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| Les Réussites par l'image |
En trichromie |
  Mr_Switch
| Trouver une bande dessinée, un livre en bandes dessinées, qui ne soit pas une histoire. Voilà un challenge auquel je réfléchis ponctuellement, au hasard d’ouvrages qui me passent entre les mains.
J’écris bien « histoire ». Je ne m’aventure pas sur le chemin de la narrativité. D’abord, est-ce bien possible de s’absoudre de toute narrativité en bande dessinée ? Oh, il y a sûrement des tentatives qui ont été faites d’en réaliser. Peut-être avec bonheur.
Surtout, ce n’est pas l’exploit ou le but en soi qui m’intéresse mais l’état de fait. Ce n’est pas « Il a réussi à faire une bande dessinée sans histoire » ; c’est « Tiens, on peut qualifier ce livre de bande dessinée alors qu’il ne nous raconte rien ».
Vous me direz, certains manuels de montages, certains modes d’emploi ou protocoles adoptent cette forme. Précisément. Je ne prétends pas la rareté. Je pense simplement que l’on ne réalise pas forcément sur le moment que tel ou tel livre est un bon exemple.
A ce titre, les fascicules d’instructions de montage Lego ont exercé sur moi leur charme dès mes premières années. Je ressentais de la magie s’échapper de ces pages. Attention, je parle bien ici de séquentialité : j’étais capable d’anticiper certaines étapes des montages mais je trouvais ça tout aussi marrant de m’astreindre à suivre le cheminement imposé.
Cependant ces fascicules, à part rares exceptions, n’étaient pas des livres à part entière mais des documents annexes.
Il est bien connu que l’on n’est que rarement clairvoyant face à ce que l’on a devant les yeux régulièrement. Je n’ai pris conscience que récemment que le présent livre, Les Réussites par l’image, était un bon exemple.
Vous aurez compris que J. Massacrier nous explique ici les règles de quelques jeux de réussites.
Il s’agit d’un livre à part (de moins de 50 pages, ok). Il n’est pas inféodé à autre chose… mais, fatalement, il sera de moindre intérêt si vous n’avez pas de jeux de cartes en main.
Il est édité par un gros éditeur, Albin Michel, en 1983.
Le titre n’est pas anodin. Oh, il n’est pas question de bande dessinée ; mais on va expliquer « par l’image ».
De fait, les 7 chapitres, pour les 7 jeux expliqués, se ressemblent. Un grand texte manuscrit explique la marche à suivre, en renvoyant régulièrement à une illustration x ou y. Suivent les planches dont les vignettes numérotées représentent le tapis vert et les mouvements de cartes et uniquement cela. Texte et vignettes s’alternent parfois.
On pourrait avancer que ces planches constituent une bande dessinée par accident. Quand bien même… Cependant, Massacrier ne rime pas avec Jourdain. Et chose plus probante encore pour infirmer, toutes les images ne répondent pas au texte ; mais l’ensemble du texte répond aux planches, les explicite1.
Les planches sont donc annotées presque plus que le texte n’est illustré.
Oh, ce n’est pas de la grande bande dessiné. Les planches isolées sont incompréhensibles, malgré une bonne séquentialité. Ce sont les planches alliés au texte qui permettent une compréhension et un apprentissage efficace… si tant est que l’on ait envie d’apprendre ces réussites !
J’ai eu ce livre assez jeune. Avant de connaître les réussites sur ordinateur, notamment. Je n’étais pas particulièrement rétif à l’idée d’apprendre d’autres réussites que le fameux Solitaire. Or le premier chapitre du bouquin est consacré à un jeu nommé « Les 4 As », aux règles bien simples. Le but est, en toute logique, de ne plus avoir que les 4 As, en fin de partie. Je suis devenu un spécialiste de ce jeu. J’en ai fait assez de parties pour me rendre compte qu’elles sont rarement gagnables. Pourtant l’exemple du livre conduit à une victoire. Evidemment, l’auteur n’a pas choisi n’importe quel tirage ! Je vous fais grâce de toutes les expériences que j’ai imaginées par la suite autour du canevas de cette partie dessinée de A à Z.
Difficile d’avoir un avis sur le dessin de l’auteur : des cartes, des cartes, des cartes. Toujours les mêmes… ou presque. S’il y a eu photocopies sur certaines planches, on repère de micro variations sur d’autres… Et c’est bel et bien le fait que ce soit dessiné à main levé qui rend l’ouvrage accueillant. C’est la belle écriture du sieur qui marque le plus durablement.
Les mouvements de cartes sont fléchés dans certains chapitres et non dans les autres. Pas si étonnamment que cela, les premiers paraissent bien plus dynamiques que les seconds.
En général, pour chaque jeu, une partie entière est illustrée. C’est assez vite fait. Assez vite fait… sauf pour « Les 4 As » sus-présenté - et c’est là qu’arrive la caractéristique la plus frappante du bouquin : après trois planches dans le corps du livre, il faut aller en couverture pour avoir la suite, puis en pages de gardes et enfin en quatrième de couverture.
Sur les neufs planches, six sont ainsi dispersées. Vous me direz que ce procédé est connu. Certes, mais c’est ainsi que la plus grosse séquence de planches du bouquin est placé en paratexte plutôt qu’en texte.
De la nostalgie pour ce bouquin ? Non, pourquoi ? Il est là. Si je veux réapprendre une quelconque réussite, il sera toujours là. Prêt à l’usage pour l’emploi qui est le sien !
C’est un livre qui serait quelconque sans la jolie sobriété du trait de l’auteur et de l’impression bichromatique. Je l’aurais oublié sans cette maquette foutraque du paratexte. Ce serait un livre que je n’aurais pas rouvert si je n’avais voulu y voir plus que ce qu’il est factuellement.
1. Plus trivialement, on remarquera que le livre est présenté comme étant « au format BD » sur le marché de l’occasion… |
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