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| Réédité en 2021 par Casterman sous le titre Stuck Rubber Baby |
  Le Pinguin punk
| Un jeune blanc américain dans le sud des USA dans les années 60, la découverte de l'engagement politique pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs et la découverte de son homosexualité (dans un contexte de saine tolérance comme on peut l'imaginer..). Gros pavé mais vraiment excellent. Un dessin Comics à la crumb mais sans les délires cul. Howard Cruse s'inspire en grande partie de sa vie, il a été militant pour les droits civiques, militant homosexuel et s'est énormement investi dans l'émergence de comics militant gay. |
sixpieds
| Roman graphique d’une densité surprenante, bardé de prix un peu partout à travers le monde, "Un monde de différence" (plus connu sous son titre original et pas vraiment limpide de "Stuck rubber baby") est certainement l'une des meilleures traductions parues en 2001. Pourtant son apparence graphique est loin d’être fascinante. Howard Cruse développe un univers un peu rondouillard, à l’encrage surchargé qui rend massif des décors scrupuleux. Les détails abondent et un important texte finit de boucher la multitude de cases qui remplit les pages. Au premier abord donc, rentrer dans cet imposant pavé semble plutôt ardu. Les bienheureux qui passeront cet écueil gagneront une histoire d’une richesse étonnante et d’une force émotionnelle formidable. C’est une véritable odyssée au coeur de l’Amérique sudiste des années 60 à laquelle Howard Cruse nous convie, mettant en image les destins d’une bonne vingtaine de protagonistes dans la tourmente des combats sociaux qui agitèrent les États-Unis.
Toland Polk, le narrateur, nous raconte une grande partie de sa vie dans le sud profond, raciste, bigot, à l’intolérance particulièrement violente. Au coeur de son récit, sa difficulté à assumer son homosexualité et les chemins auxquels ce combat intérieur le conduira, lui le provincial un peu benêt, peu concerné par les problèmes sociaux, parmi les mouvances progressistes et quasi-semi-clandestines. Par le refus de s’accepter tel qu’il est, c’est presque malgré lui qu’il participera -en prenant soin de se sentir toujours plus témoin qu’acteur- aux combats pour les droits civiques des minorités. L’auteur, mêlant anecdotes vécues et fiction, prend soin d’unifier les problèmes, d’incarner dans le parcours pour l’évolution des consciences et des moeurs, le combat pour l’égalité des droits entres noirs et blancs, la question homosexuelle telle qu’elle se posait en ce temps d’apparente innocence. De l’ambiance, dans les boites semi-clandestines de blues, les nuits de fête à la barbe des "honnêtes gens" dormant dans les pavillons des banlieues, jusqu’au nom des lieux (L’alleysax, Ridgeline, le Rhombus...), on est vite emporté dans une atmosphère chère aux romans beat et c’est bien du même combat qu’il s’agit : l’émancipation face à la chape de plomb d’un pays vivant dans une modernité qu’il ne saisit pas. L’électricité est dans l’air, la contre-culture balbutie aux quatre coins du monde, les franges éclairées et réprimées de la population se contorsionnent au seuil de l’âge des possibles tandis que les institutions et une autre partie de la population se tétanise et réagit avec violence, voyant s’envoler le monde ancien. Ces affrontements sont au centre d’Un monde de différence et la fabuleuse galerie de portraits, qu’Howard Cruse prend bien soin d’aborder en profondeur va cristalliser cette lutte.
