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| Un lycéen interrompt soudainement ses études et se fait engager comme commis de cuisine et livreur d'un restaurant chinois. Il recherche quelque chose, mais quoi ? Peut-être un sens à la vie… Peut-être l'ingrédient qui lui manque pour fusionner avec son environnement, son destin… |
  Noir Firebird
| Après le brillant Cours, Bong-Gu, les éditions Dargaud nous proposent un nouveau manwha dans leur collection Made In. Entièrement en couleurs, ce one-shot est l’adaptation d’un roman de Do-Hyun Ahn par deux auteurs, Kyu-Sok Chi et Ki-Hyun Byun. Contrairement à ce que son titre semble indiquer, Nouilles Tchajang ne traite absolument pas de cuisine. L’œuvre narre les péripéties d’un jeune homme qui a coupé les ponts avec ses parents et qui cherche à s’assumer grâce à un petit boulot dans un restaurant chinois. Nous sont racontés ses doutes, ses rencontres et son passé, avec délicatesse et talent, le tout formant une histoire de quotidien de toute beauté, à mi-chemin entre Jirô Taniguchi et Craig Thompson.
Les auteurs nous font découvrir la vie d’un quartier d’une ville sud-coréenne, entre modernité et nostalgie. Ils naviguent entre les différentes boutiques, nous en présentent les gérants avec douceur et complicité, dessinant peu à peu les contours d’une société à la fois attendrissante et étouffée par le changement. Des allusions à des événements réels sont glissées, comme la Coupe du Monde 2002, le transfert de Ronaldinho ou encore une célèbre manifestation de 1960. L’œuvre se construit sur une accumulation de détails, nous montrant également les doutes d’une jeunesse prise entre les reliquats du passé, symbolisés par le père du héros et un ancien soldat devenu cuisinier, et une culture contemporaine qui s’incarne par exemple dans la moto qu’aime conduire le héros.
Les auteurs évoquent également sans insistance les drames du quotidien : un homme qui humilie constamment sa femme, la rébellion de jeunes qui masquent leur détresse morale ou encore une jeune fille en mal d’affection. Ces petites histoires dans l’histoire elle-même renforcent la mélancolie et le réalisme de l’œuvre, donnant l’agréable impression de côtoyer les personnages.
La narration est très propre, avec un découpage classique mais efficace, sans exubérance superflue ni effets de style malvenus. Elle est pensée afin de transmettre au lecteur des sensations presque palpables, d’où la mise en exergue de métaphores fréquentes liées à la nourriture, comme pour donner un goût à chaque émotion humaine.
Quant au dessin, il est superbe, réservant même quelques planches à l’aquarelle fantastiques. La colorisation est intelligente, jamais criarde ni trop terne, en adéquation parfaite avec les couleurs de la vie.
Nouilles Tchajang est au final une œuvre hautement recommandable, qui ménage de grands moments d’émotion, la simplicité du quotidien d’individus simples étant retranscrite avec une retenue et une intelligence qui honorent ses auteurs. Le spleen et la difficulté de devenir adulte qui caractérisent le héros sont également superbement rendus avec un final de toute beauté.
Si l’on ajoute à cela l’excellent travail des éditions Dargaud, malgré un prix pas doux du tout (mais qui se justifie), on obtient un des albums à retenir de l'année 2005.
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