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| Comment vivons-nous ? Qu’est devenue notre vie entre métro, boulot et dodo ? La mégalopole est devenue une jungle de béton où chacun perd son humanité. Égoïste, insensible, rageur, l’homme urbain vit son quotidien comme un cancer. Shiriagari soigne ce cancer… par les plantes ! |
  herbv
| Tokyo de nos jours. Soudainement, un jacaranda géant, un arbre d’origine brésilienne, apparaît dans un quartier résidentiel. Il grossit à vue d’œil, provoquant des catastrophes de plus en plus importantes, ce qui finit par menacer de raser la mégapole. C’est sur une idée simple, la destruction de Tokyo par des forces (sur)naturelles que Kotobuki Shiriagari développe son histoire. La première partie, focalisée sur l'apparition du jacaranda, est particulièrement intéressante avec la peinture qui est faite de la société tokyoïte, de la critique envers les médias audio-visuels, de la communication moderne reposant sur la téléphonie mobile, du modernisme sous toutes ses formes qui isole les gens dans des bulles et les déconnecte de la réalité. C'est ainsi que les 90 premières pages représentent pour certains le meilleur moment du manga. Ensuite, la longue série de catastrophes, qui semblent parfois largement exagérées, risque de lasser assez rapidement. L'accumulation des explosions, des accidents, de leurs descriptions plutôt réalistes pendant 150 pages fait décrocher de plus en plus de l'histoire. Ceci dit, tout le monde ne réagira pas ainsi. On peut aussi regretter la longueur de la scène finale avec l'aube se levant sur les survivants. Le message un peu écolo semble bien trop naïf et il n'y avait peut-être pas besoin de 60 pages même si elles sont très bien faites.
Ceci dit, même s'il s'agit là d'un avis un peu mitigé, on ne peut que conseiller fortement la lecture de Jacaranda aux personnes curieuses de découvrir un auteur différent. Après tout, Tokyo est une vaste mégapole et il est logique que les scènes de destructions se répètent ad nauseam pendant des dizaines et des dizaines de pages. L'auteur nous convainc de sa démarche à force de répétition et jusqu'au dégoût. Il est vrai que ce long étalage de catastrophes correspond bien au gigantisme de la ville de Tokyo et doit frapper bien plus les esprits japonais qui sont en permanence sous la menace des forces de la nature, ce qui n’est pas trop le cas pour les lecteurs vivant en Europe francophone. Concernant le dessin, il est stupéfiant de voir comment l’auteur réussit à mélanger un dessin précis (le décor) à un dessin hachuré, les scènes de destructions ou les personnages, qui peut aller à une sorte de simple esquisse brouillonne. Cela donne une vivacité assez extraordinaire avec un style original. Les fans d'Obata ou de Taniguchi risquent de passer leur chemin tellement cette démarche est inverse de celle de ces deux mangakas qui nous proposent un dessin très travaillé, très lisse mais très figé. Et malgré cet aspect peu soigné, Kotobuki Shiriagari réussit parfaitement à faire passer les expressions de ses personnages, à rendre l'horreur des scènes de catastrophes. On a vraiment là quelqu'un qui maîtrise son médium.
Parlons un peu de la version française. L'objet en lui même est réussi, il nous est proposé sous la forme d’un livre broché avec une couverture rigide recouverte d’un plastique censé représenter une sorte de tissu, ce qui change des sempiternelles jaquettes. La traduction semble réussie mais on ne pourra pas en dire autant de l'adaptation graphique. Il faut dire que si on a cette fois un duo traducteur-adaptateur (le meilleur moyen pour obtenir de la qualité), c'est GB One qui s'est occupé du lettrage. Et comme il s'agit ici d'une édition "de luxe", cela demandait de l'inventivité, du sens artistique pour coller au dessin et à la narration, chose qui semble hors de portée de ce studio. Ce n'est pas que techniquement ça soit mal fait mais on sent que c'est réalisé mécaniquement, sans recherche. Toutes les onomatopées françaises sont rondes et se ressemblent alors que l'auteur a cherché à alterner sons graves et sons aigus. Il explique dans son interview en fin de volume que c'est une des bases de sa narration pendant les scènes de destruction. Rien de cela ne ressort dans le lettrage français. Mais pour ne pas finir sur une note négative, saluons la présence de pages bonus très intéressantes. Outre une post-face de l'auteur, on a une interview, un portrait et une petite bibliographie, le tout étant très bien fait. Il faut dire que ces bonus ont été réalisés par les deux personnes qui ont organisé l'exposition Shiriagari à Angoulême 2006. Difficile de trouver mieux, n'est-ce pas ? |
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