Après la mort de ses parents dans un accident, le jeune Toland Polk, pompiste par inadvertance, va vivre un temps avec sa grande soeur et son très conventionnel mari (conventionnel du sud, c’est-à-dire raciste, anticommuniste, quasi-intégriste mais toujours poli et très "chrétien blanc") avant de s’installer à la Wheelerie, maison d’un couple d’amis très libérés. Bientôt rejoint par Sammy Noone, gai extraverti et musicien doué, le quatuor ira s’encanailler dans les endroits les plus secrets de Clayfield sous l’impulsion de Sammy. C’est dans une de ces soirées qu’il rencontrera Ginger, étudiante militante de toutes les causes dont il tombera sincèrement amoureux tout en n’oubliant pas que cela arrange bien son désir de "normalité". La petite ville de Clayfield, dirigée par un ségrégationniste forcené vivra bientôt les heures tragiques du combat pour les droits civiques. Chacun semble devoir prendre position et plus rien ne peut arrêter la haine qui sépare les communautés. Lynchages, attentats, chasse aux noirs comme aux pédés, complaisance de la police, incompréhension des amis d’hier... c’est tout un monde qui bascule et fait passer au second plan les problèmes personnels qui ressurgiront avec plus d’acuité dans les pires moments. Loin de n’être que dramatique, Un monde de différence se révèle aussi extrêmement touchant par la profondeur de la psychologie des personnages et des moments atteignant la grâce telle l’unique visite de Toland à Ginger et leur enfant dans un foyer d’un organisme d’adoption. D’autres renversements de situation, souvent hilarants, viennent annoncer les nouvelles les plus cruelles, ainsi de sa rencontre, quelques années plus tard, avec Orley, son ex-beau frère coincé devenu hippie, à San Francisco, dans le parc du Golden Gate " Ça, c’était bien la contre-culture des années 60, le temps d’éternuer et une centaine de jeunes républicains s’étaient transformés en freaks à cheveux longs ! ". Et Toland apprendra de la bouche d'Orley que celui-ci eut à voir avec le lynchage de son ami Sammy, dont la mort changea irrémédiablement la vie de Toland.
Très loin des drames sucrés et des psychologies sommaires, voire inexistantes, que l’on a coutume de subir dans la bande dessinée, Un monde de différence s’affirme comme l’une de ses oeuvres phares tant par la maîtrise de sa structure narrative que par l’ampleur des thématiques abordées. Décidément, les auteurs américains actuels de bande dessinée alternative ont des leçons de narration à donner aux autres. On en regrettera d’autant le graphisme pas très convaincant d'Howard Cruse. |
rohagus
| J'ai mis un certain temps avant de lire ce comics car son dessin me rebutait. Il est soigné et travaillé, j'aime bien son encrage et ses décors. Mais par contre, je ne comprends vraiment pas ce choix de l'auteur de représenter les personnages avec des mentons énormes que ce soit des filles ou des garçons, et des sourires dignes d'une publicité pour l'enrôlement de boy-scouts. Ca donne vraiment des airs de cons aux protagonistes du récit.
J'ai fini par m'y faire mais jamais je n'ai trouvé belles les planches que je regardais.
L'histoire, par contre, est intéressante.
Je croyais qu'elle abordait uniquement la question du racisme mais le sujet de l'homophobie est presque davantage traité. Et au passage, nous suivons le parcours d'un jeune homme qui se découvre homo mais préfère tenter de "corriger ce défaut" et d'agir en hétéro en espérant "guérir". C'est un vrai témoignage, plus ou moins fictif, certes, mais on sent qu'il y a énormément de vécu là-dedans.
On en apprend également beaucoup sur la situation de la ségrégation raciale dans le Sud des USA dans les années 60, sur l'état d'esprit des gens, qu'il s'agisse des noirs, des red-necks racistes et de ceux qui sont entre les deux et vont décider d'agir dans un sens ou dans l'autre.
Cet album est dense, se lit en plusieurs heures, et est suffisamment bien raconté pour ne pas ennuyer le lecteur tout en lui apprenant pas mal de choses.
Il manque cependant différentes choses pour faire de cette BD davantage qu'un album informatif. La narration est maîtrisée mais n'a rien d'originale. L'émotion n'a su que très moyennement m'atteindre. Même les moments sensés être forts de la fin de l'histoire m'ont à peine touché. De même, le quatrième de couverture parle de moments humoristiques et d'autodérision, mais je n'en ai vu aucun et je n'ai souri à aucun moment.
J'ai lu cette BD avec curiosité et sans aucun déplaisir car elle est bien racontée et présente quelques textes et dialogues très bien écrits. Mais hormis son caractère informatif, je n'en retire pas grand chose. |
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