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  herbv
| Morgane est furieuse : son demi-frère, fraîchement sacré roi de l’Île de Bretagne, se pavane devant elle. Il porte la couronne qui aurait dû lui revenir, à elle, la fille de l’ancien roi de Tintagel. Nul doute que Merlin, qui lui avait pourtant promis le trône, il y a une vingtaine d’année, a manigancé tout cela, avec cette fichue épée, Excalibur. Ne supportant pas une telle injustice, elle défie alors celui à qui elle refuse de prêter allégeance. Malheureusement, la légende de l’épée dit vraie et la mort est inéluctable. Mais la mort n’est pas une fin définitive dans un monde de magie, surtout quand Merlin se prend pour un dieu… Néanmoins, continuer à vivre est souvent une punition bien pire que le repos éternel.
Morgane est une bande dessinée qui aurait dû sortir aux éditions CFSL Ink en 2014. Hélas, l’arrêt des activités de l’éditeur communautaire a été à l’origine d’un certain retard de publication. Il a fallu que Delcourt donne sa chance à cette première œuvre de Stéphane Fert, le dessinateur, pour que les lecteurs puissent découvrir un auteur extrêmement prometteur. Heureusement que le scénariste, Simon Kansara, travaille depuis 2013 avec Delcourt sur la série MediaEntity (le quatrième et dernier tome devrait sortir en version papier en cette année 2016). Nul doute que cela a dû aider à trouver une solution de rechange. Quoi qu’il en soit, en quoi cette relecture des légendes arthurienne est-elle réussie ?
Le récit est centré sur Morgane. En neuf courts chapitres totalisant 140 pages, les auteurs narrent les malheurs et la vengeance d’une femme ambitieuse qui se heurte au pouvoir masculin. Son père l’ayant élevée comme le fils qu’il aurait dû avoir pour assurer la continuité de la royauté, elle n’a pas appris l’obéissance et refuse le rôle de génitrice fidèle que la société lui a attribué. Pourtant, elle n’est pas que victime, elle est aussi bourrelle. En esprit fort, elle agit ! Si les hommes se servent des femmes en fonction de leur intérêt, elle n’hésite pas à en faire de même avec eux. Ne reculant devant aucune manœuvre, elle n’a qu’une idée en tête : se venger de Merlin. Pour cela, la mort de celui-ci ne sera pas suffisante.
Si deux analepses développent le personnage de Morgane et permettent de comprendre son comportement, les autres personnages semblent bien plus caricaturaux, que ce soit les chevaliers, Arthur, et même Merlin. Cette impression est trompeuse car il ne faut pas oublier que la légende est vue à travers un prisme bien particulier. Morgane n’a pas de nombreuses interactions avec son entourage, bien au contraire. Elle ne peut connaître que peu de facettes des individus qu’elle côtoie. Plus prosaïquement, pour développer une personnalité complexe comme Merlin, il aurait fallu plus d’un tome et cela aurait peut-être affaibli un récit plaçant réellement les femmes au centre de l’histoire.
Le graphisme de Stéphane Fert est l’autre point fort du titre. Issu du monde de l’animation, après un passage aux beaux-arts, l’auteur propose un dessin personnel fort. Son style fait penser irrésistiblement à la peinture de Paul Gauguin, une influence revendiquée. Klimt vient aussi à l’esprit, notamment grâce à des couleurs particulièrement travaillées et qui participent aux ambiances ainsi qu’aux sentiments des protagonistes. L’impressionnisme n’est effectivement pas loin. La sexualisation de Morgane est particulièrement réussie, rendant l’impression que cette dernière est réellement maîtresse de son corps. Une telle réussite nous rend curieux de découvrir le nouveau projet de Stéphane Fert. |
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