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| Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose ? |
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  rohagus
| A l'image d'un Gemma Bovery, cet album combine planches de bande dessinée et pages de texte illustré pour former un ensemble dense et intéressant pour parler en longueur d'un sujet assez rare : la fin de vie. L'auteure, Roz Chast, y parle en effet de ses parents avec lesquels elle entretient une relation un peu particulière, à la fois affectueuse et distante. Alors que ceux-ci commencent à devenir vraiment âgés, elle s'interroge en effet sur ce qu'ils vont devenir et redoute le moment où ce sera à elle de gérer leurs derniers instants, surtout si l'un meurt avant l'autre. Et le récit va ainsi les suivre au fil des années, tandis que la vieillesse fait son œuvre implacable et que l'inévitable finit par aboutir.
Les parents de Roz Chast ont des personnalités très fortes, et c'est ce qui fait le sel de cet ouvrage. Ce sont en effet des Juifs new-yorkais dans ce qu'il peut y avoir de plus caricatural, certes pas vraiment pratiquants mais avec toutes les manies et psychoses dignes des films de Woody Allen ou des personnages de Will Eisner. Le père est un angoissé pathologique, craignant de sortir de chez lui et s'imaginant le vol, la maladie et la mort à chaque instant. Quant à la mère, elle est d'une obstination sans borne, colérique et dominatrice, et malgré tout affectueuse envers son mari qu'elle couve. Unis par un passé familial traumatisant, hérité des pogroms, de la Shoah et de la misère des émigrés obligés de survivre de petits boulots à leur arrivée aux Etats-Unis, les deux forment un couple très soudé, presque comme deux alliés face au monde dangereux.
Leurs psychoses et leur entêtement font qu'ils refusent catégoriquement d'aborder frontalement le sujet de la mort et de la fin de vie. Et du coup, leur fille se retrouve à devoir gérer leur obstination en partie contre leur gré, même quand ceux-ci se révèlent ne plus avoir guère de choix quand la détérioration physique et mentale sera telle qu'ils ne pourront plus subvenir à leurs besoins essentiels et devront être placés en établissement médicalisé.
En parallèle, on suit les états d'âme ambigus de l'auteure et narratrice car, comme elle est plus ou moins fâchée avec ses parents et a cherché à les éviter une grande partie de sa vie, elle a des sentiments à la fois de tristesse et de soulagement à l'idée de leur mort et de ne plus avoir à les gérer.
C'est un album dense et long à lire, proche d'un roman court. Son graphisme n'est pas enthousiasmant mais il se révèle suffisamment efficace pour se faire oublier et laisser la place à une narration qui fonctionne bien. Les sujets abordés sont intéressants et amènent le lecteur à s'interroger sur la manière dont chacun se comportera le jour où il devra gérer la fin de vie de ses propres parents. Le caractère de ceux de Roz Chast est parfois tellement excessif qu'il s'en dégage un humour certain tant il tourne à l'absurde, tout en restant tristement réaliste.
Bref, c'est un ouvrage qu'on lira avec un sourire jaune, un peu gêné, un peu amusé, mais surtout avec curiosité sur les détails et le déroulement d'une période de la vie à laquelle la majorité des gens seront malheureusement confrontés. |
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