Nous sommes en 2004. Un fils en or est la dernière histoire complète de la série à cette heure. Les albums 15 et 16 sont des recueils de gags en 1 page.
J’ai longtemps fait collection des albums du Marsu. Mais les derniers tomes, de plus en plus faibles, ont eu raison de ma passion. Ce quatorzième opus aurait pu être cependant un peu meilleur : le retour aux aventures dans la jungle, après les plagiats de Spirou et Fantasio et autres aventures urbaines, était un bon point. Le dessin avait eu le droit peut-être aussi à un poil plus de soin. C’est l’histoire en elle-même qui continuait à pêcher. Un couple d’archéologues, mené par Backalive, veut découvrir un temple dans la forêt. Les 2 parents amènent leur bébé. Ils se retrouvent enfermés dans le temple, aux prises de mille pièges. Mais Super-Marsu les sauve. Le bébé est resté au camp de base avec Backalive. Ce dernier dort, un jaguar rôde. Mais Super-Famille-Marsu s’en occupe. Une octogénaire veut kidnapper le marmot car il serait la réincarnation d’un dieu qui ouvrira la source d’une fontaine de jouvence dans le sus-cité temple. La vieille aventurière ne peut plus se faire faire de lifting. Batem et ses scénaristes ne peuvent s’empêcher de mettre du franchouillard dans la sauce des derniers tomes. Mais quoi qu’il en soit Super-Marsu sauve le bambin et assomme la vieille folle.
Bref au bilan final, le niveau de la série remontait mais restait enlisé dans des histoires épaisses.
27 mai 2004. Au hasard d’un zapping sur nos belles chaînes hertziennes françaises, je tombe sur le dessin animé qui correspond à cet album. A vrai dire, j’ai toujours connu le double support de cette histoire. Toutefois, je n’ai jamais su si la BD était l’adaptation du dessin animé ou l’inverse. Les derniers tomes de la série BD ont en effet un autre aspect troublant : ce n’est jamais le même scénariste… L’épisode télévisuelle nous est du, en l’occurrence, d’un certain Bourcquardez. La BD crédite le même nom en collaboration avec Saive. Ni une, ni deux, je décide de suivre le dessin animé avec la BD sous les yeux.
Quand un livre ou une BD est adapté de la sorte en dessin animé, les aménagements scénaristiques sont monnaie courante. Prenons Blake et Mortimer. Si on peut être déçu par l'adaptation de la Marque Jaune par Eric Rondeaux, son collègue qui s'est occupé du Piège diabolique a fait un vrai massacre. L’adaptation d’Achille Talon le transforme en super-héros qui remplace Superman et cie quand ils partent en vacances. D’autres modifications sont plus intelligibles. Le capitaine Haddock n’est pas alcoolique dans les dessins animés. Il boit de temps en temps mais ça devient négligeable. Le tintinophile peut le regretter mais il comprend le pourquoi. Ainsi dans le fils en or version dessin animé, l'épisode de la fontaine de Jouvence est absente, et par conséquent le personnage de l’octogénaire aussi. Première constatation : même si cette histoire de fontaine était ridicule, elle donnait un semblant d’intrigue.
Il reste la famille humaine et la famille Marsu. Dans la BD, le couple est constitué d’un homme calme, marié à une jeune femme plutôt nerveuse. Avec sa casquette et son air garçon manqué, on comprend elle doit être Américaine. Ils se vouvoient. Au fil de l’album, l’homme prend du poil de la bête et sa femme se retrouve en bustier, laissant apparaître la dentelle de son soutien-gorge. Elle reste féminine. La caricature reste légère. Dans le dessin animé, les rôles s’inversent, l’homme, un anglais au vu de son accent et de ses frusques, est nerveux. Sa femme est obèse avec une casquette. Voyons… Serait-elle Américaine ? A la fin, la néo-Walkyrie domine son mari. Voilà, déjà, un exploit de réussi : faire passer cet album du Marsu pour raffiner.
Dans la BD, se déploie un gag filé entre Backalive et le jaguar. Celui-ci tombe dans le berceau. Backalive, aux trois-quarts endormi, lui enfourne le biberon dans la gueule, pensant que c’est le bambin qui réclame. Sauf que ce n’est pas le biberon que le chasseur attrape mais sa flasque de whisky.
