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  thierry
| Après les Maîtres de l'Orge, voici les Maîtres du Barreau !
En vacances, loin de ma bibliothèque, j'ai eu envie de lire une bande dessinée. Dans ce bled, pas question de trouver mes machins habituels, je me suis rabattu sur le hors-série de l'Echo des savanes. Je passerai sur l'abîme de perplexité dans lequel me précipitent les Sales blagues de Vuillemin, qui me font autant rire que Guy Montagné en slip, pour me concentrer sur un des 2 albums complets jetés en pâture à mes yeux.
L'ordre de Cicéron, tome 1, par le scénariste néophyte Richard Malka, plus connu pour ses activités d'avocat, et Gillon, un des derniers dinosaures, au trait classique mais élégant.
Dès la première page, le ton est donné. Un conseil d'administration, on y parle gros sous, fusion et acquisition, le tout saupoudré de rancoeur personnelle. Le jeune, beau et carnassier patron du cabinet d'avocats Steiner, un des plus puissants du monde, voire le plus puissant, veut acquérir le cabinet de Veyrac à Paris. Pourquoi un homme si puissant désire à ce point acquérir ce petit cabinet, sans attrait particulier ? Pour être présent sur Paris ? Ou pour une raison plus obscure et personnelle ? Roooh ! Y aurait-il une vengeance là-dessous ? Une vengeance transgénérationnelle ? Une rancoeur ancienne et terrible qui gronde de l'intérieur notre carnassier, beau et ténébreux avocat, qui n'a pas l'air sympathique de tout ?
Parce que le rôle sympathique de l'histoire, dès la deuxième planche, semble devoir échoir à Benjamin de Veyrac, jeune avocat idéaliste aux dents longues, mais intègre, juste et droit, qui préside aux destinées de ce petit cabinet bien installé et intègre. Il est jeune, beau, « coolement » habillé (pas d'affreux costard noir typique des conseils d'administration des grosses firmes américaines !). Lui, il est sympa et bien surpris de l'intérêt malsain de ce méchant requin pour sa petite affaire intègre et honnête. Et ce n'est pas sa petite amie anti-américaine, et alter-mondialiste et anti-corporation, donc ennemie naturelle du méchant Nathan Steiner, qui va lui faire changer d'opinion. Mais pourquoi tant de haine ?
Mais c'est terrible !
Heureusement qu'un vieil oncle va éclairer la lanterne de notre sympathique héros, et la nôtre par la même occasion.
Tout remonte aux sombres années qui précèdent la deuxième guerre mondiale quand Raphaël Steiner et Nicolas de Veyrac, lointains aïeux de nos héros et amis, terminaient leurs études d'avocat. Brillants tous les deux, mais surtout Raphaël, leur amitié était encore renforcée par l'amour qui unissait Raphaël à la soeur jumelle de Nicolas. mais les temps sont durs, surtout quand on est juif dans cette France soumises aux soubresauts de la bête immonde qui se réveillent lentement et s'apprête à recouvrir d'un voile de ténèbres le destin de ces jeunes gens si prometteurs.
Que c'est terrible !
La bête immonde bougeotte gentiment et dresse un obstacle entre nos chers amis, en la personne d'un noir accusé d'avoir atrocement assassiné ses patrons, suivant des rites cruels et sanglants. Tout l'accuse, mais lui clame son innocence. Malheureusement, dans cette France qui se laisse séduire par les remugles racistes et antisémites de la bête immonde qui s'étire avant de frapper encore une fois sur le bouton snooze du radio-réveil, l'enquête bâclée et les préjugés racistes l'ont déjà condamné aux yeux d'une opinion publique anesthésiée par le discours antisémite murmuré par la bête immonde à l'oreille de certains opportunistes qui rêvent de puissance et de gloire. Et c'est à notre idéaliste et brillant Steiner qu'échoit la défense de Kassilié, alors que l'un peu moins brillant de Veyrac s'occupe des parties civiles du même procès.
Terrible opposition, qui réveille les jalousies encore accentuées par l'amour que porte la soeur de Nicolas à Raphaël, qui la forcera vite à devoir choisir son camp. Parce qu'un camp, il faudra choisir, alors que la bête immonde exhale les premières odeurs fétides de pets nauséabonds. Pensez, un youpin qui défend un nègre qui a assassiné sauvagement de bons notables français, nous frisons la provocation franc-maçonnique !
Je passe sur les détails, les témoins surprises plus surprenants les uns que les autres, les rebondissements terribles... je vous révèlerai juste que plus rien ne sera jamais comme avant et que nous avons là les germes d'une haine terrible entre les Steiner et les Veyrac, et une destinée tragique dont le dénouement semble devoir se jouer lors de cet affrontement final entre l'ogre Steiner et le petit poucet français, qui durera 4 tomes.
Terrible !
En fait, un bel enfilage de lieux communs dignes d'une télésuite estivale (un petit rôle pour Ingrid Chauvin ?). Pas fondamentalement mauvais, mais d'une banalité tellement banale qu'elle en devient amusante tout en flirtant avec la plus totale médiocrité. Rien n'est épargné pour faire palpitant. Les ficelles sont d'une grosseur terrible, en plus d'être cousue de fil blanc. Et n'oublions pas le quota de notes en bas de page pour donner un vernis historique et sérieux à la chose. Je passe sur les dialogues lourdingues, la faiblesse des personnages et la prévisibilité des situations. Reste le dessin de Gillon, qui assure le travail avec une certaine rigueur, mais loin de ses plus belles planches. On notera quand même une case assez croquignolette dans un cimetière, qui rappelle les illustrations de détective, reconstitutions exemplaires et exhaustives de faits divers, qui fleurent bon le diaporama.
Ma mauvaise foi crasse fait de cet album l'antithèse de ce que j'ai envie de trouver dans une bande dessinée, mais si je dois admettre qu'il n'y a pas si longtemps, j'aurais probablement acheté cet Ordre de Cicéron, avec Jessica Blandy et le dernier Jeremiah... Pour moi, voilà l’exemple de la bande dessinée qui se complaît dans le grand public facile, le Marc Lévy en bande dessinée. Du vite lu, vite oublié, qui recycle des techniques d'autres succès qui ne sont qu'eux la réutilisation éhontée de formules déjà recyclées par d'autres. Je ne suis définitivement plus client de ce genre de truc.
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