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| Dans la campagne anglaise, un vieux couple se prépare, avec minutie, à recevoir une bombe atomique russe sur la gueule. |
  thierry
| C'est l'histoire d'un gentil petit couple de retraités.
Des gens simples profitant de leurs vieux jours dans un petit cottage de la campagne anglaise.
Leur petit nid est un peu isolé, mais ils sont heureux.
Tout serait parfait si, au loin, il n'y avait cette menace d'une guerre mondiale. Ils ne comprennent pas grand chose à ce qui se trame au dessus de leurs têtes. Mais ils ne vont pas se laisser abattre pour autant !
Heureusement, le gouvernement a pris les choses en main. Il a édité une brochure que monsieur Bloggs, en bon citoyen, s'est empressé d'aller chercher à la bibliothèque municipale.
Cette brochure détaille tout ce qu'il faut savoir pour faire face à une attaque nucléaire.
Comment créer un abri.
Comment l'aménager.
Comment organiser la survie dans les 14 jours suivant l'attaque.
Ils se lancent donc dans les préparatifs, un peu inquiets. Mais aussi animés par une étrange excitation devant ce qui perturbe leur routine. C'est bien beau de peindre les fenêtres en blanc pour repousser la chaleur dégagée par une bombe nucléaire. Mais il ne faut quand même pas tâcher les rideaux.
Et pas question d'utiliser les beaux coussins du salon pour l'abri.
Ils seront prêts, nos gentils retraités, qui se rappellent le Blitz, confondent les boches et les russkofs, qui espèrent que leur grand garçon qui habite en ville pourra également se mettre à l'abri.
Pendant ce temps, au loin...
C'est le seul livre pour adulte réalisé par Raymond Briggs que je connaisse. L’auteur est spécialiste des livres pour la jeunesse. Il s'attaque à la peur nucléaire, mais adopte un angle original.
Il se met à hauteur des gens les plus simples qui soit.
Ils ne comprennent pas grand chose, affichent bien un patriotisme de façade, mais bien maladroit et peu convaincu. Ils ne sont en rien concernés par ce qui se joue au dessus de leur tête.
Pourtant ils seront en première loge.
Pour eux, tout n'est qu'un petit jeu un peu absurde, qui implique de construire une cabane en attendant des jours meilleurs, tout en gardant une foi inébranlable en l'avenir. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Ensuite tout reprendra comme avant. C'est ce qui est arrivé après le Blitz, n'est-ce pas?
Ce sera pareil.
Une parenthèse désagréable...
S'ils savaient...
Raymond Briggs a traduit la petite routine de ses héros dans des pages chargées de petites cases remplies de dialogues qui témoignent de la complicité qui peut lier un couple de petits vieux qui s'aiment autant qu'il s'agacent gentiment. Une vie de petits riens, de répétitions, d'instants partagés, par opposition à quelques doubles pages oppressantes qui illustrent le compte-à-rebours inéluctable ou pour illustrer la compréhension très déformée des événements par le couple Bloggs.
Quand souffle le vent, ou When the wind blows en version originale, est une fable tragique qui traite de cette angoisse sourde qui a accompagné la guerre froide.
Cette crainte d'une guerre qui serait, pour le coup, la vraie der des der.
Parce qu'après, il ne resterait plus personne.
On avait cru que la crise des missiles cubains déclencherait les hostilités. Ce ne fut pas le cas.
Lorsque ce livre paraît en 1982, cette peur est ravivée. L'équilibre précaire des forces en présence est de plus en plus fragile, surtout que les USA préparent leur programme Star Wars, qui sera officiellement lancé en 1983.
Le livre fait sans doute preuve d'une certaine naïveté. Elle est justifiée face à l'énormité de la menace. Briggs oppose les Puissances En Charge ( « the Powers to Be » en anglais, traduit « les Autorités Supérieures » en français) à de petites gens. Quoi de plus éloigné de l'ogre soviétique et du monstre impérialiste qu'un charmant couple de petits vieux, aspirant à une retraite à la campagne ? Les Bloggs sont presque une image d'Epinal figurant le désir de cultiver son jardin, loin de la fureur du monde.
Ce très beau livre, inexplicablement indisponible en français, a connu en 1986 une adaptation en film d'animation, porté par une bande originale signée Roger Waters avec la participation de David Bowie (qui chante la chanson-titre) ou encore de Genesis. |
rohagus
| Avec Ethel & Ernest, Raymond Briggs m'avait prouvé qu'il savait raconter avec tendresse la vie d'un couple d'anglais simple et sans histoire, se souciant plus de leur petite vie domestique que du monde extérieur. C'est un couple similaire qu'il met en scène dans cet album, mais dans une ambiance nettement plus ambiguë. Pour commencer, même s'ils s'aiment tout autant, ces deux-là sont nettement plus naïfs, voire gentiment niais. La femme est une ménagère qui ne voit guère au delà des murs de son foyer et de la propreté de ses rideaux. L'homme ne connait le monde extérieur que par la lecture des journaux, l'écoute de la radio et les discussions au pub dont il ne retient les infos que de travers. Et quand il apprend que la troisième guerre mondiale risque bientôt de se déclarer, il va suivre à la ligne les consignes des autorités pour construire son abri de fortune dans son propre salon, sous le regard circonspect de sa femme qui prend cela pour un caprice immature de son mari et s'inquiète avant tout qu'il ne salisse pas les rideaux ni n'abime la tapisserie... alors que les bombes atomiques sont censées pleuvoir sur eux dans très peu de temps...
La première partie du récit joue sur ce contraste entre l'apparente gravité de la situation et la manière complètement insouciante et naïve qu'a le couple de se préparer. Faisant une confiance aveugle aux pouvoirs en place et pensant avec une certaine nostalgie à l'époque simple et presque agréable de leur vie sous les bombardements allemands de la deuxième guerre mondiale, ils nous alignent des dialogues décalés et assez drôles compte tenu de la situation à tel point qu'on ne sait jamais vraiment s'il faut prendre la menace de la guerre au sérieux ou pas.
Et puis vient la seconde partie, après un évènement-clé, et les choses changent. La situation est cette fois confirmée et on ne peut plus du tout la prendre à la légère, et pourtant le couple garde la même insouciance et la même confiance aveugle que les secours seront là dans très peu de temps et que les autorités ont bien tout prévu comme il faut. Cette partie est un peu moins drôle et certains longs dialogues y sont plus rébarbatifs. Et surtout, l'humour laisse peu à peu la place à quelque chose de bien plus sombre, notamment sur la fin qui laisse le lecteur dans une situation douce-amère, ne sachant s'il faut en rire ou en pleurer.
Si j'ai été touché par la tendresse et l'humour très particulier de cette BD, j'ai été un peu rebuté par la densité de chaque page, avec une très grande abondance de cases et des dialogues parfois laborieux, surtout pour qui ne connait pas toutes les références très anglaises et très datées des années 1980 ou d'avant dont il est régulièrement question. Le dessin pour sa part est mignon dans son style proche des illustrations jeunesse mais il se fait plus brouillon sur la fin... quand les choses tournent mal... J'imagine que c'est voulu mais on profite moins du style graphique de Briggs à ce moment-là.
Je n'ai pas été aussi touché par cette lecture que je l'aurais aimé mais je l'ai trouvé intéressante et très originale dans son ton et surtout dans le contraste tragicomique entre son apparente insouciance, la vérité des faits racontés et sa conclusion. |
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