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  rohagus
| Je découvre sur le tard Guido Buzzelli par le biais de cet ouvrage et j'ai l'impression d'être passé depuis trop longtemps à côté d'un auteur phare. La Révolte des Ratés, dissimulée derrière une couverture à priori peu engageante, se révèle être un petit monument du 9e Art.
Dessinée en 1966 et publiée en 1967 en Italie puis en 1972 dans le magazine Charlie Mensuel, il s'agit d'une fable satirique et politique. Elle met en scène un monde imaginaire où la société est scindée en deux castes. D'un côté, les Ratés, tous moches et difformes, qui travaillent comme des forçats dans des mines et subsistent de la maigre soupe que leur délivrent leurs gardes autoritaires. De l'autre, les Parfaits, tous beaux et jeunes, qui vivent le parfait bonheur dans l'opulence que leur procurent le travail et le combat des Ratés. Spartak, lui, est un Raté plutôt intelligent qui sert comme bouffon à la cour du roi des Parfaits mais travaille en secret à mener la révolution de son peuple contre les oppresseurs.
L'ouvrage bénéficie avant tout de l'excellent dessin de Guido Buzzelli. Ses planches ont été une vraie révélation pour moi. Son trait est formidable de technique et d'aisance. Sur le plan de la BD, il me fait penser aux grands auteurs classiques d'avant-guerre tels qu'Alex Raymond ou encore Harold Foster, mais il est aussi capable d'extravagance humoristique à la manière des auteurs du magazine MAD. Sur le plan du dessin de manière générale, il me fait penser à d'autres très grands artistes tels que Goya, Léonard de Vinci ou encore Daumier. On sent en lui une véritable maîtrise en matière d'anatomie, capable de représenter aussi bien des corps parfaits que d'hideuses difformités, excellant également dans la représentation de corps équestres. Ses personnages sont beaux et dynamiques, ses décors simples mais soignés, sa mise en page agréable, sa narration graphique un tout petit peu fouillis mais efficace malgré tout.
Le récit est raconté sur un ton semi-humoristique, prenant parfois les allures d'une farce grotesque d'autres fois celles d'une tragédie dramatique. Malgré le sérieux et l'horreur de certains passages, l'atmosphère reste légère, prompte au sourire ou à la blague.
Et surtout, cette fable trouve une morale particulièrement bien vue, intelligente et toujours d'actualité. Il s'agit de montrer la vanité d'une Révolution et à quel point le système finira de toute manière toujours par revenir aux mêmes bases à quelques différences mineures près.
Intelligent, amusant et très beau, cet ouvrage et son auteur sont définitivement à découvrir. Il est juste regrettable qu'il n'ait plus été réédité depuis les années 80, d'autant plus que les Editions du Cygne ont interverti par erreur au moins trois paires de planches dans cet album ce qui gâche malheureusement la lecture.
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