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| Seediq Bale - Les guerriers de l'arc-en-ciel |
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  herbv
| Nous sommes sur l’île de Taïwan en 1930. Cela fait maintenant trente-cinq ans que les habitants vivent sous la coupe de l’Empire du Soleil levant, depuis que la Chine a cédé cette possession au gouvernement japonais suite à sa défaite lors de la première guerre sino-japonaise (1894-1895). Après une période d’oppression et de révoltes réprimées dans le sang, le Japon décide de s’orienter vers une politique d’assimilation des populations locales, chinoises et aborigènes. Ces derniers sont les premiers habitants de l’île (les austronésiens sont arrivés il y a plus de 6 000 ans) et leurs traditions séculaires, leur mode de vie a résisté aux invasions et oppressions hollandaises, portugaises puis chinoises. Pour cela, ils ont dû aller vivre dans les montagnes et laisser les plaines et les côtes aux envahisseurs. Pourtant, la géographie n’est plus leur alliée depuis que les Japonais ont décidé d’exploiter les riches forêts d’érables, de chênes, de sapins, etc.
Dans la région de Wushe, le peuple Seediq de plus en plus de mal à supporter la domination des Japonais. En plus de les exploiter, ces derniers ne perdent pas une occasion de les spolier d’une partie de leurs revenus commerciaux, de multiplier les vexations, d’abuser des femmes des différents villages aborigènes et d’avoir une attitude arrogante en toute occasion. Rudo Mouna, le chef respecté d’un des villages de la région n’arrive plus à prôner la patience. Pour lui, toute révolte mal préparée ne peut déboucher que sur une nouvelle répression japonaise sanglante. C’est alors qu’arrive la compétition sportive scolaire annuelle, c'est-à-dire un jour de fête réunissant notables de Taïwan et Japonais de la ville de Wushe. Le temps de retrouver son honneur, de mériter son titre d’homme véritable est enfin venu !
Seediq Bale est une bande dessinée de plus de 250 pages (304 avec les différents bonus de la nouvelle édition de 2011, celle-ci même qui a été traduite en français) réalisée par Row-Long Chiu entre 1985 et 1990. À l’époque de la première édition, l’auteur était âgé de 25 ans et il venait de passer cinq années à rencontrer les rares survivants de la révolte de Wushe, à recueillir leurs souvenirs et à en faire un livre. Il réalisa ensuite un film documentaire sorti en 1998. Row-Long Chiu avait choisi le support de la bande dessinée tout simplement parce que cela correspondait à sa formation, étant sorti diplômé en 1985 d’une école d’art, et parce qu’il baignait dans le médium depuis tout enfant, son père et son frère étant aussi auteurs de bandes dessinées. Il a par la suite réalisé un film d’animation sur les mythes et légendes d’une dizaine de tribus aborigènes de Taïwan puis participé en tant que conseiller technique au film Warriors of the Rainbow - Seediq Bale , sorti en 2011. Il est considéré comme l’un des spécialistes de l’histoire et de la culture des Seediq.
Cette érudition se ressent tout au long des pages de Seediq Bale, tant par le soin apporté aux différents costumes et tatouages faciaux, que par la description de l’environnement et du mode de vie des aborigènes Seediq. Le résultat est plus un documentaire illustré reposant sur une voix off narrant les raisons et le déroulement de la révolte de Wushe qu'une bande dessinée mettant en scène le combat de Rudo Mouna contre l’oppresseur japonais. Row-Long Chiu nous propose en fait une double narration. Des phases de pure bande dessinée (comme on l’entend communément), avec des personnages mis en scène, des dialogues, des cases avec la fameuse ellipse intericonique, s’alternent avec de longues phases de récitatifs accompagnant des cases parfois sans liaison directe entre elles, les scènes étant alors décrites graphiquement.
Cette dualité peut déconcerter certains lecteurs. Un autre point peut troubler : Row-Long Chiu change de ton au cour de son récit. Alors qu’il prend fait et cause pour les Seediq dans les premiers chapitres, décrivant les Japonais sous un jour très négatif, il semble rechercher détachement et une certaine neutralité dans le récit de la révolte proprement dit. L’investissement émotionnel de l’auteur est remplacé petit à petit par une description factuelle et une prise de recul par rapport aux différents drames qui se jouent au fur et à mesure que les Seediq perdent le combat contre les troupes japonaises et leurs alliés aborigènes. D'ailleurs, s’il traite ces derniers de collaborateurs, il ne les décrit pas comme des traîtres.
Il ressort de la lecture de l’ouvrage un manque d'unité, d'une impression d’assemblage, ce qu’il est en réalité. En effet, sa conception et sa réalisation a duré de nombreuses années. La bande dessinée de Row-Long Chiu ne repose pas sur un scénario construit mais est le résultat de plusieurs scènes racontées en fonction des témoignages recueillis, ce qui s'est fait sans continuité chronologique. La reconstitution selon une trame temporelle continue ne s’est faite qu’ensuite, l’auteur réorganisant et reliant les scènes entre elles afin d’un faire un récit unique. Pourtant, une fois l'ouvrage commencé, il est difficile de se détacher de Seediq Bale et la lecture se fait d’une traite, malgré l’absence de suspens final, puisque le lecteur sait déjà comment la révolte de Wushe s’est terminée…
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