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| Pierre Goldman - La vie d'un autre |
En décembre 1969, deux pharmaciennes sont tuées et un policier blessé, lors d’une tentative de hold-up boulevard Richard-Lenoir, à Paris. Quatre mois plus tard, la police arrête Goldman, un coupable idéal, au vu des braquages qu’il a déjà commis et de son activisme révolutionnaire. Condamné à la réclusion perpétuelle en 1974, il est finalement acquitté en 76, après un second procès en cassation mené par maître Kiejman. Son comité de soutien d’alors, centralisé par Libération, est constitué entre autres de Mendès-France, Françoise Sagan…
Au cours des six années passées à la prison de Fresnes, il passe deux maîtrises, l’une en espagnol, l’autre en philosophie, il apprend à se connaître en écrivant un livre (Seuil, 1975) et, paradoxalement, découvre la paix intérieure.
Le 20 septembre 1979, en plein Paris, vers midi, Pierre Goldman est tué, il a 34 ans. Dans la demi-heure qui suit, un obscur groupuscule d’extrême droite, signant « Honneur de la police », revendique l’assassinat... |
  rohagus
| Pierre Goldman, je n'en avais jamais entendu parler. Pour ceux qui ne le connaissent pas non plus, sachez que c'était un militant actif d'extrême gauche, ayant glissé dans le banditisme, qui a été accusé d'un double meurtre à la fin des années 60 avant d'être acquitté puis assassiné quelques années après sa libération.
Emmanuel Moynot fait avec cet ouvrage le choix de nous raconter l'essentiel de sa vie, et notamment ce qui a pu le mener à perpétrer quelques hold-up à main armée, puis d’éclairer les circonstances de son accusation de meurtre, ses procès, son acquittement et ce qui s'en est suivi. Pour cela, il se base sur ses propres recherches documentaires et surtout sur plusieurs entretiens fouillés qu'il a eus avec des proches ou les avocats de Pierre Goldman lui-même.
L'album se présente en chapitres de bandes dessinées ponctués des comptes-rendus détaillés et légèrement illustrés des entretiens qu'Emmanuel Moynot a réalisés. Ces textes, longs de 4 à 8 pages chacun, sont très denses puisqu'ils comprennent probablement l'ensemble du contenu de ces entretiens, comme des éléments de documentation essentiels pour comprendre la démarche de l'auteur.
Le tout est mis en image dans un style agréable en teintes de gris me rappelant celui d'Etienne Davodeau.
L'auteur a visiblement tenté de présenter, dans la partie bande dessinée, les faits de manière aussi détachée et aussi neutre que possible. Sauf erreur, il se contente pour seuls textes ou presque de citations du protagoniste principal lui-même, d'articles d'époque et de comptes-rendus d'entretiens et de procès. Le militantisme de Pierre Goldman, son envie d'une révolution radicale, son besoin viscéral de combattre, son insoumission et ses hold-up à main armée sont présentés comme de simples faits, sans jugement... si ce n'est que le déroulement des faits principaux, ceux liés à l'accusation de meurtre, est la version de Pierre Goldman lui-même puisqu'il s'agit d'extraits de sa propre autobiographie.
Il n'est pas question d'impartialité, par contre, en ce qui concerne les entretiens qui sont pour beaucoup ceux d'amis du personnage, souvent eux-mêmes militants d'extrême gauche très engagés, qui pour la majorité d'entre eux le soutiennent sans faille malgré les légers défauts qu'ils lui reprochent parfois, respectent voire admirent sa lutte militante passée et occultent sans peine ses actes criminels avérés.
Cette partialité est néanmoins compensée par l'aspect instructif de toutes ces informations et par les avis moins tranchés et plus circonspects de certaines autres personnes interviewées.
Le vrai défaut, par contre, c'est que quand on ne connaît rien de l'affaire et du personnage de Pierre Goldman, le récit s'entame directement sans qu'on ne comprenne rien. Plutôt que d'utiliser le contenu de ses entretiens pour expliquer et donner vie à la bande dessinée, Emmanuel Moynot commence à les retranscrire tels quels de manière brute dès la 16e page, avant même que le lecteur puisse bien saisir les tenants et aboutissants de l'affaire. Et ce sont là des entretiens qui fourmillent d'informations, qui en débordent même au point de très rapidement noyer le lecteur qui connaît trop mal le contexte, les gens et les ambiances de l'époque.
J'ai le sentiment que l'auteur aurait dû regrouper l'ensemble de ces entretiens en fin d'album et ne pas les intercaler entre les chapitres en bande dessinée, ou du moins pas aussi rapidement. Présentés ainsi, les premiers textes sont totalement indigestes car le lecteur lambda ne sait rien de toute cette affaire et ce n'est qu'après lecture de la BD elle-même qu'il peut mieux appréhender leur contenu
Inversement, un tout petit peu plus d'explications délayées dans les planches BD les auraient rendues plus instructives, plus complètes et autonomes.
Là, on a d'un côté une partie dessinée qui se lit bien mais parait un peu vide, et d'un autre côté des textes très instructifs mais longs et franchement lourds à lire quand on découvre le sujet ou que tous ses éléments ne vous passionnent pas. J'aurais aimé que l'ensemble s'imbrique mieux, que le média bande dessinée soit favorisé et qu'il mette en scène à lui seul la substantifique moelle du contenu de ces entretiens, ces derniers demeurant par la suite comme seule documentation annexe pour les plus désireux d'aller encore plus en profondeur dans le sujet.
Je ressors de cette lecture comme du parcours d'un documentaire dense et complexe, où il a fallu que je m'accroche pour entrer pour de bon dans le contexte et m'attache à son récit. Ce fut une lecture un peu fatigante de par sa structure et l'accompagnement de ses textes longs et difficilement abordables pour qui découvre l'affaire, mais ce fut néanmoins une lecture instructive sur un sujet qui, pourtant, n'avait pas grand chose pour m'intéresser à la base.
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