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  thierry
| Peter Kuper fait partie de la crème des auteurs indépendants américains, dans la mouvance d'Art Spiegelman et Eric Drooker. Il n'avait pourtant pas encore été traduit en français. C'est désormais chose faite grâce aux Éditions de l'An 2.
"Le Système" dont il est question dans cet album, c'est la société capitaliste. Par son observation, Peter Kuper met en évidence ses inégalités, ses aberrations, sa violence et sa course effrénée vers la catastrophe. Par un brillant jeu de fondus-enchaînés, il compose une sorte de long plan-séquence qui fait découvrir au lecteur les relations subtiles qui génèrent le Système. Le lecteur a l'impression d'observer une colonie sous bulle, impression renforcée par la narration soit quasi muette. Exercice de style, sans doute, mais le résultat est une merveille de fluidité et d'intelligence. Une découverte a faire ! |
briographe
| Vous aimez les albums qui sortent des sentiers battus, qui explorent de nouvelles voies narratives ou graphiques ? La tiédeur politiquement correcte de notre époque feutrée vous insupporte ? Vous allez adorer Le Système de Peter Kuper. Ce dessinateur new-yorkais, célèbre pour la férocité de ses dessins politiques, nous livre une satire caustique sur la vie dans les grandes métropoles, la corruption, la violence urbaine, les magouilles politiques ou financières, dans un album dont le dessin semble "bombé" à la manière d'un graffeur ou d'un tagger.
Une strip-teaseuse est assassinée dans le métro. Le détective MacGuffin est chargé de l'enquête, mais il est anéanti par le remords : quelques jours plus tôt, il a tué un enfant qui le menaçait avec un revolver en plastique. Sans vergogne, un autre flic organise un réseau très lucratif de distribution de drogue. Dans les hautes sphères, le président de la firme électronique Mexxon prépare le rachat de la firme Micron contre son rival Syco. Pour garantir sa domination dans cette lutte financière, il s'attache les services d'un poseur de bombes. Tout cela, dans un contexte d'élections présidentielles : Rex, le président sortant, pourrait bien être battu par son challenger Muir. Dans cette ville là, tout n'est que luxure, agitation et cupidité. Seuls un Rasta et son amie, dans leur bulle de bonheur idyllique, semblent pour un court instant épargnés par la frénésie environnante...
Kuper raconte par petites touches une foule d'individus issus de différents milieux sociaux, dont les destins s'entrecroisent et se bousculent furtivement, sans jamais zapper brutalement ni provoquer de rupture. Il recourt à de nombreuses astuces visuelles pour papillonner d'un personnage à l'autre : des zooms sur un arrière plan, des éléments de décor qu'on retrouve à deux endroits différents (billets de banque, écran de TV…), des anamorphoses spectaculaires. Tout est imbriqué, entrelacé et interdépendant. L'auteur dénonce en bloc ce système qui nous parait si familier… mais rappelle dans une mention discrète au dessus du copyright et plutôt inhabituelle dans une BD "qu'intrigue, personnages et situations apparaissant dans cet album relèvent entièrement de la fiction". Ouf ! Nous voilà rassurés !
Il n'y a aucun dialogue dans cet album. Pour autant, ce n'est pas de la BD muette : partout, les unes des journaux, des affiches, des écrans, des panneaux lumineux "parlent" à la place des personnages et font progresser l'intrigue, au dessus du brouhaha de la jungle urbaine. Ce mode inédit de récit fonctionne à merveille et l'auteur exécute avec réussite le portrait vénéneux d'une ville entière, comme pour révéler les rouages complexes du "système".
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