S) | - | P41. Bravo les Brothers, [Récit complet] | |
  Matrok
| Cet album contient les dernières aventures de Spirou et Fantasio scénarisées et dessinées par Franquin. On a dit, et à juste titre d'ailleurs, que sur la fin Franquin s'était désintéressé au profit de Gaston des deux personnages éponymes de la série qu'il avait reprise bien des années auparavant des mains de Jijé. Mais peut-être est-ce justement cette lucidité sur ces personnages trop lisses qui fait tout le charme des deux histoires réunies dans ce volume.
"Panade à Champignac" met donc en scène, pour la dernière fois sous les doigts de Franquin, deux des personnages les plus fascinants qu'il a apportés à cette série : le comte de Champignac et Zorglub. Ce dernier, ayant subi à la fin de "l'ombre du Z" les effets de l'arme qu'il avait inventée, a été sauvé par le comte. À un détail près : si son corps est bien celui d'un homme de quarante ans, son cerveau en revanche est celui "d'un bébé de quatre mois absolument normal", selon Champignac. Ce dernier a donc décidé de reprendre son éducation, mais étant un peu agé pour s'occuper d'un bébé, il fait appel aux deux héros ! Ces derniers auront fort à faire, car autour du château de Champignac, un étrange individu vient à rôder, apparemment fasciné par Zorglub...
Le scénario de cet épisode est caractéristique de l'humour de Franquin période Gaston Lagaffe, qui en introduisant des éléments absurdes et loufoques dans un monde bien réel en révèle toutes les tares d'une façon à la fois tendre et corrosive. Le plus intéressant ici est qu'il en profite pour dynamiter également les codes de la BD d'aventure : les héros célibataires et éternellement jeunes sont ici forcés de jouer les baby sitter pour un gros bébé peut être encore plus enquiquinant sous cette forme que lorsqu'il s'improvisait dictateur ! "Panade à Champignac" est donc une histoire extrêmement drôle, et moins superficielle qu'elle ne pourrait paraître au premier abord. Rien que cette histoire là ferait déja de cet album l'un des tous meilleurs de la série...
Mais le véritable chef d'oeuvre est la deuxième histoire de cet album, intitulée "Bravo les Brothers". Se déroulant en grande partie dans les murs de la rédaction du journal Spirou, le scénario propose une synthèse réussie entre les univers de "Spirou et Fantasio" et de "Gaston Lagaffe". Gaston a eu une idée originale pour l'anniversaire de Fantasio : il lui a offert trois singes, cadeau que ce dernier n'a pas eu le coeur de refuser. Ces singes s'avèrent être de véritables artistes de cirque, ainsi qu'une nuisance quotidienne à la rédaction. De son côté, Spirou retrouve l'homme qui a dressé les singes : un dompteur génial nommé Noé, vivant dans la misère. Mais Noé est totalement misanthrope : il ne s'entend correctement qu'avec les animaux du zoo, auquels il apprend des tours.
Avec deux ou trois gags par case en moyenne, c'est une des BD les plus drôles jamais réalisées. Mais Franquin y développe également des trésors de tendresse et de justesse dans l'observation des personnages aussi bien humains qu'animaux. Grace à un dessin sublime (Franquin est un dessinateur animalier hors du commun et s'en donne ici à coeur joie), il dresse un portrait assez corrosif de la société dans laquelle il vit, pourrie par l'argent et les rapports de pouvoir. Par contraste, les animaux dressés par Noé semblent s'échapper d'un territoire d'utopie, comme cet élan qui joue au ping-pong ou bien sûr ces singes dont la seule activité est de distraire tout un chacun et de les empêcher de faire ce que la société les oblige à faire : travailler ! Bref, c'est vraiment le sommet de l'art de Franquin. |
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