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  Mr_Switch
| Si je devais faire une bullechronique de Kabuki, tome 2, Recueil, je serais bien en peine. Il faudrait d'abord que je résumasse l'histoire. J’en serais bien incapable.
Kabuki semble être une ancienne agente secrète paragouvernementale, dans un Japon sans doute légèrement futuriste. Je ne sais pas trop. Elle est placée dans un centre de rééducation, de reprogrammation, après avoir été mortellement blessée. Je ne sais pas trop pourquoi. Le fauve en cage, la tigresse au dos tatoué d'un dragon, végète. Au début, du moins.
Quoiqu’apres les 300 pages du recueil, elle ne végète pas beaucoup moins. Mais elle a terriblement gambergé. Une évasion interne, une tentative de reformer le puzzle de son passé. Elle n'a pas l'air d'en savoir plus que nous. Ce qui est peu dire. Ceci dit, sa quête intérieure devient vite nôtre. C’est un haletant surplace.
Quid du passé, quid du présent, qui du futur ?
Si je faisais cette chronique, je m'étonnerais, comme d'autres lecteurs conquis par cet album, que celui-ci ne fût pas plus connu. Il me faudrait rappeler que, pourtant, le tome 1 de Kabuki est toujours en rupture de stock en ce début d'été 2005. J'en profiterais pour souligner que le poster du masque Nô de Kabuki est, quant à lui, assez connu.
Rapidement, je serais enclin à décrire le livre, le papier. Il me faudrait avouer que je trouve l'objet superbe. Les pages en couleurs, particularité de ce tome 2, sont sur un beau papier glacé. Le dessin particulier, mêlé de collages, de David Mack est donc très bien servi. Me connaissant, je paraîtrais m'ébahir que la seconde partie de l'album, en N&B, fût sur un papier plus ordinaire, jaunâtre même, non glacé. Et je rabâcherais, une fois de plus, que, selon moi, le papier glacé nuit au N&B. Et que donc, ce papier jauni m’agrée. Alors qu'en fait, Génération Comics a peut-être adopté ce papier mat, par économie. Aux innocents, les mains pleines. D'autant, avouerais-je, que le papier du tome 3, tout en N&B, est glacé.
Pour être complet, il me faudrait indiquer que l'ordre d'édition des 3 premiers tomes est chronologiquement inversé par rapport à la date de publication des divers épisodes.
De là, je devrais me lancer dans une explication alambiquée dont j'ai le secret. En effet, malgré tout, cet apparent non-sens a du bon. Il se justifie. Il apporte une encore plus grande force au mystère.
Il me faudrait convaincre que dans ce tome, il ne faut pas chercher à comprendre absolument chaque point, chaque digression. Ce n’est pas la peine de chercher à lire le tome 3 avant le 2. Moins on connaît d'éléments, de clés, plus le charme opère, plus vortex est fort.
C'est bien cette notion de vortex qui me dissuaderait de faire cette chronique. Sur les 300 pages de ce recueil couleur, il ne se passe guère de choses. Pourrait-on parler de huis-clos, de drame psychologique ? Je m'interroge encore. C'est qu'on est littéralement emporté dans le feu de l'action. C'est prenant, absorbant.
Je n'aurais de mot pour expliquer ce paradoxe. Il faudrait que j’écrivisse des lignes et des lignes pour simplement expliquer qu’il faut lire le tome pour comprendre.
Qui plus est, je me verrais contraint de ressortir la hache de guerre du vieux clivage entre le format 48 pages et les autres, même si je n'ai pas cet objectif. Je nommerais le manga, les comics etc... Alors que ce qui m'intéresse dans le débat, ici, c'est comment un album de 300 pages peut être passionnant avec si peu d'action pure alors qu'un franco-belge de 48 pages pourra être ennuyeux à mourir.
De là, je devrais contrer les attaques. "Ceci est un recueil !", "Il correspond à plusieurs publications aux USA !"
"Justement !", objecterais-je. "Bien sûr qu'il y a des 48 pages excellents et des 300 pages nullissimes. Bien sûr que produire 300 pages peut être un travail d'esclave pour le dessinateur."
Mais, les faits sont là, ce n'est pas de la forme mais du fond dont il est question. Et de plaisir de lecture. Comment ce comics arrive-t’il à fasciner ?
Là, j'éprouverais le besoin de faire des hypothèses emphatiques. Du genre : peut-être que le fait de dynamiter les plans narratifs, actanciels y est pour quelques choses ?
Il me faudrait frôler la philo de baccalauréat pour décrire le dessin. Tout n'est pas forcement joli graphiquement, mais l'ensemble est très beau. J’imagine que c’est l’essence même de l’osmose. David Mack et ses collaborateurs (aaaah, voilà comment ils font pour avoir pleins de pages...) élargissent le mystère jusque dans le dessin lui-même. Il faudrait alors que je me contredisse presque, en avouant qu'il y a tout de même de superbes dessins d'anthologie, comme le montrerait le poster qu'on pourrait apercevoir sur ma chronique.
Dans cette improbable chronique, je devrais indiquer en quoi la couleur apporte un plus. Il faudrait que j’argumentasse que ce tome 2 est sans doute le meilleur des 3 premiers, alors même que je n’ai pas lu le tout premier. Si je passais sous silence ce dernier point, j’avancerais que ce n’est pas tellement la couleur mais l’ensemble de la technique de peinture, collage associée a cette narration innovante qui fait de ce recueil une petite perle.
Cependant, dans le chapitre Couleur, jamais je ne pourrais transcrire la beauté de la couverture, en particulier ce bleu-violet intense opposé au noir, par des mots.
Enfin, et surtout, en faisant un article, je présenterais l’œuvre de manière parcellaire, je la trahirais. Mes lecteurs auraient une vision faussée du bouquin.
Voila autant de raisons pour lesquelles je ne ferais sans doute jamais de chronique sur ce Recueil Kabuki.
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