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| Pendant la Seconde Guerre mondiale, le soldat Maruyama vient d’être affecté, avec son régiment, au contrôle de Bayen, un village situé sur une île de la Papouasie-Nouvelle Guinée située à l’Est de la Nouvelle-Zélande. Dans l’attente de l’assaut ennemi, alors que le lieu semble paradisiaque, le plus difficile est de réussir à survivre aux pièges de la forêt ainsi qu’à ceux de la mer. De plus, les petits gradés rendent un peu plus pénible la vie de Maruyama et de ses pareils à grands coups donnés pour des futilités. C’est alors que l’aviation ennemie, par ses bombardements et mitraillages incessants, annonce l’arrivée des navires américains. Un débarquement est proche. L’honneur du Japon est en jeu, personne ne doit se replier !
Opération Mort est le nouveau titre de Shigeru Mizuki publié par les éditions Cornélius. Loin de ses fantaisies pour enfants, l’auteur nous raconte ici la guerre et les horreurs qui l’accompagnent. En se fondant largement sur ses souvenirs, il nous permet de partager le quotidien d’un soldat, de son affectation en première ligne sur une île du Pacifique jusqu’à sa mort lors d’une opération suicide ordonnée par la hiérarchie dans le but de montrer un exemple aux autres combattants japonais : nul ne doit reculer, il vaut mieux mourir sur place pour l’honneur du Japon. Il se révèle au fil des pages du manga qu’une position aussi stupide et contre-productive, du point de vue stratégique, est combattue par certains officiers mais le poids de la hiérarchie et des traditions, l’habitude d’obéir et le sens de l’honneur exacerbé ont raison de toute résistance, même de la part de la troupe qui part alors mourir sous les balles ennemies. Le parallèle avec l’excellent film Lettres d’Iwo Jima s’impose tant leur sujet et leur traitement sont en grande partie similaires.
La narration de l’œuvre de Mizuki garde un recul constant sur les événements. Sa linéarité et sa simplicité créée un certain détachement du lecteur. De plus, le dessin propose un contraste saisissant entre les personnages dessinés de façon très "mizukienne" alors que les décors et les scènes de mort sont souvent traités de façon photoréalistique. Cela accroît le sentiment d’être en face d’un documentaire relatant la vie des simples soldats japonais sur le front du Pacifique. Ainsi, on ne peut s’empêcher d’intellectualiser le propos de l’auteur et de se sentir profondément révolté contre la guerre et de ses mécanismes qui obligent à mourir pour des raisons qui ne concernent que les classes dirigeantes. Sachant que le mangaka a connu cette horreur puisqu’il est revenu du front avec son bras gauche en moins, on ne peut qu’adhérer à son propos. Voilà donc un livre redoutablement efficace, dont la lecture devrait être obligatoire au Japon, surtout en cette époque où le militarisme et le nationalisme connaissent un regain inquiétant.
Concernant la version française, Cornélius nous surprend par quelques soucis d’impression causés par des moirages qui reviennent régulièrement au fil des pages, certains étant assez visibles. Voilà un problème qui n’est pas courant chez cet éditeur, ce qui n’est pas le cas du traitement minimaliste des onomatopées. Outre le sous-titrage sous la case habituel, on a souvent des sons qui ne sont absolument pas en adéquation avec la scène sonorisée, à croire que l’adaptatrice n’a jamais vu de film de guerre de sa vie : "tratata" pour un bruit de mitrailleuse, ça sonne un peu gamin, ce que n’est pas le récit. Dommage qu’un plus grand soin n’ait pas été apporté à cet aspect de l’œuvre. Cependant, cela n’enlève pas trop de sa force, et c’est le principal. |
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