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  rohagus
| Autant j'aime le personnage de Peter Pan, autant j'avoue mon ignorance de ses origines et du fait que J.M. Barrie avait écrit d'autres œuvres le mettant en scène avant d'être adapté plus tard par Disney*. Dans celui-ci, le personnage et son mythe n'étaient pas encore complètement formés mais Munuera a choisi de l'adapter librement en faisant justement coller les éléments pour qu'ils forment un tout cohérent, faisant référence au Pays Imaginaire et même à Crochet dans un récit où initialement ils étaient totalement absents. Cela permet ainsi d'offrir une vraie nouvelle histoire de Peter Pan avant Wendy, donnant un nouveau corps et une nouvelle profondeur à ce personnage imaginaire.
Cela se passe à Londres, dans le jardin de Kensington, voisin de Hyde Park. Alors que les humains sont couchés et que le monde féérique reprend possession des lieux, une petite fille est perdue et seule face aux dangers qui la menacent. Apparait alors un garçon mi-humain mi-oiseau, Peter Pan, qui va voler à son secours et, plutôt que de la ramener tout de suite chez ses parents, va essayer de l'inciter à rester jouer avec lui pour l'éternité, en refusant de grandir et de devenir l'un de ces ennuyeux adultes.
Munuera fait ici preuve de sa maestria graphique. On retrouve ses personnages très vivants et dynamiques incrustés sur des décors soignés et envoutants. Ceux-ci sont d'ailleurs presque trop réalistes au détriment du sens de la magie et de la poésie entourant le mythe de Peter Pan. A l'inverse, j'ai beaucoup aimé sa représentation des fées qui est originale et bien trouvée. Et il y a aussi ces différentes scènes plus sombres, notamment celles mettant en scène les Ombres, dont l'aspect terrifiant fonctionne bien. Et surtout, son Peter a juste ce qu'il faut d'impertinence, d'insouciance et de ce côté piquant et agaçant propre au personnage.
L'histoire est simple mais bonne. J'aime la manière de Munuera de l'intégrer au mythe que l'on connait mieux de Peter Pan et du Pays Imaginaire même si on sent que c'est légèrement forcé puisque totalement absent du récit originel. Il y a aussi une grande part d'ambiguité dans la beauté féérique de cet univers et les sombres dangers qu'il contient, ainsi que dans l'esprit de Peter Pan à la fois amical et protecteur et en même temps juge implacable et dangereux d'insouciance. J'y retrouve bien là cette même part d'ombre de l'œuvre de Barrie, ombre qu'on retrouvait aussi dans le Peter Pan de Loisel et dans certains de ses passages particulièrement cruels. Ici l'ombre n'est qu'évoquée et fuie, mais on la sent bien présente.
Il m'a manqué toutefois une part de beauté poétique, d'un peu de ce charme qui m'aurait envouté et transporté. J'ai aimé cette lecture, je l'ai trouvée belle et intelligente, mais elle ne m'a pas emporté comme je l'aurais espéré. Comme si elle avait un je ne sais quoi d'un peu mécanique et convenu qui m'a empêché d'y croire. Peut-être qu'une future relecture relèvera mon opinion.
* L'histoire éditoriale de Peter Pan n'est pas simple. Barrie commence par écrire en 1902 Le Petit Oiseau blanc dans lequel Peter Pan apparait durant quelques chapitres. Ce Peter n'est pas encore exactement celui qui passera à la postérité. En 1904 vient la pièce de théâtre Peter et Wendy qui est le socle de l'histoire que l'on connaît. Cette pièce est adaptée par l'auteur en roman en 1911. Mais depuis 1904, elle est aussi jouée en permanence, ce qui amène Barrie à remanier régulièrement son texte. Il existe donc plusieurs versions de la pièce, mais aussi du roman. Histoire de corser le tout, en 1906, c'est-à-dire après que la pièce a été créée, les chapitres du Petit Oiseau blanc où Peter apparait sont réunis pour une publication à part, Peter Pan dans les Jardins de Kensington. C'est donc ce dernier texte que Munuera adapte librement. |
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