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  rohagus
| Même si j'ai un sentiment globalement positif envers cette BD, je n'ai pas réussi à m'empêcher d'être troublé au cours de sa lecture, ce qui m'a interdit de l'apprécier pleinement.
Son idée est pleine de personnalité. Il s'agit de présenter de manière très naturelle et belle le personnage d'un jeune danseur qui a passé sa vie entière aux côtés des femmes d'un cabaret parisien des années 1920 et qui excelle à son tour dans la danse mais aussi dans le caractère androgyne de sa nature. En effet, il se maquille, porte des robes et se comporte en tous points comme une jeune femme la plupart du temps, et ce avec un grand naturel et beaucoup de subtilité d'esprit. Rien n'est clairement exprimé sur ses préférences sexuelles, seule la liberté de choisir entre être appelé elle ou lui avec le même plaisir est mis en avant dans sa démarche. Et cela lui réussit bien car non seulement ses prestations artistiques lui attirent un grand succès mais il trouve aussi la sérénité d'une relation saine et affectueuse avec le beau et gentil héritier d'une famille d'éditeurs, là encore sans que soit jamais clairement exprimée l'éventuelle nature physique de cette relation.
Graphiquement, c'est beau. Dans des couleurs chaudes et aimables, les planches sont esthétiques et attirantes tout en gardant une jolie simplicité du trait. J'ai bien aimé la représentation de l'art et des émotions du jeune héros, avec toute la symbolique des fleurs et des plantes qui émanent de lui quand il danse ou qu'il ressent des émotions fortes.
Cela forme un bien joli conte mais un peu trop beau pour être crédible et c'est ça qui m'a troublé.
Tout du long je n'ai pas arrêté d'être ramené à la réalité par les questions que je me posais. La première était sur l'âge du héros. Il s'exprime comme un jeune adulte mature mais a le corps d'un enfant de 13 ans tout au plus. Et c'est visiblement l'âge qu'il est censé avoir au mieux dans cette histoire vu qu'il joue avec une autre enfant et étant donné sa taille par rapport aux femmes. Mais alors comment expliquer que sa mère le laisse se rendre à des rendez-vous galants avec un adulte ? Comment appréhender sans sourciller cette relation entre un adulte et un enfant, à supposer que celui-ci en soit bien un mais tout dans le récit semble aller dans ce sens ?
A côté de cela, ce qui permet au héros toutes ses libertés androgynes tient dans son corps de garçon prépubère, aux traits encore si fins qu'il est impossible de le différencier d'une jeune femme. Mais du coup que va-t-il devenir dans quelques années quand la puberté lui donnera forcément des traits plus masculins ? Quid de sa capacité à se fondre aussi bien dans un environnement féminin et à entretenir le charme sur une piste de danse ? Comme le récit laisse passer plusieurs mois dans son déroulement, je m'interrogeais déjà sur le fait que le jeune héros ne semblait pas avoir grandi et commencé à changer physiquement, et m'interrogeais du coup encore plus sur son futur qui est évoqué dans l'épilogue.
Sans parler évidemment de la facilité avec laquelle le tout Paris au sortir de la Première Guerre mondiale accepte sa nature ambivalente sans que rien de désagréable ne lui advienne. Mais admettons que ceci fasse partie du conte pour que l'histoire reste belle et optimiste.
Bref, si on arrive à se détacher de ces raisonnements probablement trop terre à terre et qu'on se laisse porter par la beauté, l'ouverture d'esprit et l'optimisme de ce joli conte, c'est une belle BD. Mais pour ma part, je n'ai pas réussi à me détacher suffisamment du trouble et de la circonspection concernant la relation entre le jeune héros et son beau protecteur. |
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