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  rohagus
| Sous des allures de récit faussement fantastique, Jaime Martin nous plonge dans la seconde moitié du XIXe siècle dans les Pyrénées espagnoles. Là, une vieille ermite vivant de la vente de ses potions à base de plantes recueille une femme fiévreuse, en fuite. Même guérie, celle-ci reste farouche et muette sur son passé, ce qui n'empêche pas la vieille de l'adopter et de la faire passer pour sa nièce auprès des gens du village de la vallée. Mais ceux-ci ne voient pas la nouvelle venue d'un bon œil, lui attribuant le chaos qui va s'emparer peu à peu de l'esprit des villageois et villageoises. Sans parler de cette étrange maladie qui se répand peu à peu.
Depuis Ce que le vent apporte et Toute la Poussière du Chemin, je suis sous le charme du graphisme de Jaime Martin qui se rapproche de celui de Ruben Pellejero. J'aime l'encrage épais de ces récits et l'élégance de leurs planches qui ressort d'autant plus dans le grand format des albums de la collection Aire Libre. Dès les premières cases, j'ai été transporté dans les décors de ces montagnes d'il y a plus d'un siècle et de ceux qui y vivaient. Tout y est impeccable, des personnages aux décors en passant par les couleurs. C'est propre, c'est clair, c'est bien mis en scène et c'est beau.
L'auteur a su capter mon attention immédiatement avec son insertion d'éléments fantastiques dont on ne saura jamais vraiment s'ils sont réels ou seulement métaphoriques. D'ailleurs à ce sujet, autant j'ai bien compris qui était cette sinistre louve, autant je n'ai pas su capter quel était le rôle symbolique que la femme rousse était censée jouer au final. Mais ça n'a pas de grande importance car je me suis laissé emporté par le récit.
Il représente avec rigueur et humanité les conditions de vie dans les montagnes à l'époque. Si tout le cadre a des accents tragiques, ce sont avant tout les relations humaines qui sont mises en avant, faites d'affection, de rejet, de mépris, de confiance et de défiance. Les personnages de la vieille femme et de sa protégée ont tous deux leurs secrets et leurs regrets et ce n'est que vers la fin de l'album qu'ils sont dévoilés, leurs traumatismes du passé les rapprochant encore plus. Et les autres protagonistes ne sont pas oubliés pour autant, les différents villageois, qu'ils soient bienveillants ou malveillants, ont tous une âme et apportent leur pierre à l'édifice de ce récit fort et prenant. Leurs relations sont justes, jamais exagérées ni manichéennes, ce qui permet d'éviter la tragédie facile et prévisible.
C'est aussi l'occasion de découvrir les trémentinaires, ces femmes guérisseuses solitaires qui vivaient de la vente d'herbes et de remèdes naturels, ainsi que la solidarité féminine entre elles.
Solidarité et humanité face à la cruauté du monde, voilà d'ailleurs comment on pourrait résumer les thématiques de cet album.
Très bien racontée, belle et intense, c'est une très bonne bande dessinée. |
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