N’imaginez pas voir cette étourderie à la télé. Quelle horreur, ça serait. Comme pour Tintin, l’alcool est tabou. L’animal va téter gentiment le biberon du bébé. Deuxième exploit, faire passer le tome pour un ouvrage de public plus adulte.
Chères mères, vous n’avez peut-être pas beaucoup de moyens mais laisseriez- vous votre fiston en couche-culotte, sans l’habiller plus ? Bon, et bien pourtant c’est le cas du bébé de la série animée. En pleine jungle, avec tous les moustiques, on le laisse la couenne à l’air. Est-ce vraiment si moral que ça ? L’alcool, non ! Des parents qui tombent en pâture leur bébé aux mouches tsé-tsé, oui !
Trêve de plaisanterie, le bébé télévisé est là encore LE bébé. La couche-culotte et la houppette. Il n’est même pas « mignon », de trop standardisé. Le chérubin version 9e art est plus touchant, avec sa tignasse blonde et son T-shirt. Mais c’est surtout Pinpin son lapin doudou qui est attendrissant. (Batem offre un superbe dessin de la peluche sur la page de garde. Batem, le dessinateur qui soigne plus le dessin des à-côtés que celui de sa BD…)
On oublierait presque que Backalive est encore de la partie. Il y a bien longtemps que ce personnage récurrent est passé sous l’immuable rouleau-compresseur de la ringardisation. Il n’a jamais été un grand finaud mais on lui a fait atteindre des abysses. Ici, il n’est pas le méchant, il est uniquement là pour se recevoir des coups. Il est au 2e plan et on le plaindrait presque.
Le Marsu dans tout ça ? Eh bien la série télé comme l’album nous présente un animal encore trop humanoïde, associé à un syndrome du marsu trop intelligent ou plutôt trop humain. Il sait toujours quoi faire. A ce sujet, le dessin animé marque son seul point positif. Le bébé est recueilli par la famille marsu. Il se salit, la marsue le change avec des feuilles. Classique. Il a faim. Alors le Marsu va confectionner un biberon avec tel fruit et telle plante, lié avec telle liane. Dans la Bd, le marsu va au camp de base prendre le vrai biberon du petit. Nom du syndrome : Contamination anthropique galopante.
Malheureusement, épisode animé débute par un numéro aquatique du Marsu pêchant pour ses petits et pour faire le pitre. Dans l’album, les enfants Marsu pêchent eux-mêmes… ce qui est plus en accord avec leur aventure initiatique du quatrième tome.
En fin de courses, on a une Bd du Marsu, d’un niveau bien supérieur au dessin animé. Tout est relatif…
Attention, il y a quand même des erreurs grossières dans l’album. La couverture représente une situation qui n’existe pas dans l’aventure : le bébé dans le temple avec son lapin. Publicité mensongère !
Plus sérieusement, les pièges du temple sont mille fois vus. Les 2 parents sont confrontés à un casse-tête pré-palombien. C’est écrit en idéogrammes. « Pour les jeunes lecteurs », il y a une version doublée. L’énigme, en 4 idéogrammes, devient « Quelle est l’erreur du pyranha ». C’est le « y » car « piranha » est la bonne graphie. Chaque idéogramme est devenu une lettre pour pouvoir choisir le « y ». Les adultes savent qu’il n’y a pas bi-univalence entre une lettre et un idéogramme. L’un ne correspond pas à l’autre. Batem lui-même s’y perd car un coup idéogramme renvoie à un sens (énigme) et l’autre coup renvoie à des lettres (les réponses possibles).
Le Y et le I se confondent dans notre langage mais les signes pré-palombiens auraient ce même problème ? Les enfants, sans faire ce raisonnement, butent également sur cet épisode trop approximatif pour être viable.
L’octogénaire se reçoit une carabine sur la tête donc elle « cherche des crosses » mais ce seul jeu de mot ne va pas sauver le coté poisseux du personnage. Le Marsu lui-même est trop franchouillard, c’est un pitre oui mais jusqu’à de certaines limites…
Ce quatorzième tome n’a pas grand intérêt si on le considère dans la globalité. Mais il est troublant de voir qu’il y a pire, finalement. Ai-je dit que tout est relatif ?